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Relancer le dialogue avec la Turquie

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    SwissInfo
    30 août 2004

    Relancer le dialogue avec la Turquie


    En janvier dernier, le président suisse, Joseph Deiss, rencontrait le
    premier ministre turc, Tayyip Erdogan, lors du Forum économique de
    Davos. (Keystone)

    Une délégation parlementaire suisse se rend en Turquie pour
    réchauffer les relations entre les deux pays après la crise
    diplomatique de l'an dernier.

    Suite au débat ouvert en Suisse sur le génocide arménien, le
    gouvernement turc avait annulé une visite de la ministre suisse des
    Affaires étrangères à Ankara.


    Un «affront», une «provocation»: c'est ainsi que quelques politiciens
    suisses avaient qualifié, il y a un an, la décision des autorités
    turques d'annuler la visite à Ankara de Micheline Calmy-Rey.

    La ministre suisse des Affaires étrangères (DFAE) - qui aurait voulu
    évoquer la question du respect des minorités et des droits de l'homme
    au cours de son voyage - s'était quant à elle diplomatiquement
    contentée de juger «excessive» la décision de la Turquie.

    Une fois encore, c'était la question du génocide des Arméniens qui
    avait suscité l'ire du gouvernement turc. Une question «trop» souvent
    évoquée ces dernières années en Suisse aux yeux du gouvernement
    d'Ankara.

    Pour mémoire, 800'000 des 1,8 million d'Arméniens vivant en Turquie
    auraient été, selon les recherches historiques, systématiquement
    déportés et exterminés par l'Empire ottoman entre 1915 et 1918.

    Petite crise diplomatique

    Toujours nié par la Turquie, qui affirme que «seulement» 200'000
    Arméniens auraient été tués durant les opérations de la Première
    Guerre mondiale, ce génocide a été reconnu en 1998 par le parlement
    du canton de Genève.

    En 2001, la Chambre basse du parlement fédéral avait quant à elle
    rejeté un postulat dans ce sens, mais par seulement trois voix
    d'écart.

    Les choses ont toutefois rebondi l'an dernier. La question arménienne
    est revenue sous les feux de l'actualité lorsque, le 23 septembre, le
    parlement du canton de Vaud a à son tour reconnu le génocide.

    Peu de jours après, le gouvernement turc annonçait sa décision
    d'annuler le voyage de Micheline Calmy-Rey, ouvrant ainsi une petite
    crise diplomatique qui a refroidi les relations entre les deux pays.

    Un refroidissement d'autant plus vif qu'en décembre dernier, la
    Chambre basse du parlement fédéral, appelée à se prononcer sur un
    nouveau postulat, reconnaissait à son tour le génocide.

    Cette décision n'a pas plu aux Turcs. Le nouveau premier ministre
    Recep Tayyp Erdogan l'a d'ailleurs regrettée lors d'une rencontre
    avec Micheline Calmy-Rey et le président de la Confédération Joseph
    Deiss en janvier dernier en marge du Forum économique mondial (WEF)
    de Davos.

    Nouvelles possibilités de dialogue

    Annulée en octobre 2003, la visite en Turquie des membres de la
    Commission de politique extérieure (CPE) de la Chambre haute du
    parlement suisse peut donc être considérée comme un pas important
    vers la relance du dialogue et d'une amélioration des relations entre
    les deux pays.

    «L'an dernier, nous avions préféré renoncer à notre visite, déclare
    le sénateur Peter Briner, président de la commission et chef de la
    délégation. Les relations bilatérales était alors marquées par une
    certaine irritation et nous n'aurions pas pu trouver d'interlocuteurs
    turcs prêts à dialoguer.»

    «Le temps a permis de surmonter cette irritation, poursuit-il. Nos
    collègues du parlement turc et l'ambassadeur turc à Berne nous ont
    assuré que nous serions les bienvenus dans leur pays.»

    La visite aura donc lieu du 30 août au 3 septembre. La délégation
    suisse sera reçue par des représentants politiques de haut rang du
    parlement et du gouvernement turcs, notamment par le ministre des
    Affaires étrangères Abdullah Gül.

    La coopération économique et technique sera au centre des
    discussions. Mais la question du respect des minorités et des droits
    de l'homme, aujourd'hui en Turquie, sera également abordée.

    «Nous voulons aussi faire le point sur les réformes que la Turquie
    entend mettre en `uvre et sur les efforts qu'elle a déjà accomplis
    dans le cadre des ses préparatifs pour adhérer à l'Union européenne»,
    précise Peter Briner.

    Des visions opposées

    Selon le président de la Commission de politique extérieure de la
    Chambre haute, la délégation suisse ne veut en revanche pas revenir
    sur la question du génocide arménien, toujours tabou en Turquie.

    «Nous ne voulons pas juger cette terrible période historique avec une
    attitude de moralistes, déclare-t-il. Cette tche revient aux
    historiens. Chaque pays doit se confronter tout seul à son propre
    passé.»

    Mais cette position n'est probablement pas partagée par bon nombre de
    ses collègues parlementaires. Le débat tenu le 16 décembre dernier à
    la Chambre basse sur le génocide arménien avait en effet une nouvelle
    fois fait apparaître deux visions opposées de la politique étrangère.

    D'un côté, il y a la volonté de privilégier l'implication de la
    Confédération en faveur des droits de l'homme et des minorités.
    Surtout quelques mois après l'adhésion de la Suisse à une Cour pénale
    internationale appelée à juger les cas de génocide.

    D'un autre côté, il y a en revanche la volonté de maintenir le
    dialogue et de ne pas compromettre les relations avec un partenaire
    économique important comme la Turquie.

    En 2003, la Suisse occupait en effet le 6e rang des investisseurs
    étrangers en Turquie et le 7e rang des pays exportateurs (1,6
    milliard de francs d'exportation vers la Turquie en 2003).

    Moment particulièrement favorable

    Même si elle n'abordera peut-être pas toutes les questions les plus
    délicates, la visite de la délégation suisse en Turquie est
    accueillie favorablement par les représentants de la communauté
    arménienne de Suisse.

    «Si elle ne se base pas sur le mensonge, la recherche du dialogue est
    fondamentale pour que la Turquie se débarrasse de l'obstructionnisme
    qu'elle a toujours pratiqué», estime Sarkis Shahinian, vice-président
    de l'association Suisse-Arménie.

    Or le moment pour y parvenir semble particulièrement favorable, étant
    donné la volonté de la Turquie d'adhérer à l'Union européenne et son
    ambition d'assumer un rôle stratégique de pont entre le monde
    occidental et le monde islamique.

    «C'est le moment pour la Turquie de faire la lumière sur son passé et
    de s'adapter enfin aux critères de respect des droits humains
    indispensables pour pouvoir adhérer à l'Union européenne», conclut
    Sarkis Shahinian.

    swissinfo, Armando Mombelli

    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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