Le Monde, France
mardi 7 Décembre 2004
Europe, UMP, Raffarin : les trois hypothèques qui pèsent sur Chirac
Le "oui" du PS à la Constitution européenne et l'élection de Nicolas
Sarkozy à la présidence du parti majoritaire n'ont pas dégagé
l'horizon du chef de l'Etat : le référendum n'est pas gagné, une
crise est possible avec son ex-ministre des finances, et un
remaniement début 2005 toujours à l'étude.
Le mot d'ordre à l'Elysée, après une semaine capitale qui a vu
Nicolas Sarkozy accéder à la tête de l'UMP, les militants du PS
approuver la Constitution européenne et la justice ménager l'avenir
d'Alain Juppé ? "La vie continue." C'est sans doute une manière de
dire que les soucis aussi. Ceux du chef de l'Etat concernent en
particulier le référendum, l'avenir du gouvernement et du premier
ministre, les rapports avec l'UMP.
Si Jacques Chirac a pu se réjouir du "oui" des socialistes - "une
bonne nouvelle pour l'Europe", a-t-il dit le 2 décembre à Lübeck
(Allemagne) -, il ne considère pas la partie gagnée. "Il faut voir
maintenant comment François Hollande va gérer ça, s'il a la capacité
d'entraîner", observe un conseiller du chef de l'Etat, notant que les
partisans du "non" n'ont pas désarmé. En outre, l'entourage
présidentiel juge fragiles les sondages qui indiquent, pour
l'instant, une majorité favorable au "oui". D'autant que "l'os turc",
selon l'expression d'un chiraquien du premier cer-cle, ne serait
toujours pas passé.
Espérant toujours qu'un "découplage" entre la question de l'adhésion
turque à l'Union européenne et l'adoption de la future Constitution
s'effectuera au Conseil européen du 17 décembre, l'Elysée plaide
qu'il s'agit d'un "préalable" : "La question turque se posera un
jour, y dit-on ; il n'y a pas lieu de la préempter maintenant par un
vote d'humeur sur la Constitution." Mais il n'est pas certain que la
promesse d'un référendum dans dix ou quinze ans sur le statut de la
Turquie - telle que M. Chirac l'a formulée (Le Monde du 4 octobre) -
suffise à convaincre.
UNE ÉPINE
M. Chirac n'a même pas réglé la question au sein du couple
franco-allemand. Gerhard Schröder ne veut pas du scénario alternatif
d'un "partenariat privilégié" avec la Turquie - comme l'a recommandé,
dimanche, Valéry Giscard d'Estaing. Fidèle de M. Sarkozy, le ministre
délégué à l'industrie, Patrick Devedjian, a mis l'accent sur la
reconnaissance du génocide arménien par la Turquie, dimanche sur
Radio J. Quant à l'élargissement de l'Union à 25 pays, l'Elysée
considère avec optimisme qu'il ne s'agit plus que d'une "question
technique".
Autant dire que l'Europe reste une épine pour M. Chirac, tant que le
référendum annoncé pour 2005 n'est pas gagné. Son entourage
s'empresse néanmoins d'assurer qu'un "non" des Français à la
Constitution européenne ne signifierait aucun rejet personnel du
président de la République. Ses conseillers soulignent d'ailleurs que
M. Chirac a toujours déploré la personnalisation de l'enjeu
référendaire, affirmant régulièrement que "De Gaulle n'a pas rendu
service au référendum en démissionnant en 1969" - après l'échec de
son référendum sur le Sénat et la régionalisation.
M. Raffarin pourra-t-il conduire, avec le chef de l'Etat, la campagne
référendaire ? A la rentrée, certains chiraquiens rejetaient
catégoriquement cette hypothèse, jugeant le premier ministre trop
affaibli. Le vent semble tourner. "Si le "oui" l'emportait au PS,
Chirac laissait Raffarin faire la campagne. C'était le deal", assure
un ministre proche du chef de l'Etat. " Raffarin sera changé après la
campagne", approuve un expert qui conseille l'Elysée, ajoutant : "Je
ne vois pas en quoi son impopularité change quelque chose au
référendum. C'est une vision de court terme." A quoi un député
chiraquien ajoute : "S'il n'y a pas de mouvement social fort, Chirac
ne fera rien sur la seule base de sondages défavorables à Raffarin."
Si le président a naturellement réfléchi au remplacement de son
premier ministre - songeant à Dominique de Villepin, Jean-Louis
Borloo ou Michèle Alliot-Marie -, il semble peu pressé de renoncer au
confort que lui offre encore M. Raffarin. Le départ de M. Sarkozy du
gouvernement donne à ce dernier une bouffée d'air que M. Chirac
souhaiterait lui laisser. Quitte à opérer un remaniement plus large -
sans changer de premier ministre - avant de commencer la campagne.
"Pour l'instant, il n'y a pas remaniement, il y a gouvernement",
résume-t-on à l'Elysée.
L'UMP suscite davantage d'incertitudes. M. Sarkozy joue avec habileté
la partition de la réconciliation. Evoquant l'élection présidentielle
de 2007, le nouveau chef du parti majoritaire a assuré, au cours de
l'émission "Vivement Dimanche", sur France 2 : "Si c'était Jacques
Chirac qui était en situation d'être le meilleur, eh bien, le rôle du
président de l'UMP, ce serait de le soutenir et tout autre
comportement serait irresponsable." Mais n'en déplaise à ceux de ses
partisans qui appellent déjà à sa candidature, M. Chirac ne semble
pas, pour l'heure, vouloir évoquer 2007 autrement qu'en plaisantant.
Il pense qu'une crise politique n'est pas à exclure avec l'UMP, si la
critique du gouvernement par le parti majoritaire devenait trop forte
- ce que le président de l'Assemblée, Jean-Louis Debré, a dit
plusieurs fois publiquement. "Il faut faire confiance.
Attentivement", dit un ami du président en parlant de l'UMP, laissant
deviner qu'il y aura plus d'attention que de confiance.
Béatrice Gurrey
--Boundary_(ID_+qZfIFY7F9/GUgz2C0QW0w)--
mardi 7 Décembre 2004
Europe, UMP, Raffarin : les trois hypothèques qui pèsent sur Chirac
Le "oui" du PS à la Constitution européenne et l'élection de Nicolas
Sarkozy à la présidence du parti majoritaire n'ont pas dégagé
l'horizon du chef de l'Etat : le référendum n'est pas gagné, une
crise est possible avec son ex-ministre des finances, et un
remaniement début 2005 toujours à l'étude.
Le mot d'ordre à l'Elysée, après une semaine capitale qui a vu
Nicolas Sarkozy accéder à la tête de l'UMP, les militants du PS
approuver la Constitution européenne et la justice ménager l'avenir
d'Alain Juppé ? "La vie continue." C'est sans doute une manière de
dire que les soucis aussi. Ceux du chef de l'Etat concernent en
particulier le référendum, l'avenir du gouvernement et du premier
ministre, les rapports avec l'UMP.
Si Jacques Chirac a pu se réjouir du "oui" des socialistes - "une
bonne nouvelle pour l'Europe", a-t-il dit le 2 décembre à Lübeck
(Allemagne) -, il ne considère pas la partie gagnée. "Il faut voir
maintenant comment François Hollande va gérer ça, s'il a la capacité
d'entraîner", observe un conseiller du chef de l'Etat, notant que les
partisans du "non" n'ont pas désarmé. En outre, l'entourage
présidentiel juge fragiles les sondages qui indiquent, pour
l'instant, une majorité favorable au "oui". D'autant que "l'os turc",
selon l'expression d'un chiraquien du premier cer-cle, ne serait
toujours pas passé.
Espérant toujours qu'un "découplage" entre la question de l'adhésion
turque à l'Union européenne et l'adoption de la future Constitution
s'effectuera au Conseil européen du 17 décembre, l'Elysée plaide
qu'il s'agit d'un "préalable" : "La question turque se posera un
jour, y dit-on ; il n'y a pas lieu de la préempter maintenant par un
vote d'humeur sur la Constitution." Mais il n'est pas certain que la
promesse d'un référendum dans dix ou quinze ans sur le statut de la
Turquie - telle que M. Chirac l'a formulée (Le Monde du 4 octobre) -
suffise à convaincre.
UNE ÉPINE
M. Chirac n'a même pas réglé la question au sein du couple
franco-allemand. Gerhard Schröder ne veut pas du scénario alternatif
d'un "partenariat privilégié" avec la Turquie - comme l'a recommandé,
dimanche, Valéry Giscard d'Estaing. Fidèle de M. Sarkozy, le ministre
délégué à l'industrie, Patrick Devedjian, a mis l'accent sur la
reconnaissance du génocide arménien par la Turquie, dimanche sur
Radio J. Quant à l'élargissement de l'Union à 25 pays, l'Elysée
considère avec optimisme qu'il ne s'agit plus que d'une "question
technique".
Autant dire que l'Europe reste une épine pour M. Chirac, tant que le
référendum annoncé pour 2005 n'est pas gagné. Son entourage
s'empresse néanmoins d'assurer qu'un "non" des Français à la
Constitution européenne ne signifierait aucun rejet personnel du
président de la République. Ses conseillers soulignent d'ailleurs que
M. Chirac a toujours déploré la personnalisation de l'enjeu
référendaire, affirmant régulièrement que "De Gaulle n'a pas rendu
service au référendum en démissionnant en 1969" - après l'échec de
son référendum sur le Sénat et la régionalisation.
M. Raffarin pourra-t-il conduire, avec le chef de l'Etat, la campagne
référendaire ? A la rentrée, certains chiraquiens rejetaient
catégoriquement cette hypothèse, jugeant le premier ministre trop
affaibli. Le vent semble tourner. "Si le "oui" l'emportait au PS,
Chirac laissait Raffarin faire la campagne. C'était le deal", assure
un ministre proche du chef de l'Etat. " Raffarin sera changé après la
campagne", approuve un expert qui conseille l'Elysée, ajoutant : "Je
ne vois pas en quoi son impopularité change quelque chose au
référendum. C'est une vision de court terme." A quoi un député
chiraquien ajoute : "S'il n'y a pas de mouvement social fort, Chirac
ne fera rien sur la seule base de sondages défavorables à Raffarin."
Si le président a naturellement réfléchi au remplacement de son
premier ministre - songeant à Dominique de Villepin, Jean-Louis
Borloo ou Michèle Alliot-Marie -, il semble peu pressé de renoncer au
confort que lui offre encore M. Raffarin. Le départ de M. Sarkozy du
gouvernement donne à ce dernier une bouffée d'air que M. Chirac
souhaiterait lui laisser. Quitte à opérer un remaniement plus large -
sans changer de premier ministre - avant de commencer la campagne.
"Pour l'instant, il n'y a pas remaniement, il y a gouvernement",
résume-t-on à l'Elysée.
L'UMP suscite davantage d'incertitudes. M. Sarkozy joue avec habileté
la partition de la réconciliation. Evoquant l'élection présidentielle
de 2007, le nouveau chef du parti majoritaire a assuré, au cours de
l'émission "Vivement Dimanche", sur France 2 : "Si c'était Jacques
Chirac qui était en situation d'être le meilleur, eh bien, le rôle du
président de l'UMP, ce serait de le soutenir et tout autre
comportement serait irresponsable." Mais n'en déplaise à ceux de ses
partisans qui appellent déjà à sa candidature, M. Chirac ne semble
pas, pour l'heure, vouloir évoquer 2007 autrement qu'en plaisantant.
Il pense qu'une crise politique n'est pas à exclure avec l'UMP, si la
critique du gouvernement par le parti majoritaire devenait trop forte
- ce que le président de l'Assemblée, Jean-Louis Debré, a dit
plusieurs fois publiquement. "Il faut faire confiance.
Attentivement", dit un ami du président en parlant de l'UMP, laissant
deviner qu'il y aura plus d'attention que de confiance.
Béatrice Gurrey
--Boundary_(ID_+qZfIFY7F9/GUgz2C0QW0w)--