Le Figaro, France
lundi 13 Décembre 2004
Le Parlement européen s'empare du dossier
L'institution n'a qu'un avis consultatif mais son message conforte
les capitales dans leur souhait d'une ouverture des négociations
d'adhésion
Bruxelles : de notre correspondant Pierre Avril
[13 décembre 2004]
La Turquie dans l'Europe, les députés européens sont pour. Renonçant
à leurs traditionnelles joutes parlementaires, les dirigeants des
principaux groupes européens devraient appeler leurs troupes à voter
en faveur d'une ouverture des négociations d'adhésion avec la
Turquie.
Le débat en séance plénière aura lieu ce soir à Strasbourg, mais le
vote final n'interviendra que mercredi, à la veille du Conseil
européen, le seul autorisé à prendre la décision finale. Du strict
point de vue des traités, l'avis des eurodéputés n'aura aucune
répercussion sur le comportement des chefs d'Etat. Mais d'un point de
vue politique, le message qui sera envoyé de l'hémicycle ne fera que
conforter les capitales dans leur choix : il est temps d'ouvrir une
perspective claire d'adhésion à ce pays.
Le 30 novembre, la commission des affaires étrangères du Parlement
avait déjà ouvert la voie : par 50 voix pour, 18 voix contre et six
abstentions, les eurodéputés estimaient, dans le rapport qui sert de
base au débat, que les négociations devaient s'ouvrir «sans délai
inutile». Certes, ils reprenaient à leur compte les arguments de
prudence de la Commission européenne, selon lesquels cette première
étape institutionnelle ne saurait conduire «a priori et
automatiquement à l'adhésion». Mais l'objectif reste bien que «la
Turquie devienne membre de l'UE».
Ils émettaient également des réserves sur la situation des droits de
l'homme dans le pays. Mais, pour le reste, ils ont assoupli leurs
positions par rapport aux recommandations formulées par l'exécutif
européen, le 6 octobre. Ainsi, la proposition d'instaurer une clause
de sauvegarde «permanente», destinée à freiner l'immigration des
travailleurs turcs, a rebuté les parlementaires. Ces dispositions, a
estimé la commission des affaires étrangères, ne doivent «pas avoir
d'impact négatif sur les efforts de la Turquie» de transposer la
législation communautaire. Surtout, l'idée alternative d'instaurer un
«partenariat privilégié», au cas où les négociations patinent, a été
rejetée.
Ce dernier épisode, en particulier, a constitué un revers pour les
députés français et allemands du PPE, le groupe conservateur
majoritaire au Parlement. Aujourd'hui, ces derniers, alliés à
quelques Britanniques, devraient à nouveau soumettre cette idée de
partenariat privilégié, en demandant un vote secret. Mais sans
illusions. «De nombreux parlementaires soutiennent en privé cette
solution. Le problème, c'est qu'au moment du vote, ils se sentent
obligés de soutenir leurs gouvernements qui, eux, la rejettent»,
explique un porte-parole de l'UMP au sein du groupe PPE. A l'inverse,
les parlementaires allemands de la CDU-CSU - qui représentent la plus
grosse force politique au sein du PPE - s'opposent ostensiblement au
gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder, fervent supporter
de l'adhésion turque. Mais les Français et Allemands du PPE ne seront
pas assez nombreux, au sein de leur groupe, pour modifier l'équilibre
des forces. Les conservateurs devraient majoritairement voter en
faveur de l'ouverture de négociations d'adhésion avec Ankara.
Ce sera également le cas des socialistes, des Verts, et des
libéraux-démocrates regroupés au sein de l'ADLE. Cette formation, qui
comprend en particulier l'UDF de François Bayrou, devrait proposer
plusieurs amendements au rapport de la commission des affaires
étrangères. L'un soutient également la notion de partenariat
privilégié, et d'autres demandent de la part de la Turquie une
reconnaissance du génocide arménien et de la république de Chypre.
Mais là encore, seuls 39 députés, sur les 88 que compte le groupe,
devraient soutenir ces amendements. L'appoint, par ailleurs, de voix
eurosceptiques sera insuffisant. A Strasbourg, Ankara compte de
nombreux amis.
lundi 13 Décembre 2004
Le Parlement européen s'empare du dossier
L'institution n'a qu'un avis consultatif mais son message conforte
les capitales dans leur souhait d'une ouverture des négociations
d'adhésion
Bruxelles : de notre correspondant Pierre Avril
[13 décembre 2004]
La Turquie dans l'Europe, les députés européens sont pour. Renonçant
à leurs traditionnelles joutes parlementaires, les dirigeants des
principaux groupes européens devraient appeler leurs troupes à voter
en faveur d'une ouverture des négociations d'adhésion avec la
Turquie.
Le débat en séance plénière aura lieu ce soir à Strasbourg, mais le
vote final n'interviendra que mercredi, à la veille du Conseil
européen, le seul autorisé à prendre la décision finale. Du strict
point de vue des traités, l'avis des eurodéputés n'aura aucune
répercussion sur le comportement des chefs d'Etat. Mais d'un point de
vue politique, le message qui sera envoyé de l'hémicycle ne fera que
conforter les capitales dans leur choix : il est temps d'ouvrir une
perspective claire d'adhésion à ce pays.
Le 30 novembre, la commission des affaires étrangères du Parlement
avait déjà ouvert la voie : par 50 voix pour, 18 voix contre et six
abstentions, les eurodéputés estimaient, dans le rapport qui sert de
base au débat, que les négociations devaient s'ouvrir «sans délai
inutile». Certes, ils reprenaient à leur compte les arguments de
prudence de la Commission européenne, selon lesquels cette première
étape institutionnelle ne saurait conduire «a priori et
automatiquement à l'adhésion». Mais l'objectif reste bien que «la
Turquie devienne membre de l'UE».
Ils émettaient également des réserves sur la situation des droits de
l'homme dans le pays. Mais, pour le reste, ils ont assoupli leurs
positions par rapport aux recommandations formulées par l'exécutif
européen, le 6 octobre. Ainsi, la proposition d'instaurer une clause
de sauvegarde «permanente», destinée à freiner l'immigration des
travailleurs turcs, a rebuté les parlementaires. Ces dispositions, a
estimé la commission des affaires étrangères, ne doivent «pas avoir
d'impact négatif sur les efforts de la Turquie» de transposer la
législation communautaire. Surtout, l'idée alternative d'instaurer un
«partenariat privilégié», au cas où les négociations patinent, a été
rejetée.
Ce dernier épisode, en particulier, a constitué un revers pour les
députés français et allemands du PPE, le groupe conservateur
majoritaire au Parlement. Aujourd'hui, ces derniers, alliés à
quelques Britanniques, devraient à nouveau soumettre cette idée de
partenariat privilégié, en demandant un vote secret. Mais sans
illusions. «De nombreux parlementaires soutiennent en privé cette
solution. Le problème, c'est qu'au moment du vote, ils se sentent
obligés de soutenir leurs gouvernements qui, eux, la rejettent»,
explique un porte-parole de l'UMP au sein du groupe PPE. A l'inverse,
les parlementaires allemands de la CDU-CSU - qui représentent la plus
grosse force politique au sein du PPE - s'opposent ostensiblement au
gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder, fervent supporter
de l'adhésion turque. Mais les Français et Allemands du PPE ne seront
pas assez nombreux, au sein de leur groupe, pour modifier l'équilibre
des forces. Les conservateurs devraient majoritairement voter en
faveur de l'ouverture de négociations d'adhésion avec Ankara.
Ce sera également le cas des socialistes, des Verts, et des
libéraux-démocrates regroupés au sein de l'ADLE. Cette formation, qui
comprend en particulier l'UDF de François Bayrou, devrait proposer
plusieurs amendements au rapport de la commission des affaires
étrangères. L'un soutient également la notion de partenariat
privilégié, et d'autres demandent de la part de la Turquie une
reconnaissance du génocide arménien et de la république de Chypre.
Mais là encore, seuls 39 députés, sur les 88 que compte le groupe,
devraient soutenir ces amendements. L'appoint, par ailleurs, de voix
eurosceptiques sera insuffisant. A Strasbourg, Ankara compte de
nombreux amis.