Tageblatt, Luxemburg
Mercredi 14 Dec. 2004
La communauté turque de France souffre d'isolement et de »méconnaissance»
Les Turcs de France, à l'avant-veille du sommet européen qui doit se
prononcer sur l'ouverture des négociations sur l'entrée de la turquie
dans l'UE, ne comprennent pas les réserves de la France et se sentent
incompris, tout en reconnaissant une intégration difficile.
Président du centre culturel Anatolie, à Paris, Fitrat Onger témoigne
d'un sentiment d'»injustice», d'»incompréhension», dans la communauté
turque.
»Les Français ne nous connaissent pas et nous confondent avec les
Arabes, et beaucoup sont sensibles au lobby arménien», dit-il,
reconnaissant que la diversité de l'immigration turque et sa
»difficile intégration» ne facilitent pas les choses.
»C'est vrai, nous sommes très dispersés», dit-il, évoquant les sept
lieux de prière différents à Paris, appartenant chacun à une tendance
différente.
»Les Turcs sont intégrés économiquement, mais ils restent refermés
sur eux-mêmes», reconnaît-il, un repli nationaliste plus que
religieux.
Ils sont environ 380.000 en France, sur 3 millions au sein de l'UE,
dont la moitié en Ile-de-France, selon le démographe Stéphane de
Tapia. Parmi eux, les Kurdes, dont l'immigration est plus récente,
sont environ 150.000.
La majorité est sunnite mais une forte minorité alevi, turque ou
kurde, joue un rôle important. »Ils ont intégré l'idée républicaine
et la laïcité et jouent le rôle d'intermédiaire avec la société
française, comme syndicalistes, médiateurs scolaires, interprètes»,
dit le chercheur.
Sans oublier une minorité chrétienne assyro-chaldéenne, en
Seine-Saint-Denis, et une minorité de juifs.
La réputation de »bosseurs», ne rechignant pas à la mobilité, est
méritée. Lorsqu'un secteur, comme la confection, leur est grignoté
par les Chinois, ils se recyclent dans la retoucherie. On compte
aujourd'hui 4.200 retoucheries turques en Ile-de-France, 7.200 points
de restauration rapide, le reste se concentrant sur le btiment,
selon Fitrat Onger.
Immigration essentiellement rurale, le nombre d'étudiants reste
faible (2.000 environ).
Mais l'origine rurale n'explique pas seule le repli culturel et
identitaire des Turcs de France. »La Turquie a changé, les enfants de
la campagne turque sont souvent plus +avancés+ que les enfants turcs
des banlieues défavorisées», affirme Stéphane de Tapia, ce qui
provoque des malentendus souvent dramatiques lors des mariages
arrangés entre familles originaires du même village.
»De plus en plus de filles ou garçons turcs renclent, mais en
France, le mariage arrangé reste pour les parents le dernier rempart
contre l'assimilation», dit-il.
Pour Fitrat Onger, les mariages arrangés, dont l'objectif est souvent
de permettre à un parent de venir en France, »deviennent une vraie
catastrophe», »60% se terminent par un divorce dans les 18 mois».
Un »non» de l'UE vendredi provoquerait une »blessure symbolique
grave» chez les jeunes, affirme Gaye Petek, directrice de
l'association Elele. »Ils risquent de se sentir victimes et donc
aigris vis-à-vis de la France, ce qu'ils n'ont jamais été, à la
différence des jeunes Beurs».
Ils pourraient avoir la tentation de retourner en Turquie, dit-elle,
comme certains le font depuis peu, pour échapper au contrôle des
parents, tout en les rassurant.
»Cela sera plus difficile pour nous, qui essayons de leur montrer
qu'on peut être critique par rapport à la culture des parents, sans
être coupable de trahison, et être Français», dit-elle.
Mercredi 14 Dec. 2004
La communauté turque de France souffre d'isolement et de »méconnaissance»
Les Turcs de France, à l'avant-veille du sommet européen qui doit se
prononcer sur l'ouverture des négociations sur l'entrée de la turquie
dans l'UE, ne comprennent pas les réserves de la France et se sentent
incompris, tout en reconnaissant une intégration difficile.
Président du centre culturel Anatolie, à Paris, Fitrat Onger témoigne
d'un sentiment d'»injustice», d'»incompréhension», dans la communauté
turque.
»Les Français ne nous connaissent pas et nous confondent avec les
Arabes, et beaucoup sont sensibles au lobby arménien», dit-il,
reconnaissant que la diversité de l'immigration turque et sa
»difficile intégration» ne facilitent pas les choses.
»C'est vrai, nous sommes très dispersés», dit-il, évoquant les sept
lieux de prière différents à Paris, appartenant chacun à une tendance
différente.
»Les Turcs sont intégrés économiquement, mais ils restent refermés
sur eux-mêmes», reconnaît-il, un repli nationaliste plus que
religieux.
Ils sont environ 380.000 en France, sur 3 millions au sein de l'UE,
dont la moitié en Ile-de-France, selon le démographe Stéphane de
Tapia. Parmi eux, les Kurdes, dont l'immigration est plus récente,
sont environ 150.000.
La majorité est sunnite mais une forte minorité alevi, turque ou
kurde, joue un rôle important. »Ils ont intégré l'idée républicaine
et la laïcité et jouent le rôle d'intermédiaire avec la société
française, comme syndicalistes, médiateurs scolaires, interprètes»,
dit le chercheur.
Sans oublier une minorité chrétienne assyro-chaldéenne, en
Seine-Saint-Denis, et une minorité de juifs.
La réputation de »bosseurs», ne rechignant pas à la mobilité, est
méritée. Lorsqu'un secteur, comme la confection, leur est grignoté
par les Chinois, ils se recyclent dans la retoucherie. On compte
aujourd'hui 4.200 retoucheries turques en Ile-de-France, 7.200 points
de restauration rapide, le reste se concentrant sur le btiment,
selon Fitrat Onger.
Immigration essentiellement rurale, le nombre d'étudiants reste
faible (2.000 environ).
Mais l'origine rurale n'explique pas seule le repli culturel et
identitaire des Turcs de France. »La Turquie a changé, les enfants de
la campagne turque sont souvent plus +avancés+ que les enfants turcs
des banlieues défavorisées», affirme Stéphane de Tapia, ce qui
provoque des malentendus souvent dramatiques lors des mariages
arrangés entre familles originaires du même village.
»De plus en plus de filles ou garçons turcs renclent, mais en
France, le mariage arrangé reste pour les parents le dernier rempart
contre l'assimilation», dit-il.
Pour Fitrat Onger, les mariages arrangés, dont l'objectif est souvent
de permettre à un parent de venir en France, »deviennent une vraie
catastrophe», »60% se terminent par un divorce dans les 18 mois».
Un »non» de l'UE vendredi provoquerait une »blessure symbolique
grave» chez les jeunes, affirme Gaye Petek, directrice de
l'association Elele. »Ils risquent de se sentir victimes et donc
aigris vis-à-vis de la France, ce qu'ils n'ont jamais été, à la
différence des jeunes Beurs».
Ils pourraient avoir la tentation de retourner en Turquie, dit-elle,
comme certains le font depuis peu, pour échapper au contrôle des
parents, tout en les rassurant.
»Cela sera plus difficile pour nous, qui essayons de leur montrer
qu'on peut être critique par rapport à la culture des parents, sans
être coupable de trahison, et être Français», dit-elle.