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    Face à une majorité sceptique, M. Raffarin a défendu la position de
    M. Chirac en faveur de l'adhésion turque

    Le Monde
    22 Dec 2004

    Le premier ministre a justifié, mardi 21 décembre à l'Assemblée,
    l'ouverture de négociations avec Ankara. François Bayrou (UDF)
    a dénoncé "une conception dépassée du domaine réservé".

    A défaut d'un débat et d'un vote, une succession de monologues.
    Quatre jours après la décision de l'Union européenne d'entamer des
    négociations d'adhésion avec la Turquie, les quatre groupes politiques
    représentés à l'Assemblée nationale ont dû se contenter, mardi 21
    décembre, de prises de parole de dix minutes sur les conclusions
    du sommet de Bruxelles, ponctuées par une intervention du premier
    ministre.

    Jean-Pierre Raffarin a justifié l'absence de vote du Parlement en
    défendant la "mission essentielle" du chef de l'Etat de "négocier les
    traités". "Ne comptez pas sur moi, ni sur mon gouvernement, pour mettre
    à mal les institutions de la Ve République", a-t-il lancé, reprenant
    les arguments en faveur de l'adhésion turque avancés par Jacques
    Chirac. Il a également rappelé que, grâce à la prochaine réforme
    constitutionnelle, les Français seront obligatoirement consultés
    par référendum sur les futures adhésions, dont celle de la Turquie,
    d'ici à quinze ou vingt ans.

    Un argument auquel n'est pas sensible François Bayrou. Le président de
    l'UDF avait d'ailleurs ouvert le feu en prédisant que l'intervention
    du premier ministre, quelques minutes plus tard, allait être un
    "bilan triste et révélateur pour la démocratie française, pour
    le projet européen et pour la place de la France en Europe". "Vous
    venez d'inscrire un chapitre de plus à l'histoire de la République où
    la démocratie représentative est vidée de son sens", a-t-il lancé,
    avant de s'attaquer à Jacques Chirac en dénonçant "une conception
    dépassée du domaine réservé".

    Avec la perspective de l'entrée de la Turquie, a ajouté M. Bayrou,
    "nous avons renoncé à porter un projet européen différent, celui d'une
    puissance unitaire, démocratique, autonome et libre". Il a critiqué
    le rôle du chef de l'Etat, qui n'a pas défendu l'alternative d'"un
    partenariat privilégié", et pas obtenu "la reconnaissance du génocide
    arménien", ni le départ des militaires turcs de Chypre.

    "OUI" D'OPÉRETTE"

    Bernard Accoyer, président du groupe UMP, avait la délicate mission
    d'exprimer à la fois l'opposition de son groupe à l'entrée de la
    Turquie et la loyauté à l'égard du chef de l'Etat. M. Accoyer a
    commencé par rappeler la position du parti, "favorable à la mise en
    œuvre d'un partenariat privilégié", qui reste selon lui "l'hypothèse
    la plus probable".

    Cinq jours plus tôt, le président de la République avait, au
    contraire, estimé que "demander à un pays comme la Turquie de faire
    des efforts aussi considérables pour arriver à un résultat aléatoire
    ou partiel, ce n'est évidemment pas raisonnable". Concession à la
    ligne présidentielle, M. Accoyer a admis qu'il "fallait bien ouvrir
    les négociations afin de prolonger un dialogue ouvert en 1963" et
    "ne fermer aucune porte, dans un contexte géopolitique instable". Il
    s'est félicité qu'"en tout état de cause ce sont les Français eux-mêmes
    qui auront le dernier mot".

    Défendant au contraire la vocation de la Turquie à intégrer l'"idée
    politique" européenne, Jean-Marc Ayrault, président du groupe
    socialiste, a mis en avant "la capacité de l'Europe à fédérer les
    peuples, les cultures, les confessions différentes", et s'est réjoui
    que la Turquie veuille souscrire à cette construction politique.

    Mais il a invité les Turcs à "faire des efforts" sur "la violence
    policière (...) les droits de l'homme, des femmes et des minorités".
    Le président du groupe communiste, Alain Bocquet, a dénoncé le ""oui"
    d'opérette" et le ""oui" frileux" donné par les Vingt-cinq. Il a
    invité les Français à se focaliser sur le "non" à la "Constitution
    - européenne -", pour s'ouvrir à la Turquie et à une autre Europe
    "de 500 millions d'hommes et de femmes qui partagent la volonté de
    construire une Europe de paix, sociale et solidaire de l'Atlantique
    à l'Oural, en passant par la Méditerranée".

    Christophe Jakubyszyn

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