L'Humanité
20 juillet 2004
La tête des Turcs à Paris;
diplomatie
par Damien Roustel
Le premier ministre Erdogan effectue une visite de trois jours en
France pour plaider la candidature européenne de son pays.
À six mois d'un sommet européen crucial pour la Turquie, le premier
ministre turc Recep Tayyip Erdogan effectue depuis hier une visite de
trois jours en France pour plaider la candidature de son pays. Lors
du sommet d'Helsinki en 1999, les dirigeants de l'Union européenne
avaient accordé à la Turquie le statut de pays candidat. La
Commission européenne de Bruxelles doit remettre, avant la fin de son
mandat le 31 octobre, un rapport d'évaluation du respect par la
Turquie des critères de Copenhague (droits de l'homme, démocratie,
économie...). C'est sur la base de ce document que les 25 pays de
l'Union décideront en décembre d'accorder ou de refuser une date pour
l'ouverture des négociations d'adhésion. « Il s'agira un rapport très
précis et équitable, selon mes informations. La Turquie sera jugée
selon ses mérites. Mais il est trop tôt de préjuger de ce qu'il y
aura dans le rapport », a expliqué Durao Barroso, le nouveau
président de la Commission. Le Portugais s'est déclaré «
personnellement favorable à l'adhésion de la Turquie à condition
qu'elle respecte tous les critères démocratiques ».
Sous l'impulsion du gouvernement islamiste d'Erdogan, la Turquie a
fait passer au Parlement plusieurs
réformes démocratiques concernant notamment la peine de mort et la
minorité kurde. Mais il reste encore beaucoup à faire. Selon
l'association turque des droits de l'homme IHD, si les cas de torture
et d'arrestations arbitraires ont diminué en Turquie au cours du
premier semestre 2004, ils restent encore importants. Au cours des
six premiers mois de 2004, 692 cas de torture ont été signalés,
contre 972 pour la même période en 2003, tandis que les arrestations
arbitraires sont passées de 5 353 à 3 688, a rapporté Husnu Ondul, le
président de l'IHD. « Pour la prévention de la torture, les
changements législatifs ne sont pas suffisants », selon lui.
Le nombre de morts au combat augmente. La semaine dernière, cinq
rebelles kurdes et deux militaires turcs ont été tués lors de deux
affrontements distincts dans l'est de la Turquie, selon des sources
officielles et l'agence Anatolie. Les affrontements, qui avaient
pratiquement cessé depuis la déclaration en 1999 d'un cessez-le-feu
unilatéral par le PKK, ont repris ces dernières semaines avec
l'annonce, le 1er juin, de la fin de la trêve.
La rébellion du PKK et sa répression par les forces de sécurité
turques ont fait près de 37 000 morts entre 1984 et 1999. La Cour
européenne des droits de l'homme de Strasbourg vient de condamner
coup sur coup la Turquie pour violation de la liberté d'expression de
trois hommes politiques jugés coupables d'incitation à la haine dans
un texte critiquant la situation des Kurdes ; pour ne pas avoir
enquêté efficacement sur la disparition d'un Kurde et pour avoir
interdit la publication d'un livre critiquant sa politique au
Kurdistan.
La possible intégration européenne de la Turquie, un pays musulman de
près de 70 millions d'habitants, divise la classe politique
française. Si Jacques Chirac a estimé « irréversible » la marche
d'Ankara vers l'UE, son fidèle lieutenant Alain Juppé a jugé que
l'entrée de la Turquie signifierait « à terme la fin de l'Europe ». À
la différence des partis de droite, le Parti socialiste est favorable
au principe de l'entrée de la Turquie dans l'UE à condition que
celle-ci reconnaisse le génocide arménien de 1915, pendant l'empire
ottoman. Ce génocide a été reconnu par le Parlement français en 2001.
Au cours de sa visite, le premier ministre turc aura l'occasion
d'avancer des arguments sonnants et trébuchants. La Turquie va mettre
en jeu un contrat commercial de 1,6 milliard d'euros. La compagnie
nationale aérienne Turkish Airlines souhaite acquérir une
cinquantaine d'avions de ligne (moyen et long courrier) pour
renouveler sa flotte. Le consortium aéronautique européen Airbus et
l'américain Boeing sont en concurrence. La Turquie espère secrètement
qu'un tel marché pourra lever les dernières réticences françaises sur
la candidature européenne de leur pays.
Damien Roustel
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
20 juillet 2004
La tête des Turcs à Paris;
diplomatie
par Damien Roustel
Le premier ministre Erdogan effectue une visite de trois jours en
France pour plaider la candidature européenne de son pays.
À six mois d'un sommet européen crucial pour la Turquie, le premier
ministre turc Recep Tayyip Erdogan effectue depuis hier une visite de
trois jours en France pour plaider la candidature de son pays. Lors
du sommet d'Helsinki en 1999, les dirigeants de l'Union européenne
avaient accordé à la Turquie le statut de pays candidat. La
Commission européenne de Bruxelles doit remettre, avant la fin de son
mandat le 31 octobre, un rapport d'évaluation du respect par la
Turquie des critères de Copenhague (droits de l'homme, démocratie,
économie...). C'est sur la base de ce document que les 25 pays de
l'Union décideront en décembre d'accorder ou de refuser une date pour
l'ouverture des négociations d'adhésion. « Il s'agira un rapport très
précis et équitable, selon mes informations. La Turquie sera jugée
selon ses mérites. Mais il est trop tôt de préjuger de ce qu'il y
aura dans le rapport », a expliqué Durao Barroso, le nouveau
président de la Commission. Le Portugais s'est déclaré «
personnellement favorable à l'adhésion de la Turquie à condition
qu'elle respecte tous les critères démocratiques ».
Sous l'impulsion du gouvernement islamiste d'Erdogan, la Turquie a
fait passer au Parlement plusieurs
réformes démocratiques concernant notamment la peine de mort et la
minorité kurde. Mais il reste encore beaucoup à faire. Selon
l'association turque des droits de l'homme IHD, si les cas de torture
et d'arrestations arbitraires ont diminué en Turquie au cours du
premier semestre 2004, ils restent encore importants. Au cours des
six premiers mois de 2004, 692 cas de torture ont été signalés,
contre 972 pour la même période en 2003, tandis que les arrestations
arbitraires sont passées de 5 353 à 3 688, a rapporté Husnu Ondul, le
président de l'IHD. « Pour la prévention de la torture, les
changements législatifs ne sont pas suffisants », selon lui.
Le nombre de morts au combat augmente. La semaine dernière, cinq
rebelles kurdes et deux militaires turcs ont été tués lors de deux
affrontements distincts dans l'est de la Turquie, selon des sources
officielles et l'agence Anatolie. Les affrontements, qui avaient
pratiquement cessé depuis la déclaration en 1999 d'un cessez-le-feu
unilatéral par le PKK, ont repris ces dernières semaines avec
l'annonce, le 1er juin, de la fin de la trêve.
La rébellion du PKK et sa répression par les forces de sécurité
turques ont fait près de 37 000 morts entre 1984 et 1999. La Cour
européenne des droits de l'homme de Strasbourg vient de condamner
coup sur coup la Turquie pour violation de la liberté d'expression de
trois hommes politiques jugés coupables d'incitation à la haine dans
un texte critiquant la situation des Kurdes ; pour ne pas avoir
enquêté efficacement sur la disparition d'un Kurde et pour avoir
interdit la publication d'un livre critiquant sa politique au
Kurdistan.
La possible intégration européenne de la Turquie, un pays musulman de
près de 70 millions d'habitants, divise la classe politique
française. Si Jacques Chirac a estimé « irréversible » la marche
d'Ankara vers l'UE, son fidèle lieutenant Alain Juppé a jugé que
l'entrée de la Turquie signifierait « à terme la fin de l'Europe ». À
la différence des partis de droite, le Parti socialiste est favorable
au principe de l'entrée de la Turquie dans l'UE à condition que
celle-ci reconnaisse le génocide arménien de 1915, pendant l'empire
ottoman. Ce génocide a été reconnu par le Parlement français en 2001.
Au cours de sa visite, le premier ministre turc aura l'occasion
d'avancer des arguments sonnants et trébuchants. La Turquie va mettre
en jeu un contrat commercial de 1,6 milliard d'euros. La compagnie
nationale aérienne Turkish Airlines souhaite acquérir une
cinquantaine d'avions de ligne (moyen et long courrier) pour
renouveler sa flotte. Le consortium aéronautique européen Airbus et
l'américain Boeing sont en concurrence. La Turquie espère secrètement
qu'un tel marché pourra lever les dernières réticences françaises sur
la candidature européenne de leur pays.
Damien Roustel
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress