Le Monde, France
19 juillet 2004
Le premier ministre turc vient plaider, à Paris, pour l'entrée de son
pays dans l'Union
Istanbul de notre correspondante
Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, est arrivé lundi 19
juillet, pour trois jours à Paris où il veut avant tout plaider pour
la candidature de son pays à l'Union européenne.
Les pays membres de l'Union européenne doivent décider, en décembre,
s'il y a lieu d'ouvrir les négociations d'adhésion avec Ankara, sur
la base d'un rapport qui sera publié par la Commission européenne en
octobre.
En 1999, l'UE avait confirmé le statut de pays candidat de la
Turquie, soumise aux mêmes critères que les autres. Mais le débat sur
cette candidature a continué dans l'Union. Durant la campagne pour
les élections européennes, les partis de la droite française ont pris
position contre l'entrée de ce pays de 70 millions d'habitants,
musulman de surcroît, dans une Europe qui doit déjà assumer son
élargissement vers l'est.
La gauche soutient en principe la candidature turque, mais le "lobby"
arménien fait pression pour ajouter aux conditions imposées à Ankara
la reconnaissance du génocide. Le président Jacques Chirac, qui s'est
toujours montré favorable à l'adhésion dès lors que ce pays remplira
les conditions, a réaffirmé lors du sommet de l'OTAN à Istanbul fin
juin que la décision serait basée sur les conclusions de la
Commission, en ajoutant qu'il existe selon lui un "mouvement
irréversible vers l'adhésion de la Turquie". M. Erdogan doit le
rencontrer à Paris, ainsi que le premier ministre, Jean-Pierre
Raffarin. Il s'entretiendra également avec Alain Juppé, ancien chef
de l'UMP, François Hollande du PS et François Bayrou de l'UDF.
PAYSAGE POLITIQUE MODIFIÉ
Depuis trois ans le Parlement turc a adopté des dizaines de nouvelles
lois et le processus de réforme a acquis un nouvel élan avec
l'arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP)
en novembre 2002. Si la mise en `uvre des changements n'est pas
encore uniforme en raison de fortes résistances au sein de la
bureaucratie, certaines des réformes ont déjà radicalement modifié le
paysage politique. L'influence exercée par l'armée, par exemple, a
été réduite et des droits culturels, limités, ont été accordés aux
Kurdes. Bien qu'issu de la mouvance islamiste, Recep Tayyip Erdogan
dirige un parti réformiste, résolument tourné vers l'Occident. Son
gouvernement, appuyé par 369 des 550 députés turcs, a apporté au pays
une stabilité politique qui avait fait cruellement défaut durant une
décennie de coalitions bancales.
Tout en admettant que l'application de certaines lois laisse encore à
désirer, le gouvernement turc affirme, selon les termes du ministre
des affaires étrangères, Abdullah Gül, que le poids des réformes a
atteint une "masse critique" et que la plupart des exigences de l'UE
ont été satisfaites.
Après la libération de Leyla Zana et de trois autres anciens députés
kurdes, au mois de juin, le Conseil de l'Europe a retiré la Turquie
de la liste des pays déficients en matière de démocratie. L'attitude
positive adoptée par Ankara durant les négociations pour la
réunification de Chypre a également levé un obstacle important à
l'entrée de la Turquie en Europe.
Une décision négative des Européens risquerait de renforcer les
opposants à la démocratisation, qui accusent l'Europe de mener une
politique de deux poids deux mesures lorsqu'il s'agit de la Turquie.
Avec l'appui financier du Fonds monétaire international, avec lequel
elle avait signé un accord stand by de 19 milliards de dollars en
février 2001, la Turquie a commencé un vaste programme de
restructuration, accompagné d'une politique d'austérité budgétaire,
qui a permis de remettre l'économie sur les rails après la grave
crise financière de 2001. La croissance a atteint 5,9 % en 2003 et
l'inflation est à son niveau le plus bas depuis trente ans.
Entre 1985 et 2003, le nombre de sociétés françaises présentes en
Turquie est passé de 15 à 277 et la France demeure le premier
investisseur étranger. Forcé de se serrer la ceinture pour financer
ses lourdes dettes, Ankara a dû mettre un frein à ses projets
d'infrastructures, mais la France est très présente dans des secteurs
tels que l'automobile, avec Renault et Peugeot, l'agroalimentaire,
notamment avec Carrefour, et l'habillement. L'éventualité d'achat
d'Airbus sera vraisemblablement évoquée durant la visite de M.
Erdogan à Paris.
Nicole Pope
19 juillet 2004
Le premier ministre turc vient plaider, à Paris, pour l'entrée de son
pays dans l'Union
Istanbul de notre correspondante
Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, est arrivé lundi 19
juillet, pour trois jours à Paris où il veut avant tout plaider pour
la candidature de son pays à l'Union européenne.
Les pays membres de l'Union européenne doivent décider, en décembre,
s'il y a lieu d'ouvrir les négociations d'adhésion avec Ankara, sur
la base d'un rapport qui sera publié par la Commission européenne en
octobre.
En 1999, l'UE avait confirmé le statut de pays candidat de la
Turquie, soumise aux mêmes critères que les autres. Mais le débat sur
cette candidature a continué dans l'Union. Durant la campagne pour
les élections européennes, les partis de la droite française ont pris
position contre l'entrée de ce pays de 70 millions d'habitants,
musulman de surcroît, dans une Europe qui doit déjà assumer son
élargissement vers l'est.
La gauche soutient en principe la candidature turque, mais le "lobby"
arménien fait pression pour ajouter aux conditions imposées à Ankara
la reconnaissance du génocide. Le président Jacques Chirac, qui s'est
toujours montré favorable à l'adhésion dès lors que ce pays remplira
les conditions, a réaffirmé lors du sommet de l'OTAN à Istanbul fin
juin que la décision serait basée sur les conclusions de la
Commission, en ajoutant qu'il existe selon lui un "mouvement
irréversible vers l'adhésion de la Turquie". M. Erdogan doit le
rencontrer à Paris, ainsi que le premier ministre, Jean-Pierre
Raffarin. Il s'entretiendra également avec Alain Juppé, ancien chef
de l'UMP, François Hollande du PS et François Bayrou de l'UDF.
PAYSAGE POLITIQUE MODIFIÉ
Depuis trois ans le Parlement turc a adopté des dizaines de nouvelles
lois et le processus de réforme a acquis un nouvel élan avec
l'arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP)
en novembre 2002. Si la mise en `uvre des changements n'est pas
encore uniforme en raison de fortes résistances au sein de la
bureaucratie, certaines des réformes ont déjà radicalement modifié le
paysage politique. L'influence exercée par l'armée, par exemple, a
été réduite et des droits culturels, limités, ont été accordés aux
Kurdes. Bien qu'issu de la mouvance islamiste, Recep Tayyip Erdogan
dirige un parti réformiste, résolument tourné vers l'Occident. Son
gouvernement, appuyé par 369 des 550 députés turcs, a apporté au pays
une stabilité politique qui avait fait cruellement défaut durant une
décennie de coalitions bancales.
Tout en admettant que l'application de certaines lois laisse encore à
désirer, le gouvernement turc affirme, selon les termes du ministre
des affaires étrangères, Abdullah Gül, que le poids des réformes a
atteint une "masse critique" et que la plupart des exigences de l'UE
ont été satisfaites.
Après la libération de Leyla Zana et de trois autres anciens députés
kurdes, au mois de juin, le Conseil de l'Europe a retiré la Turquie
de la liste des pays déficients en matière de démocratie. L'attitude
positive adoptée par Ankara durant les négociations pour la
réunification de Chypre a également levé un obstacle important à
l'entrée de la Turquie en Europe.
Une décision négative des Européens risquerait de renforcer les
opposants à la démocratisation, qui accusent l'Europe de mener une
politique de deux poids deux mesures lorsqu'il s'agit de la Turquie.
Avec l'appui financier du Fonds monétaire international, avec lequel
elle avait signé un accord stand by de 19 milliards de dollars en
février 2001, la Turquie a commencé un vaste programme de
restructuration, accompagné d'une politique d'austérité budgétaire,
qui a permis de remettre l'économie sur les rails après la grave
crise financière de 2001. La croissance a atteint 5,9 % en 2003 et
l'inflation est à son niveau le plus bas depuis trente ans.
Entre 1985 et 2003, le nombre de sociétés françaises présentes en
Turquie est passé de 15 à 277 et la France demeure le premier
investisseur étranger. Forcé de se serrer la ceinture pour financer
ses lourdes dettes, Ankara a dû mettre un frein à ses projets
d'infrastructures, mais la France est très présente dans des secteurs
tels que l'automobile, avec Renault et Peugeot, l'agroalimentaire,
notamment avec Carrefour, et l'habillement. L'éventualité d'achat
d'Airbus sera vraisemblablement évoquée durant la visite de M.
Erdogan à Paris.
Nicole Pope