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La marche turque

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  • La marche turque

    Le Figaro, France
    24 juillet 2004

    EUROPE
    La marche turque

    SYLVIE PIERRE-BROSSOLETTE

    C'est une histoire étrange : une majorité de Français sont hostiles à
    l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, les partis de la
    majorité ont pris officiellement position contre, l'UMP a même fait
    du rejet de l'adhésion turque un thème de campagne lors des élections
    européennes de juin et... Jacques Chirac accueille à bras ouverts le
    Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Lors de sa visite à
    Paris, il lui a renouvelé son soutien à l'intégration future de la
    Turquie. Malgré toutes les réticences, les jeux semblent donc faits.
    Le 5 octobre, la Commission de Bruxelles remettra son rapport sur la
    candidature de la Turquie. Remplira-t-elle les fameux «critères de
    Copenhague» qui autoriseraient l'ouverture rapide de négociations ?
    On sait déjà que l'exécutif européen va répondre oui. Il restera aux
    chefs d'Etat et de gouvernement à acter l'affaire lors du Conseil
    européen du 17 dé-cembre. Il faudra alors un vote à l'unanimité, mais
    seule l'Autriche continue de manifester son hostilité à la
    perspective d'une adhésion turque. Le suspense semble bien mince :
    dans cinq ans, dans dix ans, Ankara sera probablement membre à part
    entière de l'Union. Cette perspective fche beaucoup de monde en
    France. Pas seulement la droite qui sur ce point, à l'UMP comme à
    l'UDF, ne cache pas son clair désaccord avec le chef de l'Etat. A
    gauche aussi : car si le PS prône un «oui, si» - dont un des «si», la
    reconnaissance ou non du génocide arménien, pose un gros obstacle sur
    la route de l'intégration de la Turquie -, certains leaders
    socialistes disent, en privé, leur opposition nette au projet. Au
    premier rang, Laurent Fabius, qui redoute le poids démographique de
    la Turquie (71,3 millions d'habitants) au sein de l'Union («En
    introduisant le premier pays par son nombre, on rend encore plus
    difficile l'organisation de coopérations renforcées») et rejette
    l'idée d'une «frontière commune» de l'Europe avec l'Irak. C'est dans
    ce contexte que va se dérouler la bataille du référendum sur les
    institutions européennes, annoncé par Jacques Chirac pour l'automne
    2005. Les discussions avec la Turquie seront alors sans doute bien
    engagées. Comment réagiront les électeurs français mis devant le fait
    accompli ? Plus que jamais la question : «Quelle Europe voulez-vous
    ?», aura un sens.
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