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  • =?UNKNOWN?Q?Delano=EB_et_le?= syndrome mormon

    Le Figaro, France
    18 juin 2004

    Delanoë et le syndrome mormon;
    HISTOIRE

    Charles ZORGBIBE

    En plein centre de Salt Lake City, les Mormons consacrent un vaste
    bâtiment à des recherches généalogiques très intéressées : ils
    baptisent, à titre posthume, tous les disparus dont ils ont pu
    engranger l"état civil dans leurs archives. Gogol aurait parlé d"un
    trafic d"âmes mortes... Mais le syndrome mormon semble avoir frappé
    Bertrand Delanoë : lors d"une récente séance du Conseil de Paris, il
    a fait adhérer, à titre posthume, Theodor Herzl, le fondateur du
    mouvement sioniste, à l"internationale socialiste, en le qualifiant
    de « grand socialiste ». L"étonnante nouvelle quand on sait avec
    quelle fraîcheur, quelle ingénuité, quelle naïveté, Herzl fut
    obstinément, durant toute sa vie, un conservateur !

    1895 : traumatisé par l"affaire Dreyfus, le journaliste viennois
    Herzl, connu pour ses feuilletons dans la Neue Freie Presse et ses
    vaudevilles au Burgtheater, se transforme en prophète inattendu ; il
    lance le projet d"un « Etat des juifs ». L"agitation est frénétique,
    l"imagination débordante. Le gouvernement du futur Etat ? Il sera «
    aristocratique ». Quel meilleur modèle que la constitution de Venise,
    avec le doge, chef du pouvoir exécutif, contenu par le cercle magique
    des grandes familles, représentées dans une cascade de conseils ?

    Quelques mois plus tard, dans son « Manifeste », Herzl précise que le
    futur Etat sera libéral : « Nous voulons stimuler l"individu et
    respecter ses droits. La propriété privée constitue la base
    économique de l"indépendance. Elle pourra se développer librement
    chez nous ». Et cet Etat économiquement libéral, dont il regrette
    qu"il ne puisse être monarchique, sera un avant-poste de la « famille
    des nations civilisées ». Herzl ne cessera de rompre des lances avec
    les sionistes socialistes de l"Est européen : face au harcèlement
    dont il est l"objet de leur part, il ira jusqu"à susciter, en
    sous-main, lui le Juif non pratiquant, la création d"un parti des «
    sionistes religieux » !

    Homme du XIXe siècle, sujet de la « double monarchie »
    austro-hongroise, compatriote de Metternich et admirateur de
    Bismarck, Herzl est un adepte du « réalisme politique ». Rien de plus
    éloigné de lui que la « diplomatie des droits de l"homme », qui
    apparaît déjà en Europe, chez les chantres de Gladstone et les
    adversaires de la « raison d"Etat » ! Herzl n"est certes pas à la
    tête d"un Etat, mais il nous donne l"exemple unique d"un acteur non
    gouvernemental, praticien de la diplomatie de l"équilibre et de la
    raison d"Etat. Ainsi de ses démarches trépidantes auprès des «
    princes » européens. Il est prêt à se comporter en agent de relations
    publiques du sultan pour minimiser l"impact international de la
    question arménienne. Il propose son aide aux ministres du tsar,
    inspirateurs des pogromes. Il croit pouvoir s"entendre avec Guillaume
    II et contribuer, par un protectorat allemand sur la Palestine, à sa
    Weltpolitik.

    Une anecdote à soumettre à Bertrand Delanoë, avant qu"il n"inscrive
    Herzl dans les fichiers du PS : le 18 octobre 1898, le chef de file
    sioniste est reçu par Guillaume II et le chancelier Bulow.

    Les Juifs allemands se montrent ingrats vis-à-vis des Hohenzollern,
    qui ont tant fait pour eux ! On les voit maintenant rejoindre les
    partis d"opposition, parfois même les partis hostiles à la monarchie,
    lance Bulow.

    Paul Singer, murmure Guillaume II, faisant allusion à un dirigeant
    social-démocrate. Le Kaiser semble sincèrement chagriné de ce
    regroupement des Juifs dans l"opposition. Herzl lui offre
    immédiatement son soutien :

    Sire, mon intention est précisément de soustraire les Juifs aux
    partis révolutionnaires...

    * Président du Centre de politique internationale de la Sorbonne.

    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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