Le Monde, France
30 Avril 2004
Les Arméniens de France répondent vivement au chef de l'Etat
Interrogé, mercredi 29 avril, pour savoir s'il ferait de la
reconnaissance du génocide arménien une condition préalable à l'entrée
de la Turquie dans l'Union européenne, Jacques Chirac a répondu qu'il
s'agissait, selon lui, "d'un problème qui concerne les relations entre
la Turquie et l'Arménie". "J'observe avec satisfaction qu'il y a dans
ce domaine une évolution positive et je m'en réjouis, a-t-il ajouté. On
ne peut pas non plus, sur le plan bilatéral, juger de tout l'avenir en
fonction exclusivement du passé." Cette phrase n'a pas été du goût des
associations arméniennes.
Le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France
(CCAF) s'est ainsi "étonné" des déclarations du chef de l'Etat,
rappelant que les autorités françaises avaient elles-mêmes - sous sa
présidence - reconnu le génocide arménien. "Si cette question relative
à un crime contre l'humanité ne concerne que les relations bilatérales
entre ces deux pays, pourquoi le président a-t-il promulgué, le 29
janvier 2001, une loi votée à l'unanimité au Parlement et par laquelle
la France reconnaît publiquement le génocide arménien ?", s'est
interrogé le CCAF, redoutant que M. Chirac "se lave personnellement les
mains de l'extermination des Arméniens de Turquie, dont une partie a
trouvé refuge en France".
Parmi les responsables politiques, le président de l'UDF, François
Bayrou, qui avait demandé, au mois de mai 2000 au Sénat, la
reconnaissance officielle du génocide arménien, a, lui aussi, critiqué
les propos de M. Chirac : "J'ai été troublé et je n'ai pas approuvé les
déclarations du président de la République sur le génocide Arménien",
a-t-il déclaré. M. Bayrou a estimé qu'invoquer un simple "problème
bilatéral" sur la question arménienne revenait à juger que "les
exterminations ne concernent que les communautés ou les ethnies qui en
sont les victimes".
LE 24 AVRIL 1915
Dans un récent ouvrage - intitulé 24 avril (Cherche Midi) -, Alexis
Govciyan, qui présidait le CCAF jusqu'en 2002, a relaté étape par étape
la longue hésitation, de 1998 à 2001, du Parlement français devant les
menaces de rétorsion turques. La date du 24 avril renvoie au début des
opérations génocidaires en 1915. Le préfet de police d'Istanbul donna
ce jour-là l'ordre à ses hommes de rafler les notables arméniens de la
capitale ottomane, qui seront déportés puis assassinés à l'instigation
du gouvernement nationaliste des "jeunes Turcs". Le nombre des victimes
varie selon les estimations, les Arméniens revendiquant un million et
demi de tués. C'est à partir de la commémoration du cinquantième
anniversaire du génocide, en 1965, marquée par une grande manifestation
à Paris, qu'a émergé, en France, la revendication d'une reconnaissance
du génocide.
La communauté arménienne s'est toujours montrée particulièrement
sourcilleuse face à toute position qualifiée de "négationniste". C'est
ainsi qu'elle intenta un procès à l'orientaliste américain Bernard
Lewis, qui fut condamné en juin 1995. Elle obtint moins de succès dans
son opposition à l'élection au Collège de France, en janvier 1999, de
l'historien Gilles Veinstein, spécialiste de la Turquie, qui jugeait
que les intentions criminelles du gouvernement turc de l'époque
n'étaient pas bien établies (Le Monde du 27 janvier 1999). Le 9 février
1999, M. Chirac confirmait, par décret, la nomination de
l'orientaliste.
Christiane Chombeau et Nicolas Weill
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
30 Avril 2004
Les Arméniens de France répondent vivement au chef de l'Etat
Interrogé, mercredi 29 avril, pour savoir s'il ferait de la
reconnaissance du génocide arménien une condition préalable à l'entrée
de la Turquie dans l'Union européenne, Jacques Chirac a répondu qu'il
s'agissait, selon lui, "d'un problème qui concerne les relations entre
la Turquie et l'Arménie". "J'observe avec satisfaction qu'il y a dans
ce domaine une évolution positive et je m'en réjouis, a-t-il ajouté. On
ne peut pas non plus, sur le plan bilatéral, juger de tout l'avenir en
fonction exclusivement du passé." Cette phrase n'a pas été du goût des
associations arméniennes.
Le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France
(CCAF) s'est ainsi "étonné" des déclarations du chef de l'Etat,
rappelant que les autorités françaises avaient elles-mêmes - sous sa
présidence - reconnu le génocide arménien. "Si cette question relative
à un crime contre l'humanité ne concerne que les relations bilatérales
entre ces deux pays, pourquoi le président a-t-il promulgué, le 29
janvier 2001, une loi votée à l'unanimité au Parlement et par laquelle
la France reconnaît publiquement le génocide arménien ?", s'est
interrogé le CCAF, redoutant que M. Chirac "se lave personnellement les
mains de l'extermination des Arméniens de Turquie, dont une partie a
trouvé refuge en France".
Parmi les responsables politiques, le président de l'UDF, François
Bayrou, qui avait demandé, au mois de mai 2000 au Sénat, la
reconnaissance officielle du génocide arménien, a, lui aussi, critiqué
les propos de M. Chirac : "J'ai été troublé et je n'ai pas approuvé les
déclarations du président de la République sur le génocide Arménien",
a-t-il déclaré. M. Bayrou a estimé qu'invoquer un simple "problème
bilatéral" sur la question arménienne revenait à juger que "les
exterminations ne concernent que les communautés ou les ethnies qui en
sont les victimes".
LE 24 AVRIL 1915
Dans un récent ouvrage - intitulé 24 avril (Cherche Midi) -, Alexis
Govciyan, qui présidait le CCAF jusqu'en 2002, a relaté étape par étape
la longue hésitation, de 1998 à 2001, du Parlement français devant les
menaces de rétorsion turques. La date du 24 avril renvoie au début des
opérations génocidaires en 1915. Le préfet de police d'Istanbul donna
ce jour-là l'ordre à ses hommes de rafler les notables arméniens de la
capitale ottomane, qui seront déportés puis assassinés à l'instigation
du gouvernement nationaliste des "jeunes Turcs". Le nombre des victimes
varie selon les estimations, les Arméniens revendiquant un million et
demi de tués. C'est à partir de la commémoration du cinquantième
anniversaire du génocide, en 1965, marquée par une grande manifestation
à Paris, qu'a émergé, en France, la revendication d'une reconnaissance
du génocide.
La communauté arménienne s'est toujours montrée particulièrement
sourcilleuse face à toute position qualifiée de "négationniste". C'est
ainsi qu'elle intenta un procès à l'orientaliste américain Bernard
Lewis, qui fut condamné en juin 1995. Elle obtint moins de succès dans
son opposition à l'élection au Collège de France, en janvier 1999, de
l'historien Gilles Veinstein, spécialiste de la Turquie, qui jugeait
que les intentions criminelles du gouvernement turc de l'époque
n'étaient pas bien établies (Le Monde du 27 janvier 1999). Le 9 février
1999, M. Chirac confirmait, par décret, la nomination de
l'orientaliste.
Christiane Chombeau et Nicolas Weill
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress