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Franco-Arméniens, retour sur un leurre

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    Libération , France
    mardi 27 avril 2004

    Franco-Arméniens, retour sur un leurre

    Livre. L'auteur reconstitue, témoignages à l'appui, la saga de ces
    exilés qui ont cru à la propagande soviétique.


    Par Jacques AMALRIC


    Arménie 1947 : les naufragés de la terre promise,
    par Robert Arnoux, Edisud, 214 pp., 20 €.


    Marseille de l'après-guerre n'a pas connu que l'Exodus. Il y a eu
    aussi, à la fin de 1947, le Rossia et le Pobeda, deux paquebots
    soviétiques chargés par Staline de rapatrier 7 000 Arméniens de la
    diaspora vers leur «terre promise», l'Arménie soviétique.

    Rescapés pour la plupart du génocide de 1915, ces Franco-Arméniens
    avaient été victimes de la propagande soviétique et de leur nostalgie
    ; ils venaient tout autant de Marseille, de la banlieue parisienne,
    que de Lyon, Valence ou Romans. Pour la plupart ouvriers, artisans ou
    chefs de petite entreprise, ils avaient tout bradé, tout abandonné du
    jour au lendemain sur la foi des promesses soviétiques relayées par
    le Parti communiste et sa presse sans oublier le catholicos de
    l'Eglise autocéphale arménienne qui n'était pas en situation de
    refuser quoi que ce soit à Staline. C'est leur sombre saga que
    reconstitue Robert Arnoux dans un récit précieux, illustré par les
    témoignages des survivants de cette formidable escroquerie. Souvent
    actifs dans la Résistance, proches du Parti communiste, bon nombre de
    ces Arméniens retournent de bonne foi au pays mythique de leurs
    ancêtres pour reconstruire leur «patrie historique». Encore mal
    intégrés, victimes d'un racisme ordinaire, n'étant pas, bien souvent,
    parvenus à obtenir la nationalité française, se souvenant du régime
    humiliant que leur avait imposé Vichy, ils ne veulent pas entendre ou
    comprendre les messages dissuasifs mais trop elliptiques, que leur
    font parvenir les Arméniens tombés en 1936 dans un piège semblable
    tendu par Staline.

    Les enfants de cette génération de l'exil, qui n'ont connu que la
    France, sont souvent moins enthousiastes à la perspective du départ.
    Mais ils finissent par s'incliner devant la volonté du père ; et
    lorsqu'ils se révoltent, les autorités françaises, qui ne veulent pas
    irriter Moscou, ferment les yeux sur les pressions dont ils sont
    victimes. Si la croisière jusqu'au port géorgien de Batoumi se fait
    dans la ferveur, le désenchantement est vite au rendez-vous. Il
    saisit les plus lucides dans le train qui les charrie de Batoumi à
    Erevan. A la gare d'Erevan, ce sont les confidences chuchotées par
    les naufragés de 1936 qui font tomber les écailles.

    La suite n'est qu'une litanie de désillusions : les candidats au
    retour sont vite dépouillés de leurs maigres biens, parqués dans des
    logements de fortune, condamnés aux travaux les plus ingrats,
    surveillés de près car ils font preuve de mauvais esprit, déportés à
    l'occasion. C'est en 1956 que la France entendra de nouveau parler
    d'eux, à l'occasion d'une visite de Christian Pineau, alors ministre
    des Affaires étrangères, à Erevan. Ils sont plusieurs centaines à
    attendre le ministre, à entonner la Marseillaise et à oser bousculer
    le service d'ordre pour exposer leur drame et implorer leur
    rapatriement. En vain, bien sûr, car les autorités soviétiques
    peuvent encore compter sur la «compréhension» de Paris. Il en ira
    pratiquement de même, deux ans plus tard, avec l'appel lancé au
    général de Gaulle par plusieurs Français d'Erevan retenus contre leur
    gré. Ce n'est qu'à partir de 1975 que s'amorceront les retours et le
    mouvement s'accélérera dans les années 80.

    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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