ZDNet France News
25 mai 2004
Le ministre de l'Industrie moins expéditif sur la prescription des
délits de presse sur internet
par Jerome Thorel, envoyé spécial, ZDNet France
Patrick Devedjian était l'invité vedette du Forum des droits sur
l'internet (FDI), qui fête ses 3 ans d'existence. Après un exposé
timide de la future LCEN, le ministre est revenu sur un amendement
qui modifie les délais de prescription sur internet.
BODY:
«Toute loi est faite pour évoluer, celle sur la liberté de la presse
de 1881 comme celle sur l'économie numérique», a lancé ce mardi le
ministre délégué à l'Industrie Patrick Devedjian. Il était l'invité
du FDI, le Forum des droits sur l'internet, une instance consultative
créée il y a tout juste trois ans sous l'impulsion des pouvoirs
publics. Le ministre était présent pour résumer le contenu du projet
de loi portée par sa prédécesseur Nicole Fontaine: la fameuse loi sur
la confiance dans l'économie numérique (LCEN), adoptée définitivement
début mai. Elle est en cours d'examen par le Conseil constitutionnel.
À une question de ZDNet sur l'un des épisodes les plus remarqués du
débat sur la LCEN, Patrick Devedjian a dû revenir, bien malgré lui,
sur la question de la prescription des délits de presse sur
l'internet. Une modification de dernière minute à la LCEN est sur le
point de changer la donne pour les médias en ligne: le délit sera
continu, il ne sera plus prescrit au bout de trois mois comme c'est
le cas pour toute publication imprimée (ainsi que le stipule la loi
de 1881). Cette modification, défendue au Parlement par le sénateur
René Trégouët, il convient désormais de l'appeler "amendement
Devedjian", puisque le ministre en est le véritable instigateur,
comme nous l'avons relaté la semaine dernière.
La logique de la prescription de trois mois part du principe que plus
le temps passe, moins la "publicité" d'un article publié dans un
journal papier perdure, c'est pourquoi elle peut se justifier, a-t-il
expliqué. En revanche avec internet, le phénomène s'inverse: la
publicité du même article peut devenir plus importante plusieurs mois
après la première publication. «Il y avait donc matière à agir»,
a-t-il poursuivi.
La presse en ligne moins bien traitée que la presse papier
Coïncidence: dans la salle était présent, invité lui aussi par le
FDI, le sénateur Trégouët. Il prend aujourd'hui à son compte les
arguments du ministre, tout en soulignant une lacune de taille:
«C'est vrai que la portée de ce texte pose un autre problème», a
répondu spontanément René Trégouët. «La lacune, c'est de ne pas
mettre sur un pied d'égalité la presse en ligne et la presse
traditionnelle». Un point sur lequel a semblé d'accord Patrick
Devedjian, qui n'a donc pas exclu d'y remédier lors d'un prochain
examen parlementaire, sans en dire plus.
En revanche le ministre n'a pas voulu s'étendre sur les motivations
personnelles qui l'auraient poussé à proposer cet amendement au
sénateur Trégouët. Mais il n'a pas non plus démenti être concerné
directement, d'abord par ses origines arméniennes. Car il est
régulièrement l'objet d'une campagne de dénigrement de la part d'un
site internet (pas un site d'information), ouvertement négationniste
vis-à-vis du génocide dont ont été victimes les Arméniens par les
Turcs au début du siècle dernier.
Répondant à sa place, René Trégouët a évoqué l'effet amplificateur de
l'internet, qui consiste à multiplier les références hypertextes pour
faire remonter une vieille information dans les moteurs de recherche.
«C'est un exemple frappant qui montre bien qu'avec ces procédés,
l'internet permet de remettre en "Une" une information préjudiciable
qui date de plus de trois mois», a argumenté le sénateur.
Un autre intervenant, l'avocat Cyril Rojinsky, membre d'un groupe de
travail au FDI (*), a souligné que cet amendement était «précipité»,
et qu'il risquait tout bonnement d'être annulé pour n'avoir pas été
notifié au préalable aux instances européennes. Bref, le ministre
aurait donc été bien inspiré de demander un avis plus large sur le
fond et la forme de cette modification. En coulisses, les
administrateurs du FDI ont regretté de n'avoir pas été consultés.
La prochaine fois, Patrick Devedjian pourra même le faire en ligne et
publiquement: l'une des deux «actions prioritaires» du Forum en 2004
est de «mettre en place un service de médiation destiné à régler les
différends liés à l'internet [comme par exemple] des différends entre
particuliers pour des questions de diffamation ou de droits
d'auteur».
(*) Le rapport annuel 2003 du FDI n'est pas encore disposible
librement en téléchargement (il peut se commander en ligne pour 23
euros à la Documentation française). Seul un court résumé de ses
trois ans action a été diffusé publiquement.
25 mai 2004
Le ministre de l'Industrie moins expéditif sur la prescription des
délits de presse sur internet
par Jerome Thorel, envoyé spécial, ZDNet France
Patrick Devedjian était l'invité vedette du Forum des droits sur
l'internet (FDI), qui fête ses 3 ans d'existence. Après un exposé
timide de la future LCEN, le ministre est revenu sur un amendement
qui modifie les délais de prescription sur internet.
BODY:
«Toute loi est faite pour évoluer, celle sur la liberté de la presse
de 1881 comme celle sur l'économie numérique», a lancé ce mardi le
ministre délégué à l'Industrie Patrick Devedjian. Il était l'invité
du FDI, le Forum des droits sur l'internet, une instance consultative
créée il y a tout juste trois ans sous l'impulsion des pouvoirs
publics. Le ministre était présent pour résumer le contenu du projet
de loi portée par sa prédécesseur Nicole Fontaine: la fameuse loi sur
la confiance dans l'économie numérique (LCEN), adoptée définitivement
début mai. Elle est en cours d'examen par le Conseil constitutionnel.
À une question de ZDNet sur l'un des épisodes les plus remarqués du
débat sur la LCEN, Patrick Devedjian a dû revenir, bien malgré lui,
sur la question de la prescription des délits de presse sur
l'internet. Une modification de dernière minute à la LCEN est sur le
point de changer la donne pour les médias en ligne: le délit sera
continu, il ne sera plus prescrit au bout de trois mois comme c'est
le cas pour toute publication imprimée (ainsi que le stipule la loi
de 1881). Cette modification, défendue au Parlement par le sénateur
René Trégouët, il convient désormais de l'appeler "amendement
Devedjian", puisque le ministre en est le véritable instigateur,
comme nous l'avons relaté la semaine dernière.
La logique de la prescription de trois mois part du principe que plus
le temps passe, moins la "publicité" d'un article publié dans un
journal papier perdure, c'est pourquoi elle peut se justifier, a-t-il
expliqué. En revanche avec internet, le phénomène s'inverse: la
publicité du même article peut devenir plus importante plusieurs mois
après la première publication. «Il y avait donc matière à agir»,
a-t-il poursuivi.
La presse en ligne moins bien traitée que la presse papier
Coïncidence: dans la salle était présent, invité lui aussi par le
FDI, le sénateur Trégouët. Il prend aujourd'hui à son compte les
arguments du ministre, tout en soulignant une lacune de taille:
«C'est vrai que la portée de ce texte pose un autre problème», a
répondu spontanément René Trégouët. «La lacune, c'est de ne pas
mettre sur un pied d'égalité la presse en ligne et la presse
traditionnelle». Un point sur lequel a semblé d'accord Patrick
Devedjian, qui n'a donc pas exclu d'y remédier lors d'un prochain
examen parlementaire, sans en dire plus.
En revanche le ministre n'a pas voulu s'étendre sur les motivations
personnelles qui l'auraient poussé à proposer cet amendement au
sénateur Trégouët. Mais il n'a pas non plus démenti être concerné
directement, d'abord par ses origines arméniennes. Car il est
régulièrement l'objet d'une campagne de dénigrement de la part d'un
site internet (pas un site d'information), ouvertement négationniste
vis-à-vis du génocide dont ont été victimes les Arméniens par les
Turcs au début du siècle dernier.
Répondant à sa place, René Trégouët a évoqué l'effet amplificateur de
l'internet, qui consiste à multiplier les références hypertextes pour
faire remonter une vieille information dans les moteurs de recherche.
«C'est un exemple frappant qui montre bien qu'avec ces procédés,
l'internet permet de remettre en "Une" une information préjudiciable
qui date de plus de trois mois», a argumenté le sénateur.
Un autre intervenant, l'avocat Cyril Rojinsky, membre d'un groupe de
travail au FDI (*), a souligné que cet amendement était «précipité»,
et qu'il risquait tout bonnement d'être annulé pour n'avoir pas été
notifié au préalable aux instances européennes. Bref, le ministre
aurait donc été bien inspiré de demander un avis plus large sur le
fond et la forme de cette modification. En coulisses, les
administrateurs du FDI ont regretté de n'avoir pas été consultés.
La prochaine fois, Patrick Devedjian pourra même le faire en ligne et
publiquement: l'une des deux «actions prioritaires» du Forum en 2004
est de «mettre en place un service de médiation destiné à régler les
différends liés à l'internet [comme par exemple] des différends entre
particuliers pour des questions de diffamation ou de droits
d'auteur».
(*) Le rapport annuel 2003 du FDI n'est pas encore disposible
librement en téléchargement (il peut se commander en ligne pour 23
euros à la Documentation française). Seul un court résumé de ses
trois ans action a été diffusé publiquement.