La Tribune
7 octobre 2004
FEU VERT CONDITIONNEL DE BRUXELLES À L'ADHÉSION DE LA TURQUIE
La Commission européenne a recommandé hier l'ouverture des
négociations d'adhésion avec Ankara. Mais elle préconise la rupture
du contrat si la Turquie ne respecte pas ses engagements.
Simple coup de menton destiné à une opinion publique interne très
chatouilleuse ? Ou premier accroc au processus recommandé par la
Commission européenne, hier, 6 octobre, pour ouvrir, puis mener
précautionneusement avec Ankara, des négociations devant mener à
l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ? Le Premier ministre
turc a déclaré, en tout cas, qu'il souhaitait que les "mêmes critères
et les mêmes méthodes" qui avaient présidé aux précédents
élargissements soient appliqués à son pays.
Recep Tayyip Erdogan a pourtant peu de chances d'être entendu. Il est
peu douteux que le 17 décembre, le Conseil européen décidera de
suivre pratiquement en tous points la suggestion de la Commission.
C'est-à-dire d'ouvrir des négociations avec Ankara, mais avec des
préalables, des précautions, un suivi et des dispositifs de
sauvegarde assez exceptionnels (lire "La Tribune" d'hier). Certes, en
privé, Günther Verheugen, le commissaire à l'Elargissement, faisait
valoir que la plupart de ces précautions étaient implicites lors des
négociations avec les précédents candidats et que leur conclusion
positive, par nature, était tout autant aléatoire. Il y aurait, donc,
un certain "affichage" pour répondre aux inquiétudes et aux
réticences perceptibles dans tous les pays de l'Union.
Procédure inhabituelle. Le processus préconisé va pourtant bien
au-delà. Déjà en termes de calendrier, puisque l'Union devrait avoir
défini ses "perspectives financières" pour la période post-2014
"avant de pouvoir conclure les négociations". La Commission ajoute
aussi que l'Union devra elle-même avoir acquis à cette échéance "la
capacité d'assimiler de nouveaux membres et d'approfondir [son]
intégration". De surcroît, annonce-t-elle, "le rythme des réformes
déterminera l'avancement des négociations". Car elle souligne bien
que la Turquie "satisfait suffisamment" mais pas complètement, et
loin de là, aux critères politiques. Aussi, prévient-elle, en "cas de
violation grave et persistante des principes de liberté, de
démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et de l'Etat de droit", elle préconisera la suspension
des travaux et le Conseil, procédure inhabituelle, statuera si besoin
à la majorité qualifiée.
Les négociations seront par ailleurs, et c'est le second pilier de la
stratégie prônée, soumises à de strictes conditions : "critères de
référence" pour boucler les différents chapitres, "longues périodes
transitoires", "dispositions spécifiques" dans des domaines tels que
les politiques structurelles et l'agriculture, éventuellement
"sauvegardes permanentes" en ce qui concerne la "libre circulation
des travailleurs", etc.
Fronde. Toute cette panoplie n'a pas suffi toutefois à lever les
réticences au sein du Parlement européen devant lequel le président
de la Commission, Romano Prodi, et Günther Verheugen ont présenté
leur "recommandation". C'est l'Allemand Hans Poettering qui a mené la
fronde. Il a indiqué que le groupe démocrate-chrétien considère que
cette adhésion débouchera sur une "autre Union" et que les Vingt-Cinq
ne peuvent ouvrir leur porte sous le chantage d'un risque de
basculement de la Turquie hors du camp occidental. Un des ses pairs,
le Français Alain Lamassoure, a salué la rigueur de l'analyse de la
Commission, mais pour estimer que "la conclusion politique qu'elle en
tire est parfaitement contradictoire" puisque "presque sur tous les
points", la Turquie "reste éloignée du modèle européen de démocratie
et des droits de l'homme". Sa collègue, Françoise Grossetête, a
relevé, elle, qu'Ankara n'avait pas montré, en ne reconnaissant pas
le génocide arménien et n'ayant pas évacué ses troupes de Chypre, sa
"bonne volonté et [sa] bonne foi".
Les libéraux n'ont pas affiché d'"opposition de principe", mais
Graham Watson, leur président, a toutefois indiqué que son groupe
aussi n'était "pas convaincu de la nécessité de l'adhésion". En
revanche, les députés de gauche, sans récuser la nécessité pour
l'Union de rester vigilante tout au long des négociations et de se
montrer exigeante sur le respect des valeurs sur lesquelles est
fondée l'Union, se sont félicités de cette perspective à terme
d'adhésion de la Turquie.
Marc Paoloni, à Bruxelles
7 octobre 2004
FEU VERT CONDITIONNEL DE BRUXELLES À L'ADHÉSION DE LA TURQUIE
La Commission européenne a recommandé hier l'ouverture des
négociations d'adhésion avec Ankara. Mais elle préconise la rupture
du contrat si la Turquie ne respecte pas ses engagements.
Simple coup de menton destiné à une opinion publique interne très
chatouilleuse ? Ou premier accroc au processus recommandé par la
Commission européenne, hier, 6 octobre, pour ouvrir, puis mener
précautionneusement avec Ankara, des négociations devant mener à
l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ? Le Premier ministre
turc a déclaré, en tout cas, qu'il souhaitait que les "mêmes critères
et les mêmes méthodes" qui avaient présidé aux précédents
élargissements soient appliqués à son pays.
Recep Tayyip Erdogan a pourtant peu de chances d'être entendu. Il est
peu douteux que le 17 décembre, le Conseil européen décidera de
suivre pratiquement en tous points la suggestion de la Commission.
C'est-à-dire d'ouvrir des négociations avec Ankara, mais avec des
préalables, des précautions, un suivi et des dispositifs de
sauvegarde assez exceptionnels (lire "La Tribune" d'hier). Certes, en
privé, Günther Verheugen, le commissaire à l'Elargissement, faisait
valoir que la plupart de ces précautions étaient implicites lors des
négociations avec les précédents candidats et que leur conclusion
positive, par nature, était tout autant aléatoire. Il y aurait, donc,
un certain "affichage" pour répondre aux inquiétudes et aux
réticences perceptibles dans tous les pays de l'Union.
Procédure inhabituelle. Le processus préconisé va pourtant bien
au-delà. Déjà en termes de calendrier, puisque l'Union devrait avoir
défini ses "perspectives financières" pour la période post-2014
"avant de pouvoir conclure les négociations". La Commission ajoute
aussi que l'Union devra elle-même avoir acquis à cette échéance "la
capacité d'assimiler de nouveaux membres et d'approfondir [son]
intégration". De surcroît, annonce-t-elle, "le rythme des réformes
déterminera l'avancement des négociations". Car elle souligne bien
que la Turquie "satisfait suffisamment" mais pas complètement, et
loin de là, aux critères politiques. Aussi, prévient-elle, en "cas de
violation grave et persistante des principes de liberté, de
démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et de l'Etat de droit", elle préconisera la suspension
des travaux et le Conseil, procédure inhabituelle, statuera si besoin
à la majorité qualifiée.
Les négociations seront par ailleurs, et c'est le second pilier de la
stratégie prônée, soumises à de strictes conditions : "critères de
référence" pour boucler les différents chapitres, "longues périodes
transitoires", "dispositions spécifiques" dans des domaines tels que
les politiques structurelles et l'agriculture, éventuellement
"sauvegardes permanentes" en ce qui concerne la "libre circulation
des travailleurs", etc.
Fronde. Toute cette panoplie n'a pas suffi toutefois à lever les
réticences au sein du Parlement européen devant lequel le président
de la Commission, Romano Prodi, et Günther Verheugen ont présenté
leur "recommandation". C'est l'Allemand Hans Poettering qui a mené la
fronde. Il a indiqué que le groupe démocrate-chrétien considère que
cette adhésion débouchera sur une "autre Union" et que les Vingt-Cinq
ne peuvent ouvrir leur porte sous le chantage d'un risque de
basculement de la Turquie hors du camp occidental. Un des ses pairs,
le Français Alain Lamassoure, a salué la rigueur de l'analyse de la
Commission, mais pour estimer que "la conclusion politique qu'elle en
tire est parfaitement contradictoire" puisque "presque sur tous les
points", la Turquie "reste éloignée du modèle européen de démocratie
et des droits de l'homme". Sa collègue, Françoise Grossetête, a
relevé, elle, qu'Ankara n'avait pas montré, en ne reconnaissant pas
le génocide arménien et n'ayant pas évacué ses troupes de Chypre, sa
"bonne volonté et [sa] bonne foi".
Les libéraux n'ont pas affiché d'"opposition de principe", mais
Graham Watson, leur président, a toutefois indiqué que son groupe
aussi n'était "pas convaincu de la nécessité de l'adhésion". En
revanche, les députés de gauche, sans récuser la nécessité pour
l'Union de rester vigilante tout au long des négociations et de se
montrer exigeante sur le respect des valeurs sur lesquelles est
fondée l'Union, se sont félicités de cette perspective à terme
d'adhésion de la Turquie.
Marc Paoloni, à Bruxelles