Le Figaro, France
07 octobre 2004
Le « baroud d'honneur » de Pascal Lamy
Alexandrine BOUILHET
Le débat sur la Turquie au sein de la Commission, hier, a mis en
évidence le particularisme français. Dans un collège majoritairement
acquis à la cause turque, les deux Français Pascal Lamy et Jacques
Barrot ont été mis sur la touche. Le plus isolé de tous était le
commissaire Pascal Lamy, l'un des seuls, au collège, à considérer que
la Turquie n'était « pas encore prête » à ouvrir les négociations
d'adhésion avec Bruxelles. L'un des seuls à estimer qu'il fallait
encore laisser la porte ouverte à un « partenariat privilégié ». Le
seul enfin à vouloir poser comme précondition d'adhésion la
reconnaissance du génocide arménien par Ankara. « On a tous été très
étonnés par son attitude. Il a posé de telles conditions qu'il
semblait clairement opposé à l'ouverture des négociations avec
Ankara, raconte l'un de ses collègues. Jacques Barrot avait aussi des
réticences, mais ses demandes étaient plus raisonnables. Sur le fond
de la recommandation, il était d'accord, car elle correspond tout à
fait à la ligne Chirac. »
En cinq ans, la Commission Prodi avait fini par s'habituer à cette
forme de cohabitation française au sein du collège, mais le baroud
d'honneur de Pascal Lamy, l'un des commissaires les plus respectés de
l'équipe sortante, n'est pas passé inaperçu. « Que se passe-t-il avec
Lamy ? Il est sur quelle ligne ? Fabius ou Hollande ? On n'y comprend
plus rien... », demandaient ses collègues, un peu perdus dans les
méandres de la politique française. Ce mystère ne lui déplaît pas.
Socialiste, mais libéral, favorable à la Constitution, mais hostile à
l'entrée de la Turquie, le « cerveau » Pascal Lamy apparaît de plus
en plus « inclassable » politiquement. Commissaire sortant, il quitte
ses fonctions le 1er novembre, laissant à Jacques Barrot le prochain
siège français dans l'équipe Barroso. A Bruxelles, Pascal Lamy reste
très discret sur ses intentions futures.
Ses positions iconoclastes compliquent son éventuel retour sur la
scène intérieure française, même s'il a gardé de solides liens avec
Lionel Jospin. Son ambition comme son profil le portent davantage
vers des organismes internationaux, de type OMC, FMI ou ONU, mais de
tels postes requièrent l'aval de l'Elysée, une hypothèse plus
compromise que jamais.
07 octobre 2004
Le « baroud d'honneur » de Pascal Lamy
Alexandrine BOUILHET
Le débat sur la Turquie au sein de la Commission, hier, a mis en
évidence le particularisme français. Dans un collège majoritairement
acquis à la cause turque, les deux Français Pascal Lamy et Jacques
Barrot ont été mis sur la touche. Le plus isolé de tous était le
commissaire Pascal Lamy, l'un des seuls, au collège, à considérer que
la Turquie n'était « pas encore prête » à ouvrir les négociations
d'adhésion avec Bruxelles. L'un des seuls à estimer qu'il fallait
encore laisser la porte ouverte à un « partenariat privilégié ». Le
seul enfin à vouloir poser comme précondition d'adhésion la
reconnaissance du génocide arménien par Ankara. « On a tous été très
étonnés par son attitude. Il a posé de telles conditions qu'il
semblait clairement opposé à l'ouverture des négociations avec
Ankara, raconte l'un de ses collègues. Jacques Barrot avait aussi des
réticences, mais ses demandes étaient plus raisonnables. Sur le fond
de la recommandation, il était d'accord, car elle correspond tout à
fait à la ligne Chirac. »
En cinq ans, la Commission Prodi avait fini par s'habituer à cette
forme de cohabitation française au sein du collège, mais le baroud
d'honneur de Pascal Lamy, l'un des commissaires les plus respectés de
l'équipe sortante, n'est pas passé inaperçu. « Que se passe-t-il avec
Lamy ? Il est sur quelle ligne ? Fabius ou Hollande ? On n'y comprend
plus rien... », demandaient ses collègues, un peu perdus dans les
méandres de la politique française. Ce mystère ne lui déplaît pas.
Socialiste, mais libéral, favorable à la Constitution, mais hostile à
l'entrée de la Turquie, le « cerveau » Pascal Lamy apparaît de plus
en plus « inclassable » politiquement. Commissaire sortant, il quitte
ses fonctions le 1er novembre, laissant à Jacques Barrot le prochain
siège français dans l'équipe Barroso. A Bruxelles, Pascal Lamy reste
très discret sur ses intentions futures.
Ses positions iconoclastes compliquent son éventuel retour sur la
scène intérieure française, même s'il a gardé de solides liens avec
Lionel Jospin. Son ambition comme son profil le portent davantage
vers des organismes internationaux, de type OMC, FMI ou ONU, mais de
tels postes requièrent l'aval de l'Elysée, une hypothèse plus
compromise que jamais.