Les Echos , France
6 octobre 2004
En France, la droite et la gauche sont de plus en plus réticentes
CÉCILE CORNUDET
La question de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne a cette
double particularité en France : elle divise profondément chaque
parti politique, de gauche ou de droite, et le nombre des réticents a
tendance à grimper à mesure qu'approche le référendum sur la
Constitution européenne. L'extrême droite et les souverainistes de
droite ont toujours été très hostiles à l'idée d'une Turquie
européenne, pour une question de culture et de religion
essentiellement. Or, depuis le printemps dernier, ils ont été
rejoints par la droite libérale et européenne. François Bayrou, le
président de l'UDF, a, le premier, pris ses distances au nom de l'«
homogénéité » de l'Europe, qui doit se renforcer avant de s'ouvrir à
nouveau. Fin avril, il a été rejoint par Alain Juppé, alors président
de l'UMP, soucieux d'ôter un thème de campagne aux souverainistes à
quelques semaines des européennes de juin dernier. Depuis, cette
prise de distances a fait tache d'huile, les responsables UMP
craignant que la peur suscitée par la Turquie ne conduise les
Français à voter « non » au référendum sur la Constitution
européenne. Aujourd'hui, la quasi-totalité de l'UMP est contre
l'entrée de la Turquie, que ce soit pour des raisons culturelles - «
Voulons-nous que le fleuve de l'islam rejoigne le lit de la laïcité ?
», s'est interrogé Jean-Pierre Raffarin il y a dix jours - ou plus
généralement pour des raisons démographiques et politiques : « Avec
100 millions d'habitants, elle deviendrait le premier pays d'Europe
en poids politique », rappelle Nicolas Sarkozy.
Chirac, une exception de taille
Cette unanimité souffre toutefois d'une exception de taille. Jacques
Chirac est, par solidarité avec l'Allemagne, favorable à l'ouverture
de négociations avec Ankara, tout comme son ministre des Affaires
étrangères, Michel Barnier. D'où la solution de compromis proposée la
semaine dernière par le président de la République : un référendum
sur l'entrée de la Turquie à l'issue d'un long processus de
négociations d'une dizaine d'années.
La gauche, elle, est plus partagée, mais plus les semaines avancent,
plus le camp du « non » à l'entrée de la Turquie se renforce. Au
printemps dernier, le PS ironisait encore sur les divergences entre
l'UMP et le chef de l'Etat. Aujourd'hui, il est nettement plus
discret. Il est vrai que les partisans du « non » à la Constitution
sont tous contre l'entrée de la Turquie, y compris Laurent Fabius,
qui estime que « l'UE n'est pas en situation de l'accueillir ». Du
coup, les partisans du « oui » à la Constitution commencent, eux
aussi, à s'inquiéter. François Hollande fixe des conditions à
l'entrée de la Turquie, en matière de droits de l'homme et de
reconnaissance du génocide arménien. Pierre Moscovici, responsable du
PS pour les questions européennes, de plus en plus prudent, parle de
« mariage de raison », alors qu'il estimait il y a encore peu que le
devoir de l'Europe était de défendre l'islam modéré en intégrant la
Turquie. Quant à Ségolène Royal, elle renvoie désormais la question
aux calendes... grecques et plaide pour un statut d'« Etat associé »
avec l'Europe.
6 octobre 2004
En France, la droite et la gauche sont de plus en plus réticentes
CÉCILE CORNUDET
La question de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne a cette
double particularité en France : elle divise profondément chaque
parti politique, de gauche ou de droite, et le nombre des réticents a
tendance à grimper à mesure qu'approche le référendum sur la
Constitution européenne. L'extrême droite et les souverainistes de
droite ont toujours été très hostiles à l'idée d'une Turquie
européenne, pour une question de culture et de religion
essentiellement. Or, depuis le printemps dernier, ils ont été
rejoints par la droite libérale et européenne. François Bayrou, le
président de l'UDF, a, le premier, pris ses distances au nom de l'«
homogénéité » de l'Europe, qui doit se renforcer avant de s'ouvrir à
nouveau. Fin avril, il a été rejoint par Alain Juppé, alors président
de l'UMP, soucieux d'ôter un thème de campagne aux souverainistes à
quelques semaines des européennes de juin dernier. Depuis, cette
prise de distances a fait tache d'huile, les responsables UMP
craignant que la peur suscitée par la Turquie ne conduise les
Français à voter « non » au référendum sur la Constitution
européenne. Aujourd'hui, la quasi-totalité de l'UMP est contre
l'entrée de la Turquie, que ce soit pour des raisons culturelles - «
Voulons-nous que le fleuve de l'islam rejoigne le lit de la laïcité ?
», s'est interrogé Jean-Pierre Raffarin il y a dix jours - ou plus
généralement pour des raisons démographiques et politiques : « Avec
100 millions d'habitants, elle deviendrait le premier pays d'Europe
en poids politique », rappelle Nicolas Sarkozy.
Chirac, une exception de taille
Cette unanimité souffre toutefois d'une exception de taille. Jacques
Chirac est, par solidarité avec l'Allemagne, favorable à l'ouverture
de négociations avec Ankara, tout comme son ministre des Affaires
étrangères, Michel Barnier. D'où la solution de compromis proposée la
semaine dernière par le président de la République : un référendum
sur l'entrée de la Turquie à l'issue d'un long processus de
négociations d'une dizaine d'années.
La gauche, elle, est plus partagée, mais plus les semaines avancent,
plus le camp du « non » à l'entrée de la Turquie se renforce. Au
printemps dernier, le PS ironisait encore sur les divergences entre
l'UMP et le chef de l'Etat. Aujourd'hui, il est nettement plus
discret. Il est vrai que les partisans du « non » à la Constitution
sont tous contre l'entrée de la Turquie, y compris Laurent Fabius,
qui estime que « l'UE n'est pas en situation de l'accueillir ». Du
coup, les partisans du « oui » à la Constitution commencent, eux
aussi, à s'inquiéter. François Hollande fixe des conditions à
l'entrée de la Turquie, en matière de droits de l'homme et de
reconnaissance du génocide arménien. Pierre Moscovici, responsable du
PS pour les questions européennes, de plus en plus prudent, parle de
« mariage de raison », alors qu'il estimait il y a encore peu que le
devoir de l'Europe était de défendre l'islam modéré en intégrant la
Turquie. Quant à Ségolène Royal, elle renvoie désormais la question
aux calendes... grecques et plaide pour un statut d'« Etat associé »
avec l'Europe.