La Croix
5 octobre 2004
Dossier. La Turquie aux portes de l'Union Européenne. PAROLES
d'islamologues. Interviews. Le problème n'est pas l'islam , Olivier
Roy. Directeur de recherche au
SAUTO Martine de,SCHMIDT Pierre
Le problème n'est pas l'islam
Olivier Roy
Directeur de recherche au CNRS (1)
Le problème, ce n'est pas l'islam. Il est compatible avec les
traditions du sécuralisme européen. Une identité européenne en partie
musulmane ne me gêne pas. Il y a de plus en plus de musulmans dans
les pays de l'Union européenne... Et sur un plan stratégique, la
Turquie a rompu avec le Moyen-Orient qui est une source de menaces
pour elle.
Le problème qui se pose est plutôt celui d'une société qui est en
transition : on va vers une occidentalisation mais on n'y est pas
encore, notamment dans le sud-est du pays. Une autre question
fondamentale concerne l'appareil d'Etat : l'obstacle principal
aujourd'hui, c'est la tradition kémaliste et militaire de la Turquie
(de Kemal Atatürk 1881-1936, le père des Turcs, NDLR).
La question du référendum sur l'adhésion de la Turquie à l'Union
européenne est absurde. Je crois qu'il faut penser en termes de
processus et non en termes de oui ou de non . Ou on dit oui et cela
veut dire que la Turquie est prête, or elle ne l'est pas encore... Ou
bien, on dit non et on ferme la porte ! Il est important de ne pas la
fermer car cette perspective entraîne la Turquie vers la transition.
(1) Auteur de La Turquie aujourd'hui : un pays européen ? (direction
d'ouvrage, Universalis, 2004) et L'islam mondialisé (Seuil, septembre
2002)
L'islam turc est récent
Bruno Etienne
Directeur de l'Observatoire du religieux à l'Institut d'études
politiques d'Aix-en-Provence.
Des politiques de droite et de gauche - y compris ceux qui étaient
opposés à ce qu'elles soient mentionnées dans le préambule de la
Constitution - invoquent les valeurs chrétiennes pour justifier leur
refus de voir la Turquie rejoindre, dans quinze ans, l'Union
européenne. Ils oublient - ou font mine d'oublier - que l'islam turc
est un islam récent. Si le pacte a été rompu lors du génocide
arménien, ce n'est pas par les musulmans, mais par les laïques
nationalistes ! Ils refusent aussi d'honorer le pays musulman qui a
conduit les plus grandes avancées vers la laïcité. Ils négligent le
fait qu'aux marges du monde libre , la Turquie sert de porte-avions à
l'Otan, et qu'elle est aussi le seul Etat musulman à entretenir des
relations sérieuses - y compris militaires - avec Israël. Par
ailleurs, comment oublier que les monuments grecs sont plus nombreux
en Turquie que partout ailleurs (Ephèse, Pergame...) et sont visités
comme hauts lieux de la pensée et de l'art européens. L'adhésion de
la Turquie serait une bonne réponse à ceux qui ne regardent le monde
qu'en termes religieux.
RECUEILLI PAR MARTINE DE SAUTO ET PIERRE SCHMIDT
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
5 octobre 2004
Dossier. La Turquie aux portes de l'Union Européenne. PAROLES
d'islamologues. Interviews. Le problème n'est pas l'islam , Olivier
Roy. Directeur de recherche au
SAUTO Martine de,SCHMIDT Pierre
Le problème n'est pas l'islam
Olivier Roy
Directeur de recherche au CNRS (1)
Le problème, ce n'est pas l'islam. Il est compatible avec les
traditions du sécuralisme européen. Une identité européenne en partie
musulmane ne me gêne pas. Il y a de plus en plus de musulmans dans
les pays de l'Union européenne... Et sur un plan stratégique, la
Turquie a rompu avec le Moyen-Orient qui est une source de menaces
pour elle.
Le problème qui se pose est plutôt celui d'une société qui est en
transition : on va vers une occidentalisation mais on n'y est pas
encore, notamment dans le sud-est du pays. Une autre question
fondamentale concerne l'appareil d'Etat : l'obstacle principal
aujourd'hui, c'est la tradition kémaliste et militaire de la Turquie
(de Kemal Atatürk 1881-1936, le père des Turcs, NDLR).
La question du référendum sur l'adhésion de la Turquie à l'Union
européenne est absurde. Je crois qu'il faut penser en termes de
processus et non en termes de oui ou de non . Ou on dit oui et cela
veut dire que la Turquie est prête, or elle ne l'est pas encore... Ou
bien, on dit non et on ferme la porte ! Il est important de ne pas la
fermer car cette perspective entraîne la Turquie vers la transition.
(1) Auteur de La Turquie aujourd'hui : un pays européen ? (direction
d'ouvrage, Universalis, 2004) et L'islam mondialisé (Seuil, septembre
2002)
L'islam turc est récent
Bruno Etienne
Directeur de l'Observatoire du religieux à l'Institut d'études
politiques d'Aix-en-Provence.
Des politiques de droite et de gauche - y compris ceux qui étaient
opposés à ce qu'elles soient mentionnées dans le préambule de la
Constitution - invoquent les valeurs chrétiennes pour justifier leur
refus de voir la Turquie rejoindre, dans quinze ans, l'Union
européenne. Ils oublient - ou font mine d'oublier - que l'islam turc
est un islam récent. Si le pacte a été rompu lors du génocide
arménien, ce n'est pas par les musulmans, mais par les laïques
nationalistes ! Ils refusent aussi d'honorer le pays musulman qui a
conduit les plus grandes avancées vers la laïcité. Ils négligent le
fait qu'aux marges du monde libre , la Turquie sert de porte-avions à
l'Otan, et qu'elle est aussi le seul Etat musulman à entretenir des
relations sérieuses - y compris militaires - avec Israël. Par
ailleurs, comment oublier que les monuments grecs sont plus nombreux
en Turquie que partout ailleurs (Ephèse, Pergame...) et sont visités
comme hauts lieux de la pensée et de l'art européens. L'adhésion de
la Turquie serait une bonne réponse à ceux qui ne regardent le monde
qu'en termes religieux.
RECUEILLI PAR MARTINE DE SAUTO ET PIERRE SCHMIDT
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress