Libération , France
2 octobre 2004
De droite à gauche, des réticences;
Evènement 1. Europe
par AESCHIMANN Eric,LEBEGUE Thomas
UDF et partisans du non à la Constitution européenne critiquent la
proposition de Chirac.
La dernière trouvaille de Jacques Chirac suffira-t-elle à apaiser le
débat ? A en juger par les premières réactions suscitées par son
initiative, la question turque a encore de beaux jours devant elle.
Et l'opposition d'une grande partie du monde politique à l'adhésion
d'Ankara n'est pas prête de se dissiper. La Turquie, combien de
divisions ? Beaucoup, et dans tous les camps. A commencer par la
droite. L'UMP est elle-même en rupture de ban avec le chef de l'Etat
puisqu'elle refuse depuis le printemps, à l'instigation de Juppé,
l'entrée de la Turquie dans l'UE. Le parti a toutefois salué hier une
décision présidentielle qui permet à l'Elysée et à l'UMP de se
retrouver.
L'UDF contre l'adhésion. L'UDF, elle, est hostile de longue date à
l'adhésion d'Ankara "qui changerait la nature de l'Europe". François
Bayrou ne trouve pas son compte dans la proposition chiraquienne :
"C'est une manière de duper les Français." Idéalement, il aurait
voulu que l'on consulte les électeurs avant le conseil européen du 17
décembre qui doit se prononcer sur l'ouverture des négociations. Ce
qui, matériellement, paraît impossible. Du coup, il propose au chef
de l'Etat de repousser cette date butoir pour organiser une
consultation populaire dans les meilleurs délais. "En évoquant l'idée
d'un référendum dans dix ans, Chirac a été très habile, décrypte la
députée européenne (UDF) Marielle de Sarnez. Mais c'est le 17
décembre que le problème de la Turquie sera réglé. Car on ne pourra
pas lui dire "non" après avoir négocié durant dix ans avec elle !
Promettre un référendum à long terme, c'est un mensonge civiquement
honteux." La crainte de l'UDF, c'est que la question turque fasse
monter le camp du "non" à la Constitution européenne. Aussi
demande-t-elle l'organisation d'un débat parlementaire, au nom de
l'article 88-4 de la Constitution. Il est peu probable que le
gouvernement ouvre la voie à un vote négatif de l'Assemblée, quelques
semaines avant que Jacques Chirac ne donne son accord officiel à
l'ouverture des négociations.
Le PS désuni. Au Parti socialiste aussi, la Turquie sème la zizanie.
Tant qu'il ne s'agissait que d'une perspective à très long terme, les
socialistes ont vu plutôt d'un bon oeil l'entrée d'Ankara dans l'UE.
Mais depuis un an, des voix discordantes se font entendre, notamment
celle de Laurent Fabius qui ne fait pas mystère de ses réticences. Au
printemps dernier, alors que le parti arménien "Dachnaktsoutioun"
menaçait de présenter des listes aux élections européennes dans les
régions où vit la communauté arménienne, les socialistes ont changé
leur fusil d'épaule. La direction du PS a fait de la reconnaissance
du génocide arménien une condition préalable. Sans préciser s'il
s'agit d'un préalable à l'ouverture des négociations ou à l'adhésion
elle-même. D'où la cacophonie manifeste vendredi dans les rangs du
PS. Fabius a dénoncé la proposition chiraquienne : "Une fois que les
négociations ont commencé, il n'y a pas d'exemple dans l'histoire de
l'Europe où elles n'aient pas débouché sur une adhésion", a-t-il
déclaré, en réclamant lui aussi un débat et un vote au Parlement dès
cet automne. Paradoxalement, Pierre Moscovici, responsable des
questions internationales au PS et favorable à l'entrée de la
Turquie, récuse lui aussi l'initiative élyséenne, mais pour des
raisons inverses : "C'est une proposition démagogique destinée à
régler un différend entre Chirac et Sarkozy. Va-t-on faire un
référendum pour la Roumanie ? La Croatie ? L'Albanie ? On va ouvrir
la boîte de Pandore de toutes les phobies. Autant dire franchement
qu'on ne veut pas de la Turquie."
Le PCF, hostile à Chirac. En fin d'après-midi, Julien Dray,
porte-parole du PS, s'est contenté de prendre "acte" de l'annonce de
Jacques Chirac, en rappelant que, pour son parti, l'adhésion de la
Turquie ne sera possible "qu'une fois réglé un certain nombre de
conditions, notamment sur la démocratie et la reconnaissance du
génocide arménien". Mardi, François Hollande avait avancé l'idée de
systématiser l'usage du référendum. Et il a approuvé la décision du
chef de l'Etat, vendredi soir sur France 2.
Le Parti communiste lui n'a pas pas pris degants pour dénoncr une
manoeuvre de Chirac qui vise à "détourner l'attention" pour "faire
oublier la Constitution ultralibérale de Giscard".
2 octobre 2004
De droite à gauche, des réticences;
Evènement 1. Europe
par AESCHIMANN Eric,LEBEGUE Thomas
UDF et partisans du non à la Constitution européenne critiquent la
proposition de Chirac.
La dernière trouvaille de Jacques Chirac suffira-t-elle à apaiser le
débat ? A en juger par les premières réactions suscitées par son
initiative, la question turque a encore de beaux jours devant elle.
Et l'opposition d'une grande partie du monde politique à l'adhésion
d'Ankara n'est pas prête de se dissiper. La Turquie, combien de
divisions ? Beaucoup, et dans tous les camps. A commencer par la
droite. L'UMP est elle-même en rupture de ban avec le chef de l'Etat
puisqu'elle refuse depuis le printemps, à l'instigation de Juppé,
l'entrée de la Turquie dans l'UE. Le parti a toutefois salué hier une
décision présidentielle qui permet à l'Elysée et à l'UMP de se
retrouver.
L'UDF contre l'adhésion. L'UDF, elle, est hostile de longue date à
l'adhésion d'Ankara "qui changerait la nature de l'Europe". François
Bayrou ne trouve pas son compte dans la proposition chiraquienne :
"C'est une manière de duper les Français." Idéalement, il aurait
voulu que l'on consulte les électeurs avant le conseil européen du 17
décembre qui doit se prononcer sur l'ouverture des négociations. Ce
qui, matériellement, paraît impossible. Du coup, il propose au chef
de l'Etat de repousser cette date butoir pour organiser une
consultation populaire dans les meilleurs délais. "En évoquant l'idée
d'un référendum dans dix ans, Chirac a été très habile, décrypte la
députée européenne (UDF) Marielle de Sarnez. Mais c'est le 17
décembre que le problème de la Turquie sera réglé. Car on ne pourra
pas lui dire "non" après avoir négocié durant dix ans avec elle !
Promettre un référendum à long terme, c'est un mensonge civiquement
honteux." La crainte de l'UDF, c'est que la question turque fasse
monter le camp du "non" à la Constitution européenne. Aussi
demande-t-elle l'organisation d'un débat parlementaire, au nom de
l'article 88-4 de la Constitution. Il est peu probable que le
gouvernement ouvre la voie à un vote négatif de l'Assemblée, quelques
semaines avant que Jacques Chirac ne donne son accord officiel à
l'ouverture des négociations.
Le PS désuni. Au Parti socialiste aussi, la Turquie sème la zizanie.
Tant qu'il ne s'agissait que d'une perspective à très long terme, les
socialistes ont vu plutôt d'un bon oeil l'entrée d'Ankara dans l'UE.
Mais depuis un an, des voix discordantes se font entendre, notamment
celle de Laurent Fabius qui ne fait pas mystère de ses réticences. Au
printemps dernier, alors que le parti arménien "Dachnaktsoutioun"
menaçait de présenter des listes aux élections européennes dans les
régions où vit la communauté arménienne, les socialistes ont changé
leur fusil d'épaule. La direction du PS a fait de la reconnaissance
du génocide arménien une condition préalable. Sans préciser s'il
s'agit d'un préalable à l'ouverture des négociations ou à l'adhésion
elle-même. D'où la cacophonie manifeste vendredi dans les rangs du
PS. Fabius a dénoncé la proposition chiraquienne : "Une fois que les
négociations ont commencé, il n'y a pas d'exemple dans l'histoire de
l'Europe où elles n'aient pas débouché sur une adhésion", a-t-il
déclaré, en réclamant lui aussi un débat et un vote au Parlement dès
cet automne. Paradoxalement, Pierre Moscovici, responsable des
questions internationales au PS et favorable à l'entrée de la
Turquie, récuse lui aussi l'initiative élyséenne, mais pour des
raisons inverses : "C'est une proposition démagogique destinée à
régler un différend entre Chirac et Sarkozy. Va-t-on faire un
référendum pour la Roumanie ? La Croatie ? L'Albanie ? On va ouvrir
la boîte de Pandore de toutes les phobies. Autant dire franchement
qu'on ne veut pas de la Turquie."
Le PCF, hostile à Chirac. En fin d'après-midi, Julien Dray,
porte-parole du PS, s'est contenté de prendre "acte" de l'annonce de
Jacques Chirac, en rappelant que, pour son parti, l'adhésion de la
Turquie ne sera possible "qu'une fois réglé un certain nombre de
conditions, notamment sur la démocratie et la reconnaissance du
génocide arménien". Mardi, François Hollande avait avancé l'idée de
systématiser l'usage du référendum. Et il a approuvé la décision du
chef de l'Etat, vendredi soir sur France 2.
Le Parti communiste lui n'a pas pas pris degants pour dénoncr une
manoeuvre de Chirac qui vise à "détourner l'attention" pour "faire
oublier la Constitution ultralibérale de Giscard".