Nouvel Economiste
1 octobre 2004
Politique & Économie - La chronique de... Sylvie Pierre-Brossolette
- Derrière la Constitution, la Turquie- La question de l'adhésion de
la Turquie va s'inviter dans le débat pour ou contre la Constitution.
Dangereux téléscopage.
La Turquie va devenir un acteur important du référendum sur l'Europe.
Le sujet a beau être largement tabou, les promoteurs du " oui
" tentant d'escamoter une source de mécontentement dans
l'opinion, il sera forcément dans l'actualité avec la décision de la
commission de Bruxelles qui doit décider le 6 octobre de valider ou
non l'ouverture des négociations avec ce grand voisin à la fois laïc
et musulman. Stupeur et tremblement dans les partis : l'affaire de
l'adhésion de la Turquie peut déterminer le sort de la future
Constitution. Si un feu vert est donné à Ankara, la campagne risque
de se focaliser sur l'enjeu de son entrée dans l'Union. Dans des
conditions étranges : le chef de l'Etat est quasiment le seul de son
camp à approuver le projet. Même Jean-Pierre Raffarin, dans une
déclaration maladroite mais frappée au coin du bon sens pour une
grande partie de la population française, s'est interrogé sur
l'opportunité de faire couler le fleuve de l'Islam dans le lit de la
laïcité. Gaffe ou répartition des rôles ? Quels que soient ses
motifs, cette déclaration est symptomatique d'un malaise. La droite -
à l'image de la grande majorité des Français - est hostile à l'entrée
de la Turquie dans le club européen. Le débat provoqué sur ce point
par l'avis supposé - et sans doute réel - de la commission de
Bruxelles n'est que le début de la polémique qui aura indubitablement
lieu si le conseil des chefs d'Etat et de gouvernement des 16 et 17
décembre donne aussi son accord au processus.
Les partisans du non n'auront qu'à se baisser pour ramasser les
bulletins quelques mois plus tard. Jacques Chirac en est conscient
tout en ne voulant pas en démordre : la Turquie serait mieux à
l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union. Tant pis si les Etats-Unis
sont du même avis, avec pour objectif à peine voilé de dynamiter
toute possibilité d'élaborer une politique européenne cohérente. Le
Président français pense qu'il vaut mieux intégrer à tout prix un
pays qui doit servir d'exemple à ses voisins islamiques. Le rejeter
maintenant serait un camouflet contre-productif à la cause de la
laïcité et de la paix. La plupart des partis politiques de l'Hexagone
ne sont pas sur cette ligne. Aucun à droite n'est prêt à prendre le
pari de l'intégration d'une nation qui, hier encore, était prête à
voter la criminalisation de l'adultère. A gauche, les avis sont plus
partagés. Officiellement, le Parti socialiste est plutôt favorable à
l'entrée de la Turquie, mais il y met des conditions - comme la
demande de reconnaissance du génocide arménien - auxquelles les Turcs
refusent de se soumettre. Et son électorat est plus que rétif.
Curieusement, personne n'ose parler ouvertement de la question, de
peur de polluer le référendum avec une problématique délétère. On se
demande pourquoi les dirigeants sont tellement gênés : il serait très
facile de défendre l'idée que la Turquie n'est toujours pas prête. Le
chef de l'Etat, en particulier, pourrait utilement déclarer en
décembre qu'il réserve encore son opinion. Une manière pour lui
d'assurer l'issue du référendum. Tout en ménageant l'avenir.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
1 octobre 2004
Politique & Économie - La chronique de... Sylvie Pierre-Brossolette
- Derrière la Constitution, la Turquie- La question de l'adhésion de
la Turquie va s'inviter dans le débat pour ou contre la Constitution.
Dangereux téléscopage.
La Turquie va devenir un acteur important du référendum sur l'Europe.
Le sujet a beau être largement tabou, les promoteurs du " oui
" tentant d'escamoter une source de mécontentement dans
l'opinion, il sera forcément dans l'actualité avec la décision de la
commission de Bruxelles qui doit décider le 6 octobre de valider ou
non l'ouverture des négociations avec ce grand voisin à la fois laïc
et musulman. Stupeur et tremblement dans les partis : l'affaire de
l'adhésion de la Turquie peut déterminer le sort de la future
Constitution. Si un feu vert est donné à Ankara, la campagne risque
de se focaliser sur l'enjeu de son entrée dans l'Union. Dans des
conditions étranges : le chef de l'Etat est quasiment le seul de son
camp à approuver le projet. Même Jean-Pierre Raffarin, dans une
déclaration maladroite mais frappée au coin du bon sens pour une
grande partie de la population française, s'est interrogé sur
l'opportunité de faire couler le fleuve de l'Islam dans le lit de la
laïcité. Gaffe ou répartition des rôles ? Quels que soient ses
motifs, cette déclaration est symptomatique d'un malaise. La droite -
à l'image de la grande majorité des Français - est hostile à l'entrée
de la Turquie dans le club européen. Le débat provoqué sur ce point
par l'avis supposé - et sans doute réel - de la commission de
Bruxelles n'est que le début de la polémique qui aura indubitablement
lieu si le conseil des chefs d'Etat et de gouvernement des 16 et 17
décembre donne aussi son accord au processus.
Les partisans du non n'auront qu'à se baisser pour ramasser les
bulletins quelques mois plus tard. Jacques Chirac en est conscient
tout en ne voulant pas en démordre : la Turquie serait mieux à
l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union. Tant pis si les Etats-Unis
sont du même avis, avec pour objectif à peine voilé de dynamiter
toute possibilité d'élaborer une politique européenne cohérente. Le
Président français pense qu'il vaut mieux intégrer à tout prix un
pays qui doit servir d'exemple à ses voisins islamiques. Le rejeter
maintenant serait un camouflet contre-productif à la cause de la
laïcité et de la paix. La plupart des partis politiques de l'Hexagone
ne sont pas sur cette ligne. Aucun à droite n'est prêt à prendre le
pari de l'intégration d'une nation qui, hier encore, était prête à
voter la criminalisation de l'adultère. A gauche, les avis sont plus
partagés. Officiellement, le Parti socialiste est plutôt favorable à
l'entrée de la Turquie, mais il y met des conditions - comme la
demande de reconnaissance du génocide arménien - auxquelles les Turcs
refusent de se soumettre. Et son électorat est plus que rétif.
Curieusement, personne n'ose parler ouvertement de la question, de
peur de polluer le référendum avec une problématique délétère. On se
demande pourquoi les dirigeants sont tellement gênés : il serait très
facile de défendre l'idée que la Turquie n'est toujours pas prête. Le
chef de l'Etat, en particulier, pourrait utilement déclarer en
décembre qu'il réserve encore son opinion. Une manière pour lui
d'assurer l'issue du référendum. Tout en ménageant l'avenir.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress