Le Figaro, France
14 octobre 2004
La Turquie n'est tout simplement pas l'Europe;
POLITIQUE Lettre ouverte au président de la République
par Les députés UMP : Philippe PEMEZEC, Hauts-de-Seine ; Roland BLUM,
Bouches-du-Rhône ; Bernard BROCHAND, Alpes-Maritimes ; Yves BUR,
Bas-Rhin ; Nicolas DUPONT-AIGNAN, Essonne ; Marc LE FUR,
Côtes-d'Armor ; Lionel LUCA, Alpes-Maritimes ; Richard MALLIE,
Bouches-du-Rhône ; Thierry MARIANI, Vaucluse ; Axel PONIATOWSKI,
Val-d'Oise ; Georges SIFFREDI, Hauts-de-Seine ; Jean-Sébastien
VIALATTE, Var.
Depuis quelques mois et particulièrement ces dernières semaines, le
débat sur l'entrée de la Turquie est devenu une question essentielle
aux yeux des Français. Nous n'avons pas la prétention d'être des
spécialistes de la question turque ; nous sommes simplement des
représentants du peuple français qui avons le souci d'écouter nos
compatriotes et le devoir de dire à ceux qui nous gouvernent quand
ils font fausse route. Pour nous, le débat sur l'irréversibilité ou
non du processus d'intégration, comme celui sur les critères
d'admission (même s'il y aurait beaucoup à dire en particulier sur la
négation du génocide arménien), est un faux débat qui n'a pas à avoir
lieu, puisque la Turquie ne fait pas partie de l'Europe et n'a donc
pas vocation à intégrer l'Union européenne. Sans avoir fait d'études
approfondies en histoire ni connaître sur le bout des doigts la
géographie européenne, c'est la lecture du bon sens qui est celle
faite par une grande majorité des Français. La Turquie ne peut
prétendre entrer dans l'Europe puisqu'elle ne fait pas partie de
l'Europe, c'est une évidence, tant sur le plan géographique
qu'historique. Les 23 000 kilomètres carrés du territoire turc qui
sont du côté européen du Bosphore ne doivent pas servir d'alibi. Ce
petit morceau de terre - 3% du territoire turc seulement ! - est le
dernier avatar de la conquête ottomane, qui fit tomber en 1453
Constantinople, l'ultime bastion de l'Empire romain d'Orient.
Constantinople est devenue Istanbul et la Turquie ne prétend plus
aujourd'hui renverser l'Empire d'Occident, mais y pénétrer avec la
bénédiction de Cassandre de la Commission européenne, contre l'avis
des peuples qui, eux, ont une conscience historique. D'ailleurs, on
notera avec étonnement que les mouvements islamistes turcs,
généralement si jaloux de l'indépendance nationale, sont farouchement
favorables à cette entrée dans l'Union européenne. En effet, la
Turquie, depuis des dizaines d'années, résiste à la montée de
l'islamisme radical grâce à un pouvoir militaire fort. L'entrée dans
l'Union européenne est conditionnée par la disparition du pouvoir
militaire, ce qui veut dire que plus la Turquie sera proche d'entrer
dans l'Europe, plus elle sera menacée par un basculement vers un
islam radical. Et voilà comment le seul argument du clan pro-turc
vole en éclats. La Turquie reste donc un état de 700 000 kilomètres
carrés d'Asie mineure dont les frontières touchent la Syrie, l'Irak
et l'Azerbaïdjan. Faire entrer la Turquie dans l'Europe veut dire
déplacer nos frontières sur les hauteurs du Kurdistan comme dans le
désert irakien. Faire entrer la Turquie dans l'Europe, c'est déplacer
son centre de gravité au coeur d'un des territoires les plus
explosifs de la planète, où s'affrontent depuis des siècles chiites
et sunnites, Kurdes et Irakiens, Turcs et Arméniens. A tout prendre,
quitte à intégrer un état extra-européen, le choix du Maroc ou de la
Tunisie paraîtrait aussi judicieux et moins porteur de germes
explosifs. Tout en défendant des idées souverainistes, fédéralistes
ou simplement pro-européennes, nous nous retrouvons unis pour
défendre l'Europe contre ce projet dangereux, voire suicidaire, pour
l'Europe fédérale comme pour l'Europe des nations. Si nous ne
souhaitons pas que l'Europe soit un simple conglomérat de pays, sans
valeurs partagées autres que celle de la libre circulation des biens
et des personnes, mais reposant sur un projet politique, déterminé
par des valeurs communes, par une histoire partagée, alors il faut
dire non à ce projet, qui signerait l'arrêt de mort d'une Europe
politique et d'une Europe sociale, l'arrêt de mort de l'Europe tout
court. C'est le moment d'être honnêtes avec nous-mêmes et honnêtes
avec les Turcs. Plutôt que de faire miroiter au peuple turc le mirage
d'une éventuelle et hypothétique entrée dans le concert européen,
renforçons la Turquie dans une association économique qui ne
s'appelle pas l'Europe, mais qui crée des conditions de développement
aussi proches de celles de l'Europe. La Turquie, comme le Maroc ou la
Tunisie et les pays de l'arc méditerranéen, l'Ukraine et les pays
gravitant autour de la Russie, pourraient y trouver les conditions
d'un développement politique et économique favorable. Monsieur le
président, le 17 décembre, c'est vous qui allez décider si vous
enclenchez un processus dont chacun sait qu'il sera irréversible,
parce que l'histoire de l'Europe a démontré qu'il ne pouvait pas en
être autrement. La politique étrangère est votre domaine réservé, et
les Français vous ont confié mandat pour l'exercer pleinement.
Cependant, sur cette question, les Français ont un avis, ils doivent
être consultés, soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs
représentants élus. A l'heure où va se jouer le tournant historique
le plus important de l'histoire de l'Union européenne, c'est le
moment ou jamais de créer une véritable Europe des peuples, une
Europe librement consentie.
14 octobre 2004
La Turquie n'est tout simplement pas l'Europe;
POLITIQUE Lettre ouverte au président de la République
par Les députés UMP : Philippe PEMEZEC, Hauts-de-Seine ; Roland BLUM,
Bouches-du-Rhône ; Bernard BROCHAND, Alpes-Maritimes ; Yves BUR,
Bas-Rhin ; Nicolas DUPONT-AIGNAN, Essonne ; Marc LE FUR,
Côtes-d'Armor ; Lionel LUCA, Alpes-Maritimes ; Richard MALLIE,
Bouches-du-Rhône ; Thierry MARIANI, Vaucluse ; Axel PONIATOWSKI,
Val-d'Oise ; Georges SIFFREDI, Hauts-de-Seine ; Jean-Sébastien
VIALATTE, Var.
Depuis quelques mois et particulièrement ces dernières semaines, le
débat sur l'entrée de la Turquie est devenu une question essentielle
aux yeux des Français. Nous n'avons pas la prétention d'être des
spécialistes de la question turque ; nous sommes simplement des
représentants du peuple français qui avons le souci d'écouter nos
compatriotes et le devoir de dire à ceux qui nous gouvernent quand
ils font fausse route. Pour nous, le débat sur l'irréversibilité ou
non du processus d'intégration, comme celui sur les critères
d'admission (même s'il y aurait beaucoup à dire en particulier sur la
négation du génocide arménien), est un faux débat qui n'a pas à avoir
lieu, puisque la Turquie ne fait pas partie de l'Europe et n'a donc
pas vocation à intégrer l'Union européenne. Sans avoir fait d'études
approfondies en histoire ni connaître sur le bout des doigts la
géographie européenne, c'est la lecture du bon sens qui est celle
faite par une grande majorité des Français. La Turquie ne peut
prétendre entrer dans l'Europe puisqu'elle ne fait pas partie de
l'Europe, c'est une évidence, tant sur le plan géographique
qu'historique. Les 23 000 kilomètres carrés du territoire turc qui
sont du côté européen du Bosphore ne doivent pas servir d'alibi. Ce
petit morceau de terre - 3% du territoire turc seulement ! - est le
dernier avatar de la conquête ottomane, qui fit tomber en 1453
Constantinople, l'ultime bastion de l'Empire romain d'Orient.
Constantinople est devenue Istanbul et la Turquie ne prétend plus
aujourd'hui renverser l'Empire d'Occident, mais y pénétrer avec la
bénédiction de Cassandre de la Commission européenne, contre l'avis
des peuples qui, eux, ont une conscience historique. D'ailleurs, on
notera avec étonnement que les mouvements islamistes turcs,
généralement si jaloux de l'indépendance nationale, sont farouchement
favorables à cette entrée dans l'Union européenne. En effet, la
Turquie, depuis des dizaines d'années, résiste à la montée de
l'islamisme radical grâce à un pouvoir militaire fort. L'entrée dans
l'Union européenne est conditionnée par la disparition du pouvoir
militaire, ce qui veut dire que plus la Turquie sera proche d'entrer
dans l'Europe, plus elle sera menacée par un basculement vers un
islam radical. Et voilà comment le seul argument du clan pro-turc
vole en éclats. La Turquie reste donc un état de 700 000 kilomètres
carrés d'Asie mineure dont les frontières touchent la Syrie, l'Irak
et l'Azerbaïdjan. Faire entrer la Turquie dans l'Europe veut dire
déplacer nos frontières sur les hauteurs du Kurdistan comme dans le
désert irakien. Faire entrer la Turquie dans l'Europe, c'est déplacer
son centre de gravité au coeur d'un des territoires les plus
explosifs de la planète, où s'affrontent depuis des siècles chiites
et sunnites, Kurdes et Irakiens, Turcs et Arméniens. A tout prendre,
quitte à intégrer un état extra-européen, le choix du Maroc ou de la
Tunisie paraîtrait aussi judicieux et moins porteur de germes
explosifs. Tout en défendant des idées souverainistes, fédéralistes
ou simplement pro-européennes, nous nous retrouvons unis pour
défendre l'Europe contre ce projet dangereux, voire suicidaire, pour
l'Europe fédérale comme pour l'Europe des nations. Si nous ne
souhaitons pas que l'Europe soit un simple conglomérat de pays, sans
valeurs partagées autres que celle de la libre circulation des biens
et des personnes, mais reposant sur un projet politique, déterminé
par des valeurs communes, par une histoire partagée, alors il faut
dire non à ce projet, qui signerait l'arrêt de mort d'une Europe
politique et d'une Europe sociale, l'arrêt de mort de l'Europe tout
court. C'est le moment d'être honnêtes avec nous-mêmes et honnêtes
avec les Turcs. Plutôt que de faire miroiter au peuple turc le mirage
d'une éventuelle et hypothétique entrée dans le concert européen,
renforçons la Turquie dans une association économique qui ne
s'appelle pas l'Europe, mais qui crée des conditions de développement
aussi proches de celles de l'Europe. La Turquie, comme le Maroc ou la
Tunisie et les pays de l'arc méditerranéen, l'Ukraine et les pays
gravitant autour de la Russie, pourraient y trouver les conditions
d'un développement politique et économique favorable. Monsieur le
président, le 17 décembre, c'est vous qui allez décider si vous
enclenchez un processus dont chacun sait qu'il sera irréversible,
parce que l'histoire de l'Europe a démontré qu'il ne pouvait pas en
être autrement. La politique étrangère est votre domaine réservé, et
les Français vous ont confié mandat pour l'exercer pleinement.
Cependant, sur cette question, les Français ont un avis, ils doivent
être consultés, soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs
représentants élus. A l'heure où va se jouer le tournant historique
le plus important de l'histoire de l'Union européenne, c'est le
moment ou jamais de créer une véritable Europe des peuples, une
Europe librement consentie.