Turquie : les deputes opposent un << partenariat privilegie >> a l'adhesion
Les Echos , France
15 octobre 2004
C. CO. ET F. F.
Le débat est resté maîtrisé. Après avoir exigé et obtenu, à défaut de
vote, un débat à l'Assemblée sur la question très sensible de
l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, François Bayrou a
choisi l'apaisement. Alors que les deux grandes formations politiques
(l'UMP et le PS) sont toutes d'eux très divisées, le président de
l'UDF, qui a toujours été hostile à l'entrée de la Turquie, a
esquissé une solution de compromis : pourquoi Jacques Chirac ne
demanderait-il pas à ses partenaires européens le 17 décembre que les
négociations avec la Turquie débouchent sur deux options, « une
adhésion ou un partenariat privilégié » ?
Sur le fond, l'UMP comme le PS sont d'accord : l'idée d'un
partenariat privilégié serait la meilleure façon de se tirer du
guêpier. Dénonçant une sorte de « fuite en avant » sur la question
turque, Edouard Balladur, le président UMP de la commission des
Affaires étrangères, a plaidé en ce sens, en demandant que les
Français aient effectivement le choix lorsqu'ils auront à se
prononcer, dans quelques années, par référendum. Bernard Accoyer, le
président du groupe UMP à l'Assemblée, a été encore plus explicite :
« Oui à l'ouverture de négociations avec Ankara pour aboutir à un
partenariat privilégié », a-t-il lancé hier. Il faut dire que l'UMP a
été gagnée ces derniers jours par un vent de panique, la position
officielle de l'exécutif - non à l'entrée de la Turquie, mais oui à
l'ouverture de négociations - paraissant illisible à bon nombre
d'élus, de plus en plus intéressés par les positions de François
Bayrou. Dominique Paillé et Nicolas Dupont-Aignan ont rappelé hier
combien la position chiraquienne leur paraissait intenable. Face à
cette fronde, la porte-parole de l'UMP, Valérie Pécresse, a été
jusqu'à proposer hier sur Europe 1 un report des négociations avec
Ankara en 2006. Une façon de déminer le terrain avant le référendum
sur la Constitution européenne prévu l'année prochaine.
Noël Mamère se démarque
A gauche, l'idée d'un partenariat privilégié a le mérite de
rapprocher les points de vue de ceux qui, comme Laurent Fabius,
refusent catégoriquement l'entrée de la Turquie dans l'Union et ceux
qui, comme Jean-Marc Ayrault, estiment que « claquer la porte devant
la Turquie serait interprété comme un manquement de la parole de
notre nation ». Hier, le président du groupe socialiste a convenu que
la meilleure solution serait de laisser ouvertes, pendant les
négociations, les deux options possibles (l'adhésion ou le
partenariat privilégié). Il a également reconnu que, pour l'heure, la
Turquie ne pouvait pas entrer dans l'Union non seulement parce
qu'elle ne satisfaisait pas aux critères d'adhésion, mais parce que
l'Europe avait besoin au préalable de digérer ses élargissements
successifs : « L'urgence est de retrouver la confiance des peuples »,
a-t-il lancé.
Plus radical, Laurent Fabius a énuméré dans les couloirs toutes les
raisons qui lui font refuser l'entrée de la Turquie dans l'Union : «
Elle ne remplit pas tous les critères démocratiques ; elle n'a pas
reconnu le génocide arménien ; elle traite mal un certain nombre de
minorités et, pour une part, elle n'est pas géographiquement en
Europe. » En outre, « son poids de population représenterait 20 % de
droits de vote de plus que la France ».
Dans ce choeur de sceptiques, seul le Vert Noël Mamère s'est démarqué
: il a vigoureusement défendu l'adhésion de la Turquie, en estimant
que les réticences de la classe politique étaient « l'expression des
peurs de notre pays » et traduisaient « la tendance des politiques à
surfer sur l'opinion ».
Jean-Pierre Raffarin a écouté attentivement tous les débats, mais
sachant que sur ce sujet c'est le président de la République qui
décide souverainement, il a préféré laisser ouvertes toutes les
options : « L'avenir n'est pas écrit » entre une adhésion de la
Turquie, un partenariat renforcé ou le statu quo actuel, a-t-il
indiqué en rappelant qu'il appartiendrait en tout état de cause aux
Français de trancher. Michel Barnier, le ministre des Affaires
étrangères, a lui précisé que le Parlement serait consulté à chaque
étape de la négociation, et notamment après le 17 décembre.Les
déclarations du chef de l'Etat22 novembre 2002. Au sommet de l'Otan à
Prague, Jacques Chirac affirme que « la Turquie a toute sa place dans
l'Europe ».
30 avril 2004. Il nuance : « La Turquie a une vocation européenne »
mais « les conditions de son entrée ne sont pas aujourd'hui
réunies... »
4 octobre. A l'occasion d'une rencontre franco-allemande, il annonce
qu'une disposition sera prochainement introduite dans la Constitution
pour qu'à partir d'une certaine date (non encore précisée) les
Français soient systématiquement consultés par référendum sur les
nouveaux élargissements. La Turquie est évidemment visée.
11 octobre. Jacques Chirac s'emploie une nouvelle fois à rassurer les
Français en assurant que la France pourra opposer un veto à l'entrée
de la Turquie dans l'UE « à tout moment ».
17 décembre. Les chefs d'Etat européens doivent décider de
l'ouverture ou non des négociations d'adhésion avec la Turquie.
Les Echos , France
15 octobre 2004
C. CO. ET F. F.
Le débat est resté maîtrisé. Après avoir exigé et obtenu, à défaut de
vote, un débat à l'Assemblée sur la question très sensible de
l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, François Bayrou a
choisi l'apaisement. Alors que les deux grandes formations politiques
(l'UMP et le PS) sont toutes d'eux très divisées, le président de
l'UDF, qui a toujours été hostile à l'entrée de la Turquie, a
esquissé une solution de compromis : pourquoi Jacques Chirac ne
demanderait-il pas à ses partenaires européens le 17 décembre que les
négociations avec la Turquie débouchent sur deux options, « une
adhésion ou un partenariat privilégié » ?
Sur le fond, l'UMP comme le PS sont d'accord : l'idée d'un
partenariat privilégié serait la meilleure façon de se tirer du
guêpier. Dénonçant une sorte de « fuite en avant » sur la question
turque, Edouard Balladur, le président UMP de la commission des
Affaires étrangères, a plaidé en ce sens, en demandant que les
Français aient effectivement le choix lorsqu'ils auront à se
prononcer, dans quelques années, par référendum. Bernard Accoyer, le
président du groupe UMP à l'Assemblée, a été encore plus explicite :
« Oui à l'ouverture de négociations avec Ankara pour aboutir à un
partenariat privilégié », a-t-il lancé hier. Il faut dire que l'UMP a
été gagnée ces derniers jours par un vent de panique, la position
officielle de l'exécutif - non à l'entrée de la Turquie, mais oui à
l'ouverture de négociations - paraissant illisible à bon nombre
d'élus, de plus en plus intéressés par les positions de François
Bayrou. Dominique Paillé et Nicolas Dupont-Aignan ont rappelé hier
combien la position chiraquienne leur paraissait intenable. Face à
cette fronde, la porte-parole de l'UMP, Valérie Pécresse, a été
jusqu'à proposer hier sur Europe 1 un report des négociations avec
Ankara en 2006. Une façon de déminer le terrain avant le référendum
sur la Constitution européenne prévu l'année prochaine.
Noël Mamère se démarque
A gauche, l'idée d'un partenariat privilégié a le mérite de
rapprocher les points de vue de ceux qui, comme Laurent Fabius,
refusent catégoriquement l'entrée de la Turquie dans l'Union et ceux
qui, comme Jean-Marc Ayrault, estiment que « claquer la porte devant
la Turquie serait interprété comme un manquement de la parole de
notre nation ». Hier, le président du groupe socialiste a convenu que
la meilleure solution serait de laisser ouvertes, pendant les
négociations, les deux options possibles (l'adhésion ou le
partenariat privilégié). Il a également reconnu que, pour l'heure, la
Turquie ne pouvait pas entrer dans l'Union non seulement parce
qu'elle ne satisfaisait pas aux critères d'adhésion, mais parce que
l'Europe avait besoin au préalable de digérer ses élargissements
successifs : « L'urgence est de retrouver la confiance des peuples »,
a-t-il lancé.
Plus radical, Laurent Fabius a énuméré dans les couloirs toutes les
raisons qui lui font refuser l'entrée de la Turquie dans l'Union : «
Elle ne remplit pas tous les critères démocratiques ; elle n'a pas
reconnu le génocide arménien ; elle traite mal un certain nombre de
minorités et, pour une part, elle n'est pas géographiquement en
Europe. » En outre, « son poids de population représenterait 20 % de
droits de vote de plus que la France ».
Dans ce choeur de sceptiques, seul le Vert Noël Mamère s'est démarqué
: il a vigoureusement défendu l'adhésion de la Turquie, en estimant
que les réticences de la classe politique étaient « l'expression des
peurs de notre pays » et traduisaient « la tendance des politiques à
surfer sur l'opinion ».
Jean-Pierre Raffarin a écouté attentivement tous les débats, mais
sachant que sur ce sujet c'est le président de la République qui
décide souverainement, il a préféré laisser ouvertes toutes les
options : « L'avenir n'est pas écrit » entre une adhésion de la
Turquie, un partenariat renforcé ou le statu quo actuel, a-t-il
indiqué en rappelant qu'il appartiendrait en tout état de cause aux
Français de trancher. Michel Barnier, le ministre des Affaires
étrangères, a lui précisé que le Parlement serait consulté à chaque
étape de la négociation, et notamment après le 17 décembre.Les
déclarations du chef de l'Etat22 novembre 2002. Au sommet de l'Otan à
Prague, Jacques Chirac affirme que « la Turquie a toute sa place dans
l'Europe ».
30 avril 2004. Il nuance : « La Turquie a une vocation européenne »
mais « les conditions de son entrée ne sont pas aujourd'hui
réunies... »
4 octobre. A l'occasion d'une rencontre franco-allemande, il annonce
qu'une disposition sera prochainement introduite dans la Constitution
pour qu'à partir d'une certaine date (non encore précisée) les
Français soient systématiquement consultés par référendum sur les
nouveaux élargissements. La Turquie est évidemment visée.
11 octobre. Jacques Chirac s'emploie une nouvelle fois à rassurer les
Français en assurant que la France pourra opposer un veto à l'entrée
de la Turquie dans l'UE « à tout moment ».
17 décembre. Les chefs d'Etat européens doivent décider de
l'ouverture ou non des négociations d'adhésion avec la Turquie.