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Si le Conseil europeen revient sur sa parole, ce sera tres grave

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    Le Monde
    19 octobre 2004

    Si le Conseil européen revient sur sa parole, ce sera très grave »


    Kemal Dervis, ancien ministre, député d'Istanbul, au « Grand jury
    RTL-«Le Monde»-LCI »

    Propos recueillis par Gérard Courtois, Ruth Elkrief et Pierre-Luc
    Séguillon


    Les inquiétudes provoquées en France par la perspective des
    négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne vous
    font-elles craindre que Jacques Chirac revienne sur ses engagements ?

    C'est normal qu'il y ait débat. Et je pense que le président Jacques
    Chirac, jusqu'à aujourd'hui, s'en est tenu à sa parole. Mais il faut
    que les gens tiennent parole ; c'est la base de toute confiance.

    N'êtes-vous pas déçu par les critiques exprimées en France à l'égard
    de la Turquie ?

    Les citoyens veulent comprendre ce qui se passe et ils ont raison. Il
    faut leur donner des éléments et un peu de temps.

    Beaucoup de responsables français suggèrent qu'un partenariat
    privilégié serait préférable à une adhésion en bonne et due forme.
    Qu'en pensez-vous ?

    Le statut privilégié proposé par certains n'est pas un objectif de
    négociation qu'on puisse accepter. Car personne n'arrive à définir ce
    privilège : si c'est de ne pas voter au Parlement européen et de
    n'avoir pas de voix au Conseil européen, ce n'est pas un privilège,
    c'est une sorte de deuxième classe.

    La Commission européenne elle-même, dans son rapport favorable à
    l'ouverture des négociations, envisage que celles-ci puissent être
    suspendues...

    Ça ne me choque pas. Négocier ne veut pas nécessairement dire
    aboutir. Je n'aimerais pas que cela arrive, mais la Turquie aussi
    pourrait dire « On arrête » ; le droit est des deux côtés.

    Que se passerait-il si le Conseil européen du 17 décembre ne fixait
    pas de date pour l'ouverture des négociations ?

    Si le Conseil européen revient sur sa parole, solennelle et unanime,
    ce sera très grave. Il y a deux ans, il a décidé que les négociations
    commenceraient « sans délai » en cas de feu vert de la Commission. Il
    faut donc qu'elles démarrent le plus tôt possible, dans trois mois,
    dans six mois après la décision du Conseil. Nous nous y attendons. Si
    l'Europe revient là-dessus, il y aura un gros problème et une
    réaction très forte en Turquie, très émotive.

    La Commission estime qu'il faudra confirmer la solidité des réformes
    démocratiques engagées en Turquie. Ce processus de réforme vous
    semble-t-il irréversible ?

    Ce n'est pas seulement le gouvernement, mais la nation turque tout
    entière qui est engagée dans le projet européen et le projet de
    démocratie approfondie. Ces réformes sont absolument sincères. Mais
    c'est vrai que les habitudes ne peuvent changer du jour au lendemain.
    Certaines lois ont été appliquées pendant des décennies. Il faut que
    les juges, la police, tout le monde intériorise cette nouvelle donne.
    Dans les années 1970, il y a eu un gouvernement de colonels en Grèce,
    c'était encore le fascisme en Espagne et au Portugal, la dictature en
    Europe de l'Est. Il y a eu beaucoup de progrès dans toute cette
    périphérie européenne. Le message démocratique de l'Europe est très
    puissant.

    Un des points d'achoppement entre l'Europe et la Turquie est celui de
    la reconnaissance du génocide arménien, en 1915- 1917. Contestez-vous
    qu'il y ait eu génocide ?

    J'aimerais saisir cette occasion pour exprimer une douleur profonde
    pour les massacres d'Arméniens qui ont eu lieu pendant la première
    guerre mondiale. Il faut reconnaître ces souffrances et exprimer un
    très profond regret, sans oublier non plus les massacres de musulmans
    de l'autre côté. Mais il faut dépasser ces mémoires historiques.
    Sinon, on ne rend pas service à la paix. Or l'idée forte de l'Europe
    est justement qu'elle est une puissance de paix.
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