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Visite d'Etat de Romano Prodi en Azerbaidjan, en Georgie et Armenie

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  • Visite d'Etat de Romano Prodi en Azerbaidjan, en Georgie et Armenie

    Le Figaro, France
    Vendredi 24 septembre 2004

    CAUCASE Visite d'Etat de Romano Prodi en Azerbaïdjan, en Géorgie et
    en Arménie

    Caucase : l'Europe tend la main à ses «nouveaux voisins»

    Bakou, Tbilissi, Erevan : de notre envoyée spéciale Alexandrine
    Bouilhet



    Alors que Bruxelles s'agite autour de la candidature de la Turquie,
    Romano Prodi vient d'effectuer une visite d'Etat significative pour
    ceux qui s'interrogent encore sur les futures frontières de l'Union.
    Le président de la Commission européenne s'est rendu ce week-end en
    Azerbaïdjan, en Géorgie et en Arménie, trois pays stratégiques,
    instables et inquiets, à qui il a tendu une main rassurante au nom de
    toute l'Europe. «Vous êtes maintenant nos nouveaux voisins», a répété
    Romano Prodi dans les trois capitales. «Nous vous offrons, non pas
    l'adhésion à l'Union, mais un partenariat renforcé très ambitieux qui
    vous permettra, à terme, de tout partager avec Bruxelles, sauf les
    institutions.»


    Intégrés aux forceps dans la «politique de voisinage» de la
    Commission, en juin, les trois pays du Sud Caucase n'ont pas bien
    réalisé ce qu'impliquait, dans le détail, ce partenariat. Mais en
    voyant Romano Prodi venir à la fin de son mandat, ils ont compris
    l'essentiel : la Turquie sera bel et bien membre, un jour, de l'UE.
    Sinon, pourquoi évoquer avec insistance le nouveau «voisinage» entre
    Bruxelles et Bakou ? Le message est d'autant plus fort qu'il émane du
    président de la Commission, appelée à se prononcer d'ici au 6 octobre
    sur l'opportunité d'entamer les négociations d'adhésion avec Ankara.


    Les plus inquiets de cette perspective sont évidemment les Arméniens.
    «Comment pouvez-vous accepter de faire entrer la Turquie, alors
    qu'elle n'a toujours pas reconnu le génocide arménien ?», ont demandé
    les étudiants de Erevan au professeur Prodi. «Comment pouvez-vous
    tolérer qu'un pays futur membre de l'Union européenne ferme sa
    frontière avec l'Arménie ?» Autant de questions embarrassantes pour
    Romano Prodi, qui a laissé entendre qu'une résolution de ces
    différends était envisageable dans le cadre des négociations avec
    Ankara. «Cette fermeture des frontières entre la Turquie et l'Arménie
    me préoccupe. Je ferai de mon mieux pour y remédier», a-t-il promis,
    dimanche, à Erevan. Le règlement du contentieux turco-arménien
    pourrait figurer dans le rapport sur la Turquie, au chapitre des
    recommandations de la Commission aux Etats membres.


    Plus complexes à résoudre sont les conflits régionaux qui minent les
    rapports entre Bakou, Erevan, Tbilissi et Moscou. Autant de sources
    d'instabilité qui transforment la région en une poudrière, menaçant
    la sécurité de l'approvisionnement en matières premières. La victoire
    des Arméniens contre les Azéris dans la guerre du Nagorno-Karabak, en
    1994, n'a toujours pas été acceptée par Bakou, qui réclame à
    l'Occident une solution pour son million d'habitants déplacés. C'est
    la principale revendication des autorités azéries, qui monnayent
    chèrement l'accès au pétrole et au gaz de la mer Caspienne. «A part
    votre aide pour le règlement du Nagorno-Karabak, nous n'avons pas
    vraiment besoin de votre assistance, vous savez... Nous allons sortir
    d'un milliard et demi de tonnes de pétrole ici !», a lché le
    président Aliev à Romano Prodi. «Avec le pétrole vous pouvez vous
    enrichir, c'est vrai, mais aussi mourir !», lui a rétorqué le
    président de la Commission. Les experts européens redoutent que les
    revenus à venir du pétrole ne soient utilisés par Bakou pour s'armer
    et repartir en guerre contre l'Arménie. Un scénario catastrophique
    pour la région, alors que se termine la construction d'un oléoduc
    reliant Bakou à Ceyhan, au sud de la Turquie, sans passer par la
    Russie.


    En attendant la manne offerte par ce nouvel oléoduc, qui devrait
    fonctionner à partir de 2005, la Russie fournit toujours 55% de
    l'énergie de l'Union européenne. Cette donnée de base interdit à
    Romano Prodi de critiquer trop ouvertement la politique de Vladimir
    Poutine lorsqu'il se rend en Géorgie, où la tension avec Moscou est à
    son paroxysme depuis la tragédie de Beslan. «Nous sommes très
    inquiets de l'évolution actuelle de la Russie», a-t-il simplement
    affirmé, en faisant allusion aux réformes institutionnelles à Moscou.
    «Nous sommes conscients des difficultés, c'est comme de cohabiter
    avec un éléphant, ou plutôt avec un ours...», a-t-il calmement
    répondu à la présidente du Parlement géorgien, qui redoute les
    frappes préventives annoncées par Poutine. Si la Russie met ses
    menaces à exécution, que pourra faire l'Union européenne ? En quoi la
    politique de voisinage protégera-t-elle la Géorgie ? «L'Europe n'a
    pas d'armée», déplore un étudiant de Tbilissi. «Il n'y a que l'Otan
    qui puisse nous aider !», lance-t-il à Prodi. «Je trouve qu'à votre
    ge, vous êtes un peu trop obsédé par les armes», rétorque le
    dirigeant européen en vieux sage. «L'Europe n'a pas d'armée, c'est
    vrai. Cela prendra beaucoup de temps. Vous la verrez peut-être un
    jour, moi pas», concède-t-il. «Mais, en attendant, l'Europe vous
    offre autre chose que vous ne devez pas sous-estimer : «la soft
    security»», explique-t-il aux jeunes Géorgiens. «Si vous êtes
    intégrés à l'Europe par un partenariat fort, plus personne n'osa vous
    menacer.» Leitmotiv de Romano Prodi, de Tbilissi à Bakou, le concept
    de «soft security» n'est pas facile à vendre dans le Caucase, où
    Moscou dispose de bases militaires.


    Les conflits latents entretenus par les Russes en Ossétie du Sud, ou
    en Abkhazie, peuvent exploser à la moindre étincelle. «Nous ne sommes
    ni en paix ni en guerre, mais c'est une région explosive», a expliqué
    le patriarche de Géorgie à Romano Prodi, silencieux. «Ce qui se passe
    dans le Sud Caucase a des répercussions directe au Nord Caucase. Si
    vous nous aidez à mettre fin au conflit en Abkhazie, le problème
    tchétchène sera réglé.»

    En quittant cette région en proie à des haines que l'Europe ne peut
    pas régler sans prendre Moscou de front, Romano Prodi a senti toute
    la distance qui séparait Bruxelles de Tbilissi. Il a aussi compris
    l'urgence qu'il y avait à inclure le Sud Caucase dans la sphère
    d'influence de l'Europe.

    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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