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Armenie. 24 avril 1905, juste commemoration armenienne

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  • Armenie. 24 avril 1905, juste commemoration armenienne

    La Croix , France
    13 avril 2005

    Arménie. 24 avril 1905, juste commémoration arménienne. L'Europe
    communautaire est un ensemble où chacun a le droit de parler
    librement des crimes commis par d'autres et a le devoir de parler de
    ceux qui ont été commis en son nom à lui. Alfred Grosser.

    GROSSER Alfred


    Voici quatre-vingt-dix ans, le 24 avril 1905, le génocide des
    Arméniens de Turquie a commencé. Des massacres, des déportations
    massives aboutissant à la mort par la soif et la faim. Des victimes
    par centaines de milliers. En principe, les évocations officielles
    devraient être nombreuses. L'Assemblée nationale et le Sénat
    n'ont-ils pas voté, le président de la République n'a-t-il pas
    promulgué, l'étonnante loi du 29 janvier 2001 dont voici le texte
    complet: "La France reconnaît publiquement le génocide arménien de
    1915. La présente loi sera exécutée comme loi de l'État." Le
    président du Conseil constitutionnel a-t-il pensé à ces deux phrases
    lorsque, le 3 janvier dernier, il a présenté les voeux du Conseil au
    chef de l'État? Pierre Mazeaud a dit notamment: "La loi ne doit pas
    être un rite incantatoire. Elle est faite pour fixer des obligations
    et ouvrir des droits. En allant au-delà, elle se discrédite."

    Tout au plus - mais ce serait déjà beaucoup - ladite loi devrait
    comporter l'obligation de mémoire, telle que le maire de Paris l'a
    définie lors de la cérémonie organisée à l'hôtel de ville le 24 avril
    2002. Bertrand Delanoë, dans un remarquable discours prononcé devant
    les Parisiens d'origine arménienne et les amis défendant leur cause,
    a parlé de la juste commémoration affectant "la partie arménienne du
    peuple de Paris", se réservant ainsi le droit et le devoir de
    commémorer les crimes commis contre d'autres parties de ce peuple,
    notamment la partie juive.

    J'avoue que c'est au nom de l'indispensable comparaison que je
    faisais, que je fais depuis longtemps partie desdits amis. Le mot
    "incomparable" est aussi absurde que le mot "impensable". La Shoah a
    été plus horrible, plus systématique encore que le génocide arménien.
    Le dire, c'est comparer. Et dire que la peste tue plus que le
    choléra, ce n'est pas interdire d'évoquer l'horreur de ce dernier. De
    la connaître d'abord, puis de la faire connaître. Aussi ai-je préfacé
    deux livres d'ampleur différente. En 1984, l'édition française du
    terrible témoignage du pasteur Lepsius paru sous le titre Archives du
    génocide arménien, et, en 1996, le grand bilan de Vahakn Dadrian,
    Histoire du génocide arménien (Stock).

    L'auteur consacre un long chapitre aux responsabilités allemandes. Ce
    sont ces responsabilités qui commencent aujourd'hui à faire débat en
    Allemagne. Cela à un moment où l'ouverture européenne à la Turquie
    entrave la commémoration. Dans le Land de Brandebourg, seul à avoir
    introduit l'évocation du massacre dans les programmes scolaires, il
    vient d'être décidé de supprimer les passages concernés des livres de
    classe. Un cahier spécial du grand hebdomadaire Die Zeit vient de
    publier, le 23 mars, les photos du maréchal Colmar von der Goltz,
    fort au courant des plans mis à exécution par l'armée turque, et du
    général Fritz Bronsart von Schellendorf, chef d'état-major de cette
    armée, en guerre aux côtés de l'Allemagne. Celui-ci s'est même occupé
    de détails pour que les marches mortelles puissent se dérouler sans
    anicroche.

    En France, il n'existe aucune raison de ne pas commémorer. Au lieu de
    programmer pour la centième fois La vache et le prisonnier ou
    Week-end à Zuydcoote, on devrait projeter, du même Henri
    Verneuil/Achad Malakian son beau film Mayrig où, en 1991, il
    évoquait, sur fond de souffrance passée, l'arrivée de sa famille à
    Marseille, avant d'exprimer l'année suivante, dans 558, rue Paradis,
    un certain regret d'avoir parfois été infidèle à son identité
    arménienne. Une identité qui ne se substitue en aucune façon à la
    française. La loi de 2001 a été acceptée à l'unanimité parce que
    personne ne voulait s'aliéner l'électorat d'origine arménienne. Ce
    n'est pas au nom d'un vote potentiel qu'il convient de commémorer le
    24 avril 1905, mais au nom du respect dû précisément à toute
    composante de l'identité française, à l'arménienne comme à
    l'africaine, à la protestante comme à la juive.

    Aucun Turc d'aujourd'hui ne porte la moindre responsabilité
    personnelle. Mais, lorsqu'il y a quelques années l'ambassadeur de
    France à Ankara m'a demandé si je ne pouvais pas éviter deux "petits
    mots" - Arméniens et Kurdes, j'ai accepté et répondu simplement:
    "L'Europe communautaire est un ensemble où chacun a le droit de
    parler librement des crimes commis par d'autres et a le devoir de
    parler de ceux qui ont été commis en son nom à lui."
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