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  • Le tabou armenien a la vie dure en Turquie

    Libération , France
    15 avril 2005

    Le tabou arménien a la vie dure en Turquie

    DURAN Ragip

    Ankara propose une commission mixte d'historiens turcs et arméniens
    pour enquêter sur le génocide de 1915.

    Istanbul de notre correspondant

    Les plus optimistes y voient un prudent premier pas de la Turquie
    pour régler officiellement ses comptes avec la partie la plus sombre
    de son histoire. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, issu
    du mouvement islamiste, a proposé, dans un message à son homologue
    arménien, Robert Kotcharian, l'instauration d'une commission mixte
    composée d'historiens turcs et arméniens afin d'enquêter sur les
    massacres de centaines de milliers d'Arméniens, en 1915, qu'Ankara se
    refuse toujours à qualifier de génocide.

    L'initiative paraît néanmoins être surtout une manoeuvre pour
    désamorcer les critiques occidentales qui appellent de plus en plus
    fermement Ankara à ce "travail de mémoire" alors que les négociations
    d'adhésion à l'UE devraient commencer en octobre prochain.
    "L'administration turque est coincée car elle veut poursuivre son
    processus d'accès à l'Union européenne alors que les lobbies
    arméno-occidentaux font monter la pression à la veille des
    commémorations du 90e anniversaire de ces événements tragiques",
    estime le professeur d'histoire Halil Berktay, de l'université
    Sabançi, une des rares personnalités turques, avec Taner Akçam,
    spécialiste du problème arménien, qui contestent la thèse officielle.
    Les massacres et les déportations d'Arméniens, entre 1915 et 1917,
    ont fait entre 1,2 et 1,3 million de morts, selon les Arméniens, et
    300 000 selon les Turcs.

    "Nouvelle stratégie". Occultée pendant quatre-vingt-dix ans par
    l'histoire officielle, la mémoire arménienne a ressurgi en Turquie au
    travers de livres et d'expositions. Mais si la société civile bouge
    sur cette question, les autorités restent beaucoup plus timorées. Le
    vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Abdullah
    Gül, avait pourtant annoncé mercredi une campagne tous azimuts et
    "une nouvelle stratégie", redoutant que le Congrès américain adopte
    une résolution qualifiant ces événements de génocide. Les députés de
    la Grande Assemblée nationale, réunis en session extraordinaire, se
    sont mis d'accord sur un texte commun. "La raison et la logique
    imposent que la Turquie et l'Arménie ne craignent pas de briser les
    tabous dans une initiative commune [...]. C'est le moyen d'éviter que
    notre passé n'assombrisse notre présent et notre avenir", affirme ce
    document, qui, pour l'essentiel, réaffirme les thèses classiques
    d'Ankara : il n'y a pas eu de génocide, une commission mixte
    d'historiens de Turquie et d'Arménie doit étudier leurs archives
    respectives et celles d'autres pays, et Ankara condamne fermement les
    parlements des pays qui reconnaissent le génocide de 1915.

    "Au-delà de l'effet d'annonce, il n'y a aucune nouveauté dans la
    position turque", observe un journaliste de l'hebdomadaire arménien
    d'Istanbul Agos, précisant qu'"il ne s'agit pas d'un débat mais d'une
    déclaration unilatérale qui avoue l'entêtement et les embarras
    d'Ankara". En effet, Abdullah Gül, qui a facilement adopté le ton
    officiel devant le parlement, a réfuté en bloc l'existence d'un
    génocide, estimant que "la Turquie était fière de son histoire". Le
    numéro 2 du gouvernement turc a aussi précisé que "l'ouverture de la
    frontière et de l'espace aérien ainsi que le développement des
    relations commerciales turco-arméniennes dépendaient de l'abandon,
    par Erevan, de ses thèses falsifiant l'histoire".

    Encore plus catégoriques ont été hier les propos du président du
    Centre d'études stratégiques et historiques de l'armée turque, le
    général Erdogan Karakus, rappelant que l'ensemble des archives de
    l'état-major, couvrant la période de 1914-1918, est ouvert depuis
    1984 : "La totalité des documents et des correspondances des
    autorités civiles et militaires de cette époque seront publiés en
    quatre volumes. Quand vous les lirez, vous allez bien comprendre qui
    a fait le génocide contre qui." Le nationalisme monte en flèche
    depuis quelques mois, notamment contre l'Union européenne, accusée de
    "soutenir les terroristes kurdes et d'encourager les partisans du
    génocide arménien". Une atmosphère qui rend difficile un débat vieux
    de quatre-vingt-dix ans.

    Condition préalable. La reconnaissance du génocide arménien de 1915
    par une dizaine de pays, dont la France, avait provoqué un choc. La
    République turque, créée sept ans après la tragédie, n'a toujours pas
    réussi à se situer par rapport à ce lourd héritage. Toutefois, les
    Arméniens de Turquie restent pour la plupart hostiles aux
    revendications de la diaspora, exigeant la reconnaissance du génocide
    comme condition préalable à une adhésion turque à l'UE. Etyen
    Mahçupyan, journaliste arménien d'Istanbul, avec Hirant Dink,
    directeur d'Agos, et l'historien Taner Akçam font actuellement la
    tournée des capitales européennes pour expliquer ce point de vue :
    "La population turque n'a pas encore pris pleinement conscience du
    problème et, dans un tel contexte, imposer une solution ne peut que
    susciter des réactions hostiles."

    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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