Génocide arménien. Editorial
Non négociable
Par Gérard DUPUY
lundi 25 avril 2005 (Liberation - 06:00)
La terre ne leur sera jamais légère. Le souvenir des victimes
arméniennes, massacrées il y a quatre-vingt-dix ans par familles et
par villages entiers, hantera encore longtemps la mémoire des
vivants. L'histoire avait connu bien des massacres auparavant, mais
jamais de cette ampleur et avec ce caractère délibéré, méthodique, qui
justifie l'emploi du mot de génocide. Le rappel de cet épisode noir
interfère certes avec la question européenne parce que cet
anniversaire coïncide avec la campagne référendaire, mais aussi
parceque la construction européenne est née d'une utopie d'une saine
simplicité :plus jamais ça ! Avant d'accuser la dénégation entêtée
des Turcs, il faut balayer devant sa porte. C'est ce qu'a fait, la
semaine dernière, le rapporteur d'un texte invitant le Bundestag à
stigmatiser ce génocide, après d'autres Parlements européens.
Il a suggéré que l'Allemagne, en tant qu'alliée des Turcs à l'époque,
reconnaisse une part de responsabilité, au moins indirecte, dans
celui-ci. Les alliées franco-britanniques devraient également admettre
quelque implication - non seulement à cause de la désastreuse équipée
de Gallipoli, dont on aaussi célébré ce week-end l'anniversaire, mais
pour la manière dont ils se sont longuement appliqués à dépecer
l'«homme malade» ottoman. De Mossoul à Pristina, de Chypre au Liban ou
en Palestine, les conséquences en courent encore.
L'UE couronne les efforts d'une entreprise commencée avec la fin de la
guerre civile européenne, ce qui est devenu encore plus vrai depuis
son élargissement. En y faisant acte de candidature, les Turcs doivent
admettre que certaines choses ne sont pas négociables, et notamment
cette déclaration de paix, prospective et rétrospective. L'Europe
s'est construite sur, et en partiecontre, elle-même. Demander aux
Turcs de faire à propos des Arméniens le même effort sur eux-mêmes,
c'est les soumettre au sort commun, comme ils le demandent.
Non négociable
Par Gérard DUPUY
lundi 25 avril 2005 (Liberation - 06:00)
La terre ne leur sera jamais légère. Le souvenir des victimes
arméniennes, massacrées il y a quatre-vingt-dix ans par familles et
par villages entiers, hantera encore longtemps la mémoire des
vivants. L'histoire avait connu bien des massacres auparavant, mais
jamais de cette ampleur et avec ce caractère délibéré, méthodique, qui
justifie l'emploi du mot de génocide. Le rappel de cet épisode noir
interfère certes avec la question européenne parce que cet
anniversaire coïncide avec la campagne référendaire, mais aussi
parceque la construction européenne est née d'une utopie d'une saine
simplicité :plus jamais ça ! Avant d'accuser la dénégation entêtée
des Turcs, il faut balayer devant sa porte. C'est ce qu'a fait, la
semaine dernière, le rapporteur d'un texte invitant le Bundestag à
stigmatiser ce génocide, après d'autres Parlements européens.
Il a suggéré que l'Allemagne, en tant qu'alliée des Turcs à l'époque,
reconnaisse une part de responsabilité, au moins indirecte, dans
celui-ci. Les alliées franco-britanniques devraient également admettre
quelque implication - non seulement à cause de la désastreuse équipée
de Gallipoli, dont on aaussi célébré ce week-end l'anniversaire, mais
pour la manière dont ils se sont longuement appliqués à dépecer
l'«homme malade» ottoman. De Mossoul à Pristina, de Chypre au Liban ou
en Palestine, les conséquences en courent encore.
L'UE couronne les efforts d'une entreprise commencée avec la fin de la
guerre civile européenne, ce qui est devenu encore plus vrai depuis
son élargissement. En y faisant acte de candidature, les Turcs doivent
admettre que certaines choses ne sont pas négociables, et notamment
cette déclaration de paix, prospective et rétrospective. L'Europe
s'est construite sur, et en partiecontre, elle-même. Demander aux
Turcs de faire à propos des Arméniens le même effort sur eux-mêmes,
c'est les soumettre au sort commun, comme ils le demandent.