Announcement

Collapse
No announcement yet.

Armenians of Turkey (part 3/7A) - Kars to open borders with Caucasus

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • Armenians of Turkey (part 3/7A) - Kars to open borders with Caucasus

    La Croix , France
    24 août 2005

    Un été dans La Croix.
    Les arméniens de turquie (3/7).

    Dossier. Kars veut rouvrir sa frontière sur le Caucase. À moins de
    cinquante kilomètres de la République d'Arménie, la ville de Kars est
    dans un cul-de-sac depuis que la Turquie a fermé la frontière. Son
    maire tente par tous les moyens de faire bouger les choses. KARS,
    reportage de notre envoyé spécial.

    par PLOQUIN Jean-Christophe

    Pour quelques mois, John Hurd a posé son sac à Kars, ville de 120 000
    habitants à l'extrémité nord-est de la Turquie. Après une mission en
    Afghanistan et avant une autre en Chine, cet archéologue baroudeur,
    sujet de sa Très Gracieuse Majesté, veille sur un projet de
    développement touristique et urbain soutenu par une fondation
    californienne, le Global Heritage Fund. Le site s'étendra au bord de
    la rivière que surplombe la puissante citadelle qui symbolise la
    ville et son caractère stratégique de porte du Caucase. Du Xe au XXe
    siècle, du royaume arménien des Bagratides à l'empire russe de
    Nicolas II, l'éperon rocheux s'avançant dans une boucle de la rivière
    a été sans cesse renforcé. Ses fortifications massives, au matériau
    sombre, jette une ombre guerrière sur le vieux quartier ottoman.

    Nayif Alibeyoglu, le maire de Kars, soutient fermement le projet. Cet
    homme dynamique, qui amorce son deuxième mandat, mise sur le tourisme
    pour sortir sa ville du cul-de-sac où la diplomatie l'a enfermée.
    Ouvertement, dans les médias turcs, il appelle à l'ouverture de la
    frontière avec l'Arménie, distante d'à peine 40 kilomètres à vol
    d'oiseau. Erevan, la capitale arménienne, n'est qu'à 200 kilomètres
    par la route, Gumri, l'ancienne Leninakan, à 100 kilomètres. Mais la
    Turquie a décrété un blocus de l'Arménie depuis que celle-ci a occupé
    des territoires de l'Azerbaïdjan, république turcophone du Caucase,
    lors de la guerre du Haut-Karabakh. "Depuis dix ans, la Turquie suit
    une mauvaise politique", peste le maire.

    L'ambition est de transformer l'ancien centre historique de Kars,
    excentré depuis la construction d'une ville nouvelle par les Russes à
    la fin du XIXe siècle, en un site de villégiature mêlant populations
    locales et visiteurs adeptes du tourisme culturel. De grandes maisons
    ottomanes à un étage seront réaménagées. Un hammam de 1595 sera
    rénové. Le pont construit en 1650 sera dégagé. Les masures bties ces
    vingt dernières années seront rasées et leurs populations relogées.

    Le projet de rénovation englobera aussi l'église des Saints-Apôtres.
    L'édifice, de petite taille, a été érigé entre 930 et 937.
    Caractéristique de l'architecture arménienne médiévale, elle est
    surmontée d'une coupole reposant sur un tambour orné de 12 reliefs
    évoquant les Apôtres, un chef-d'oeuvre où se sent l'influence
    persane. L'église a été transformée en mosquée, mais l'imam du lieu
    n'hésite pas à l'ouvrir aux visiteurs.

    "Nous voulons faire de Kars une plaque tournante du tourisme pour la
    Turquie de l'Est", explique John Hurd. Si la dynamique est
    enclenchée, de nombreux sites archéologiques des environs regagneront
    alors de l'intérêt et pourront être sauvés des assauts du temps et de
    la négligence des hommes. Parmi eux figurent des vestiges arméniens
    de première importance, notamment le site d'Ani, une ancienne
    capitale arménienne.

    Avec un peu de chance, si la paix s'instaure d'ici là, la
    restauration pourra même se faire avec l'aide d'experts venus de
    République d'Arménie. "J'aime cette idée des dividendes de la paix",
    sourit John Hurd.

    Pour accélérer le rapprochement, Nayif Alibeyoglu a, lui, pris le
    chemin... de la Scandinavie. En février, il s'est rendu à Kirkenes,
    sur la mer de Barents, où une coopération a été mise en place depuis
    1993 par la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie, entre des
    régions tournant jusqu'alors chacune le dos à leurs frontières.
    Aujourd'hui, les échanges culturels et les mariages mixtes sont
    nombreux. Et les Norvégiens sont prêts à apporter leur expérience de
    désenclavement régional dans le Caucase.

    En juin dernier, un vice-ministre des affaires étrangères, Kim
    Traavik, s'est rendu à Ankara, à Kars puis à Tbilissi, en Géorgie,
    pour apprécier la bonne volonté des différents acteurs. La
    coopération commencerait d'abord entre quatre provinces frontalières
    de Géorgie et de Turquie, dont Kars, distante de 150 kilomètres de la
    frontière. Il faudrait améliorer les formalités pour l'octroi de
    visas, raccourcir les procédures de passage aux postes frontières,
    refaire les routes, amorcer des partenariats en matière de tourisme
    et d'agriculture... Si une dynamique se dessine, l'initiative
    pourrait être progressivement étendue à l'Azerbaïdjan et à l'Arménie.
    Voire à la Russie et à l'Iran, rêve tout haut le maire, qui voit déjà
    Kars en capitale du Caucase.

    Nayif Alibeyoglu imagine des événements sportifs transfrontaliers,
    des échanges de jeunes, un partage d'expériences entre organisations
    de femmes... Il suggère la création d'une zone franche commune avec
    l'Arménie. Il a déjà lancé, l'an dernier, un festival culturel où se
    sont produites des troupes de Géorgie, d'Azerbaïdjan et d'Arménie. La
    deuxième édition de ce "Festival du Caucase" est prévue le mois
    prochain. Ces événements visent à créer une opinion favorable. "Il y
    a encore beaucoup de nationalistes en ville, prévient un
    fonctionnaire municipal. Des racistes qui sont hostiles à tout
    rapprochement avec l'Arménie."

    Sous l'impulsion du maire, Kars se promeut aujourd'hui comme une
    ville mosaïque et met fortement en avant l'identité particulière que
    lui ont donnée les urbanistes russes à la fin du XIXe siècle. Des
    rues coupées au cordeau, des fontaines aux élégantes caryatides, de
    larges trottoirs plantés d'arbres, des édifices publics aux façades
    ouvragées à chaque grand carrefour...

    Le regard positif jeté sur cette période vaut en quelque sorte
    réhabilitation des Arméniens, tant ceux-ci se mêlaient aux Russes à
    l'époque. Kars, qui a vécu sous la férule de Moscou de 1878 à 1921,
    n'a pas vécu de pogroms. Elle a, au contraire, servi de base arrière
    aux milices arméniennes qui appuyaient parfois les troupes russes
    face à l'armée ottomane et qui perpétrèrent des exactions contre des
    populations civiles turques et kurdes. Avec le retrait russe, des
    milliers d'Arméniens prirent à leur tour le chemin de l'exil.

    Aujourd'hui, à Kars, les Arméniens ne sont plus qu'un souvenir. Rifat
    Hancioglu, 77 ans, toujours tiré à quatre épingles dans son magasin
    de tissus, se souvient de quelques camarades de classe partis depuis
    aux États-Unis. Ali Ercan, qui tient un restaurant sur l'une des rues
    passantes de Kars, est, lui, l'un des rares a s'être rendus en
    Arménie. C'était en 1979, au temps de l'Union soviétique. Il
    s'agissait de transporter de la viande et du poisson de rivière. Le
    voyage avait duré deux jours et, la nuit, il avait dû revenir dormir
    à la frontière.

    Nayif Alibeyoglu est d'autant plus convaincu de l'absurdité de la
    situation que les relations commerciales se développent à grande
    vitesse entre la Turquie et l'Arménie, mais en passant par des canaux
    détournés, via la Géorgie, l'Iran ou Istamboul. Kars, elle, reste
    prisonnière de la raison d'État.

    JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN

    DEMAIN

    Un dimanche à Vakiflar, au pied du Musa Dagh.

    Le conflit du Haut-Karabakh

    Sur les ruines de l'Empire ottoman et des anciennes conquêtes russes,
    la République d'Arménie est proclamée en 1918, et reconnue par le
    traité de Sèvres en 1920. Mais les troupes turques d'une part, et
    l'Armée rouge d'autre part, occupent le pays. En 1922, la République
    d'Arménie est intégrée à l'URSS. L'année suivante, Staline rattache à
    l'Azerbaïdjan la région à majorité arménienne du Haut-Karabakh. En
    1988, les Arméniens se soulèvent et réclament le rattachement de
    cette enclave à l'Arménie. En 1991, celle-ci obtient son
    indépendance. De 1988 à 1994, une guerre oppose l'Azerbaïdjan aux
    Arméniens du Haut-Karabakh, soutenus par l'Arménie. En 1994, les
    Arméniens contrôlent l'enclave et s'emparent de sept régions
    d'Azerbaïdjan. Un cessez-le-feu est alors signé, qui prévaut
    toujours. Le conflit a fait plus de 26 000 morts et un million de
    personnes déplacées, dont 750 000 Azerbaïdjanais.

    La Turquie n'a jamais été impliquée militairement dans le conflit du
    Haut-Karabakh, mais elle a décrété un blocus de l'Arménie. On évalue
    néanmoins aujourd'hui le montant du commerce entre l'Arménie et la
    Turquie à 100 millions d'euros par an. Trois vols hebdomadaires
    relient Erevan à Istamboul et plus de 30 000 ressortissants de la
    République d'Arménie vivent dans une semi-clandestinité sur les bords
    du Bosphore.
Working...
X