Le Figaro, France
04 février 2005
Dialogue sans concessions entre Debré et Erdogan;
TURQUIE Le président de l'Assemblée a rencontré le premier ministre
turc à Ankara
Sophie HUET
« Soyons comme deux amis, des gens qui se disent la vérité. » Cette
phrase de Jean-Louis Debré résume le climat sans concession, ni du
côté français, ni du côté turc, qui a régné tout au long de la
première journée de rencontres à huis clos de la délégation conduite
par le président de l'Assemblée nationale à Ankara. Accompagné par
les quatre présidents de groupes de l'Assemblée nationale, Bernard
Accoyer (UMP), Hervé Morin (UDF), Jean-Marc Ayrault (PS) et Alain
Bocquet (PCF), Jean-Louis Debré a rencontré à sa descente d'avion le
premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, puis le président de
l'Assemblée nationale de Turquie, Bulent Aric. Avec les deux hommes,
Jean-Louis Debré a d'emblée abordé les questions les plus sensibles :
Chypre, la reconnaissance du génocide arménien, les réformes
législatives à effectuer en Turquie (concernant le code pénal, le
code de procédure pénale, les droits de l'homme...) tout au long du
processus d'adhésion, qui aboutira, ou non, à l'entrée de ce pays
dans l'Union européenne. Au premier ministre, Jean-Louis Debré a
expliqué que l'attitude de la Turquie à l'égard du génocide arménien
« était un vrai problème en France ». Ce à quoi Erdogan a répondu
très directement : « Je suis déçu de la France... Je ne savais pas
que 400 000 Arméniens pourraient faire échouer le référendum » sur la
Turquie, prévu dans dix à quinze ans.
Lors d'une conférence de presse commune, les présidents des deux
Assemblées nationales n'ont quasiment pas échangé un regard. Bulent
Aric a déclaré qu'il ne demandait « aucun traitement spécial » pour
son pays, qu'il jugeait « tout à fait normal » que des opinions
contre l'entrée de la Turquie s'expriment en France. Mais il a
aussitôt adressé un « message au peuple français » pour lui dire que
« la Turquie de l'opinion publique française est très différente de
la Turquie réelle », déplorant « les malentendus, les images et les
symboles qui ne sont absolument pas représentatifs de la véritable
Turquie ». Les affiches de Philippe de Villiers prônant le non à la
Turquie ont d'ailleurs été publiées, avec des commentaires acides,
dans les journaux du pays.
Bulent Aric n'a pas non plus caché que « nos relations avec l'Union
européenne ne sont pas sentimentales ». Et il a ajouté : « Nous ne
sommes pas deux jeunes qui se sont rencontrés à la discothèque et se
sont aimés. Nous nous basons sur un accord de plus de quarante ans. »
Allusion à la célèbre formule du général de Gaulle, en 1963 : « La
Turquie a vocation à être européenne. »
Devant un parterre fourni de journalistes turcs et de caméras,
Jean-Louis Debré n'a pas trop usé de la langue de bois diplomatique.
« Nous avons à vous écouter et vous avez à nous entendre. (...)
Est-ce que la société turque est capable, dans un laps de temps
précis, d'accepter des réformes qui vont la changer ? », s'est
interrogé le président de l'Assemblée. Lequel a expliqué à ses hôtes
qu'ils avaient « une référence idéologique commune, la révolution
française, qui a aussi influencé l'oeuvre de Kemal Atatürk ». C'est
donc avec « un esprit critique » mais « sans préjugé ni opposition de
principe » que Jean-Louis Debré, visiblement sur le qui-vive, aborde
ce voyage.
Mais les questions des journalistes turcs ont révélé un vrai fossé
entre les deux pays. Ceux-ci ne comprennent pas qu'un référendum soit
nécessaire pour l'entrée de la Turquie dans l'UE, mais pas pour la
Roumanie, la Croatie ou la Bulgarie. « Comme pour l'adhésion de la
Grande-Bretagne, il est légitime que le peuple de France se prononce
» a répondu Debré. Un confrère d'Ankara a jugé « très blessante pour
les Turcs » la reconnaissance du génocide arménien par la France. «
C'est une loi (du 18 janvier 2000) je l'applique », a rétorqué le
député de l'Eure.
La délégation française a été un peu surprise par ces rencontres «
sans sujet tabou », selon Alain Bocquet (PC). « Les Turcs sont
demandeurs de l'adhésion à l'Europe, c'est très clair », commentait
Jean-Marc Ayrault (PS). « Leur désir d'Europe est très fort. C'est un
consensus politique dans le pays », ajoutait Bernard Accoyer. « Ils
veulent l'adhésion pure et simple, et considèrent qu'ils ont déjà un
partenariat privilégié avec l'Europe », a aussi affirmé Hervé Morin
(UDF), pour lequel « il y a vraiment un besoin de dialogue, car ils
nous parlent sans cesse de nos préjugés, de nos arrière-pensées ».
From: Baghdasarian
04 février 2005
Dialogue sans concessions entre Debré et Erdogan;
TURQUIE Le président de l'Assemblée a rencontré le premier ministre
turc à Ankara
Sophie HUET
« Soyons comme deux amis, des gens qui se disent la vérité. » Cette
phrase de Jean-Louis Debré résume le climat sans concession, ni du
côté français, ni du côté turc, qui a régné tout au long de la
première journée de rencontres à huis clos de la délégation conduite
par le président de l'Assemblée nationale à Ankara. Accompagné par
les quatre présidents de groupes de l'Assemblée nationale, Bernard
Accoyer (UMP), Hervé Morin (UDF), Jean-Marc Ayrault (PS) et Alain
Bocquet (PCF), Jean-Louis Debré a rencontré à sa descente d'avion le
premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, puis le président de
l'Assemblée nationale de Turquie, Bulent Aric. Avec les deux hommes,
Jean-Louis Debré a d'emblée abordé les questions les plus sensibles :
Chypre, la reconnaissance du génocide arménien, les réformes
législatives à effectuer en Turquie (concernant le code pénal, le
code de procédure pénale, les droits de l'homme...) tout au long du
processus d'adhésion, qui aboutira, ou non, à l'entrée de ce pays
dans l'Union européenne. Au premier ministre, Jean-Louis Debré a
expliqué que l'attitude de la Turquie à l'égard du génocide arménien
« était un vrai problème en France ». Ce à quoi Erdogan a répondu
très directement : « Je suis déçu de la France... Je ne savais pas
que 400 000 Arméniens pourraient faire échouer le référendum » sur la
Turquie, prévu dans dix à quinze ans.
Lors d'une conférence de presse commune, les présidents des deux
Assemblées nationales n'ont quasiment pas échangé un regard. Bulent
Aric a déclaré qu'il ne demandait « aucun traitement spécial » pour
son pays, qu'il jugeait « tout à fait normal » que des opinions
contre l'entrée de la Turquie s'expriment en France. Mais il a
aussitôt adressé un « message au peuple français » pour lui dire que
« la Turquie de l'opinion publique française est très différente de
la Turquie réelle », déplorant « les malentendus, les images et les
symboles qui ne sont absolument pas représentatifs de la véritable
Turquie ». Les affiches de Philippe de Villiers prônant le non à la
Turquie ont d'ailleurs été publiées, avec des commentaires acides,
dans les journaux du pays.
Bulent Aric n'a pas non plus caché que « nos relations avec l'Union
européenne ne sont pas sentimentales ». Et il a ajouté : « Nous ne
sommes pas deux jeunes qui se sont rencontrés à la discothèque et se
sont aimés. Nous nous basons sur un accord de plus de quarante ans. »
Allusion à la célèbre formule du général de Gaulle, en 1963 : « La
Turquie a vocation à être européenne. »
Devant un parterre fourni de journalistes turcs et de caméras,
Jean-Louis Debré n'a pas trop usé de la langue de bois diplomatique.
« Nous avons à vous écouter et vous avez à nous entendre. (...)
Est-ce que la société turque est capable, dans un laps de temps
précis, d'accepter des réformes qui vont la changer ? », s'est
interrogé le président de l'Assemblée. Lequel a expliqué à ses hôtes
qu'ils avaient « une référence idéologique commune, la révolution
française, qui a aussi influencé l'oeuvre de Kemal Atatürk ». C'est
donc avec « un esprit critique » mais « sans préjugé ni opposition de
principe » que Jean-Louis Debré, visiblement sur le qui-vive, aborde
ce voyage.
Mais les questions des journalistes turcs ont révélé un vrai fossé
entre les deux pays. Ceux-ci ne comprennent pas qu'un référendum soit
nécessaire pour l'entrée de la Turquie dans l'UE, mais pas pour la
Roumanie, la Croatie ou la Bulgarie. « Comme pour l'adhésion de la
Grande-Bretagne, il est légitime que le peuple de France se prononce
» a répondu Debré. Un confrère d'Ankara a jugé « très blessante pour
les Turcs » la reconnaissance du génocide arménien par la France. «
C'est une loi (du 18 janvier 2000) je l'applique », a rétorqué le
député de l'Eure.
La délégation française a été un peu surprise par ces rencontres «
sans sujet tabou », selon Alain Bocquet (PC). « Les Turcs sont
demandeurs de l'adhésion à l'Europe, c'est très clair », commentait
Jean-Marc Ayrault (PS). « Leur désir d'Europe est très fort. C'est un
consensus politique dans le pays », ajoutait Bernard Accoyer. « Ils
veulent l'adhésion pure et simple, et considèrent qu'ils ont déjà un
partenariat privilégié avec l'Europe », a aussi affirmé Hervé Morin
(UDF), pour lequel « il y a vraiment un besoin de dialogue, car ils
nous parlent sans cesse de nos préjugés, de nos arrière-pensées ».
From: Baghdasarian