Le Monde, France
07 février 2005
A Ankara, Jean-Louis Debré et le premier ministre turc ont ouvert un dialogue sans concession ;
Le président de l'Assemblée nationale effectue, depuis le 3 février,
une visite de trois jours en Turquie. Il est accompagné des quatre
présidents de groupe parlementaire
Patrick Roger
ANKARA de notre envoyé spécial
En l'espace de quelques jours, deux Français ont eu, cette semaine,
les honneurs de la presse turque. Celle-ci a d'abord consacré ses
titres au transfert de Nicolas Anelka, qui vient de signer pour trois
ans au club de football de Fenerbahce. Elle a ensuite commenté
l'arrivée, jeudi 3 février, du président de l'Assemblée nationale,
Jean-Louis Debré, accompagné des présidents des quatre groupes
représentés au Palais-Bourbon, Bernard Accoyer (UMP), Hervé Morin
(UDF), Jean-Marc Ayrault (PS) et Alain Bocquet (PCF).
Cette visite intervient alors qu'aucun président de la République
française n'est venu en Turquie, depuis la visite de François
Mitterrand, en 1992. Le dernier déplacement effectué par un membre du
gouvernement remonte à 2003.
Au cours de leur séjour de trois jours à Ankara puis à Istanbul, les
parlementaires français ont rencontré les principales autorités
turques, mais aussi des représentants des milieux économiques,
d'organisations non gouvernementales ainsi que le patriarche arménien
Mesrob II. « Il faut se dire la vérité. Nous avons à vous écouter,
vous avez à nous entendre », a insisté M. Debré, pour qui « toutes
les questions sont légitimes ». Et toutes - Chypre, droits de
l'homme, réformes démocratiques, Arménie - auront été abordées, sans
ménagement.
Au premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan - qui était venu
plaider à Paris, en juillet 2004, la cause de son pays en vue de
l'ouverture d'un processus d'adhésion à l'Union européenne -, M.
Debré a expliqué que l'attitude de la Turquie à l'égard du génocide
arménien constituait un « vrai problème en France ». « Je suis déçu
de la France... Je ne savais pas que 400 000 Arméniens pouvaient
faire échouer un référendum », lui a répondu M. Erdogan.
Malgré la vivacité de cet échange, M. Debré a estimé avoir «
peut-être fait oeuvre utile sur la question arménienne ». En effet,
les autorités turques se sont dites prêtes à « étudier » la
proposition d'une commission internationale d'historiens qui ait
accès à l'ensemble des archives.
La délégation française a pu mesurer combien la décision prise par
Jacques Chirac d'ajouter une clause soumettant à référendum toute
adhésion d'un nouveau pays à l'Union avait pu être ressentie comme «
blessante ». « Pourquoi cette double norme ? », a demandé un
journaliste d'Ankara, lors de la conférence de presse qui a suivi la
rencontre avec le président de la Grande Assemblée nationale turque,
Bülent Arinç. « La France a procédé ainsi à chaque fois qu'il s'est
agi de transformer la nature de l'Union européenne ou d'en changer
ses frontières », a répondu M. Debré.
POSSIBLE ÉVOLUTION DE L'UMP
Pour ses quatre collègues parlementaires, une conviction se dégage :
quelle que soit l'issue des négociations avec l'Union européenne qui
s'ouvriront le 3 octobre, le processus ne peut avoir que des
conséquences positives. « Il contribuera à mettre du carburant dans
le moteur de la démocratie turque », estime le président du groupe
PS, Jean-Marc Ayrault. Alain Bocquet (PCF) pense qu'il faut
encourager cette « envie d'Europe ». « Sinon, ajoute-t-il, il ne faut
pas sous-estimer les risques de dérive militariste, de dérive
islamiste ou de dérive atlantiste. » Son collègue de l'UMP, Bernard
Accoyer, va même jusqu'à évoquer une possible « évolution » de son
parti, qui a retenu, le 9 mai 2004, la formule d'un « partenariat
privilégié » avec la Turquie. « S'il s'avérait que ce pays, qui a
beaucoup bougé et qui a déjà réalisé des réformes de grande ampleur,
répondait aux critères de l'adhésion, pourquoi pas ? », précise M.
Accoyer. Seul Hervé Morin (UDF) reste convaincu que l'avenir de la
Turquie ne se confond pas avec l' « identité européenne ».
Quant à M. Debré, il ne manque pas d'adresser, d'Istanbul, un message
en direction de « ces hommes politiques qui s'amusent à faire peur
aux Français », désignant nommément Nicolas Sarkozy et François
Bayrou, hostiles à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. «
Ce sont des aventuriers », lâche-t-il.
--Boundary_(ID_zjI2s/lbJx4MqF8A2OgyBQ)--
07 février 2005
A Ankara, Jean-Louis Debré et le premier ministre turc ont ouvert un dialogue sans concession ;
Le président de l'Assemblée nationale effectue, depuis le 3 février,
une visite de trois jours en Turquie. Il est accompagné des quatre
présidents de groupe parlementaire
Patrick Roger
ANKARA de notre envoyé spécial
En l'espace de quelques jours, deux Français ont eu, cette semaine,
les honneurs de la presse turque. Celle-ci a d'abord consacré ses
titres au transfert de Nicolas Anelka, qui vient de signer pour trois
ans au club de football de Fenerbahce. Elle a ensuite commenté
l'arrivée, jeudi 3 février, du président de l'Assemblée nationale,
Jean-Louis Debré, accompagné des présidents des quatre groupes
représentés au Palais-Bourbon, Bernard Accoyer (UMP), Hervé Morin
(UDF), Jean-Marc Ayrault (PS) et Alain Bocquet (PCF).
Cette visite intervient alors qu'aucun président de la République
française n'est venu en Turquie, depuis la visite de François
Mitterrand, en 1992. Le dernier déplacement effectué par un membre du
gouvernement remonte à 2003.
Au cours de leur séjour de trois jours à Ankara puis à Istanbul, les
parlementaires français ont rencontré les principales autorités
turques, mais aussi des représentants des milieux économiques,
d'organisations non gouvernementales ainsi que le patriarche arménien
Mesrob II. « Il faut se dire la vérité. Nous avons à vous écouter,
vous avez à nous entendre », a insisté M. Debré, pour qui « toutes
les questions sont légitimes ». Et toutes - Chypre, droits de
l'homme, réformes démocratiques, Arménie - auront été abordées, sans
ménagement.
Au premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan - qui était venu
plaider à Paris, en juillet 2004, la cause de son pays en vue de
l'ouverture d'un processus d'adhésion à l'Union européenne -, M.
Debré a expliqué que l'attitude de la Turquie à l'égard du génocide
arménien constituait un « vrai problème en France ». « Je suis déçu
de la France... Je ne savais pas que 400 000 Arméniens pouvaient
faire échouer un référendum », lui a répondu M. Erdogan.
Malgré la vivacité de cet échange, M. Debré a estimé avoir «
peut-être fait oeuvre utile sur la question arménienne ». En effet,
les autorités turques se sont dites prêtes à « étudier » la
proposition d'une commission internationale d'historiens qui ait
accès à l'ensemble des archives.
La délégation française a pu mesurer combien la décision prise par
Jacques Chirac d'ajouter une clause soumettant à référendum toute
adhésion d'un nouveau pays à l'Union avait pu être ressentie comme «
blessante ». « Pourquoi cette double norme ? », a demandé un
journaliste d'Ankara, lors de la conférence de presse qui a suivi la
rencontre avec le président de la Grande Assemblée nationale turque,
Bülent Arinç. « La France a procédé ainsi à chaque fois qu'il s'est
agi de transformer la nature de l'Union européenne ou d'en changer
ses frontières », a répondu M. Debré.
POSSIBLE ÉVOLUTION DE L'UMP
Pour ses quatre collègues parlementaires, une conviction se dégage :
quelle que soit l'issue des négociations avec l'Union européenne qui
s'ouvriront le 3 octobre, le processus ne peut avoir que des
conséquences positives. « Il contribuera à mettre du carburant dans
le moteur de la démocratie turque », estime le président du groupe
PS, Jean-Marc Ayrault. Alain Bocquet (PCF) pense qu'il faut
encourager cette « envie d'Europe ». « Sinon, ajoute-t-il, il ne faut
pas sous-estimer les risques de dérive militariste, de dérive
islamiste ou de dérive atlantiste. » Son collègue de l'UMP, Bernard
Accoyer, va même jusqu'à évoquer une possible « évolution » de son
parti, qui a retenu, le 9 mai 2004, la formule d'un « partenariat
privilégié » avec la Turquie. « S'il s'avérait que ce pays, qui a
beaucoup bougé et qui a déjà réalisé des réformes de grande ampleur,
répondait aux critères de l'adhésion, pourquoi pas ? », précise M.
Accoyer. Seul Hervé Morin (UDF) reste convaincu que l'avenir de la
Turquie ne se confond pas avec l' « identité européenne ».
Quant à M. Debré, il ne manque pas d'adresser, d'Istanbul, un message
en direction de « ces hommes politiques qui s'amusent à faire peur
aux Français », désignant nommément Nicolas Sarkozy et François
Bayrou, hostiles à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. «
Ce sont des aventuriers », lâche-t-il.
--Boundary_(ID_zjI2s/lbJx4MqF8A2OgyBQ)--