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En France, les Turcs et les Armeniens veulent cohabiter en paix

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  • En France, les Turcs et les Armeniens veulent cohabiter en paix

    La Croix , France
    18 janvier 2005

    Turquie. Arménie.
    En France, les Turcs et les Arméniens veulent cohabiter en paix. Les
    Arméniens - ou Français d'origine arménienne - craignent que le débat
    sur l'adhésion de la Turquie à l'Europe ne suscite des tensions.

    par ROYER Solenn de

    Le 27 novembre dernier, à Valence, en plein centre-ville. Derrière
    une table de fortune montée à côté de la mairie, une dizaine de
    membres d'associations arméniennes distribuent des tracts aux
    passants pour dénoncer l'éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union
    européenne. Les manifestants font également signer une pétition.
    Indignés par les propos retranscrits sur les tracts, une dizaine de
    jeunes Valentinois d'origine turque s'approchent du stand. La tension
    monte. Ce sont d'abord des insultes. Puis des coups. La rixe fait
    quatre blessés côté arménien, dont deux avec une interruption
    temporaire de travail (ITT) de deux jours. Les victimes ont déposé
    plainte. Aucun des jeunes agresseurs n'était connu des services de
    police. "Il s'agit d'un incident ennuyeux mais isolé", veut
    relativiser un responsable policier.

    Dans la capitale de la Drôme, qui a toujours vu les communautés
    arménienne et turque vivre en bonne intelligence, l'incident a marqué
    les esprits. Dans les jours qui ont suivi la rixe, le préfet du
    département, Christian Decharière - qui vient de quitter ses
    fonctions - a organisé une rencontre entre des responsables
    associatifs arméniens et turcs, ainsi que des élus. "Nous avons
    expliqué aux Turcs que les Arméniens avaient le droit d'exprimer
    librement leur ressentiment concernant l'histoire dramatique qu'ont
    vécue leurs familles dans le passé, explique le préfet. C'est la
    première fois que de tels faits se produisent ici."

    Selon le maire de Valence, Lena Balsan, la communauté arménienne
    compte pour 10% de la population valentinoise. Il s'agit de la
    diaspora la plus importante en France, après Paris et Marseille. Les
    premiers migrants, rescapés du génocide orchestré par l'État Turc en
    1915, sont arrivés par le sud de la France, ont longé le Rhône, et se
    sont arrêtés là où ils trouvaient du travail, notamment dans les
    industries textiles de la Drôme ou les soieries d'Ardèche. "Il s'agit
    d'une communauté exemplaire en matière d'intégration, observe Lena
    Balsan. Qui a toujours respecté les lois de la République." Même
    chose côté turc, renchérit le préfet de la Drôme, en ajoutant que
    "l'éducation est une notion très forte dans les familles turques".

    Une multiplication de petits incidents

    Pour le président de la Coordination des organisations arméniennes de
    Drôme-Ardèche, Robert Tafankejian, l'incident de novembre ne serait
    pas lié à des difficultés entre les deux communautés. Mais "le fait
    d'une minorité de jeunes issus de l'immigration turque qui ont grandi
    dans l'ignorance" et "perpétuent le négationnisme du génocide,
    véhiculé depuis toujours par l'État turc". "Ceux qui sont nés en
    France sont très radicaux, explique ce responsable associatif
    d'origine arménienne. Ils restent entre eux, collent le drapeau turc
    à l'arrière de leurs voitures et cultivent un ultranationalisme."
    Pour le président de l'association culturelle et sportive
    franco-turque de Valance, Selami Aslantas, "si les première et
    deuxième générations de l'immigration turque en France n'ont pas
    réagi, la troisième en a assez de se faire traiter d'assassins."
    C'est ainsi que Selami explique "le dérapage" du 27 novembre.

    Pour le vice-président de l'association culturelle des jeunes
    Français d'origine turque de Valence, Herkan Erben, ce sont au
    contraire les jeunes Français d'origine arménienne qui auraient
    tendance à "se replier sur leur identité". "Certains d'entre eux ne
    cessent de répéter à nos enfants: `` Ton grand-père a tué le mien! ''
    Ce n'est pas ainsi que l'on btira le monde ensemble!" Avant la rixe
    de Valence, les associations arméniennes ont recensé d'autres
    incidents, de moindre importance, visant la communauté. Le 14
    novembre à Marseille, alors que Jacques Chirac inaugurait la nouvelle
    bibliothèque, des manifestants arméniens - venus rappeler au chef de
    l'État que les négociations sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe
    devaient être conditionnées à la reconnaissance du génocide arménien
    par l'État turc - se seraient fait "violemment insulter par un Turc",
    raconte le président du Conseil de coordination des organisations
    arméniennes de France (CCAF) pour la région PACA, Michel Guéviguian.
    Le CCAF avait alors aussitôt demandé au préfet de police de Marseille
    de "sécuriser" les lieux de culte arméniens, en prévision du "Noël
    arménien", le 6 janvier.

    Depuis 2003, le Comité de défense de la cause arménienne, basé à
    Paris, a également recensé plusieurs profanations de monuments dédiés
    aux victimes du génocide arménien: à Vienne, Paris, Grenoble, ou
    encore Alforville. Des actes souvent perpétrés autour du 24 avril,
    date de la commémoration du génocide. "Ce sont des actes isolés,
    oeuvre d'une minorité radicale", veut relativiser le Comité, qui se
    refuse à voir dans ces incidents le signe d'une "montée en puissance
    du sentiment anti-arménien en France". Toutefois, le débat sur
    l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne fait craindre à
    beaucoup une recrudescence des tensions entre les Arméniens et les
    Turcs. "C'est évidemment le débat sur l'élargissement qui a provoqué
    les incidents de Valence", note de fait le maire de la ville. "Nous
    ne voulons pas être exagérément alarmistes, renchérit le président du
    CCAF, Ara Toranian. Mais nous sommes inquiets. Pas tant des menaces
    physiques que de l'entrée d'une Turquie négationniste dans l'Europe.
    Et des conséquences que cela pourrait avoir sur la mémoire d'une
    part, et sur notre liberté d'expression en France, d'autre part."
    Pour Ara Toranian, "il faut pénaliser le négationnisme du génocide
    arménien. C'est le seul moyen de couper court aux risques de
    dérapage."

    Les agresseurs "regrettent ce qu'ils ont fait"

    Coordinateur de l'association citoyenne des originaires de Turquie
    (ACORT, basée à Paris), Umit Metin estime que le débat sur l'adhésion
    de la Turquie et l'expression d'une opposition, parfois virulente, à
    cette adhésion suscitent "un repli identitaire" chez les Turcs de
    France. "Nous nous sentons attaqués par certains propos, alors que
    nous sommes pour la plupart citoyens français et européens."

    En attendant, les Arméniens de Valence assurent qu'ils ont pris leurs
    "dispositions" pour que l'incident de novembre dernier ne se
    reproduise pas. "Dorénavant, nous aurons notre propre service
    d'ordre", prévient Robert Tafankejian. De son côté, Selami Aslantas
    veut croire que tout s'est "arrangé". "Nous ne voulons pas que cet
    incident se reproduise, assure-t-il. Nous sommes ici pour travailler
    et nourrir une famille, pas pour nous taper dessus." Le responsable
    associatif explique que les jeunes agresseurs ont été "punis par
    leurs parents", et qu'ils devront "retaper le local associatif du
    quartier". "Croyez-moi, dit Selami, ils regrettent ce qu'ils ont
    fait."

    SOLENN DE ROYER
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