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Les turqueries de Philippe de Villiers

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  • Les turqueries de Philippe de Villiers

    Le Point , France
    vendredi 21 janvier 2005


    Le point de... Alain Duhamel

    Les turqueries de Philippe de Villiers


    Philippe de Villiers a un objectif : s'imposer, lors du référendum
    sur le traité constitutionnel européen, comme le champion du non,
    comme le symbole le plus talentueux du refus, à la manière de
    Philippe Séguin face au traité de Maastricht. Pour y parvenir, il a
    choisi le levier le plus massif : la Turquie. Sous sa plume,
    Constitution européenne et adhésion de la Turquie ne sont en effet
    qu'un seul et même problème, le traité ayant notamment pour fonction,
    selon lui, de préparer l'intégration de la Turquie. La thèse est
    parfaitement réfutable, les discussions avec la Turquie ayant
    commencé des décennies avant qu'il soit même question de Constitution
    européenne et les négociations officielles désormais programmées
    devant se poursuivre des années, avec ou sans Constitution. Peu
    importe au souverainiste le plus actif et le plus virulent de France
    : il est plus aisé de sonner le tocsin à propos de la Turquie que
    d'épouvanter avec une Constitution forcément opaque. Il faut donc
    brandir Istanbul pour fracasser le traité.


    Il s'y emploie avec un nouveau livre qui s'intitule « Les turqueries
    du grand Mamamouchi » (1) et interpelle Jacques Chirac avec une
    insolence jubilatoire. Il s'agit naturellement d'un pamphlet, ou
    plutôt d'une satire. Philippe de Villiers ne manque ni de verve ni
    d'aplomb, il pique et blesse en riant, il se pourfend avec allégresse
    et ne craint pas de recourir aux bottes les plus assassines. Il fait
    de Jacques Chirac le principal introducteur de la Turquie en Europe,
    passant audacieusement sous silence l'activité de l'Espagne, l'accord
    de la Grande-Bretagne, l'acceptation de l'Italie et l'appui de
    l'Allemagne. Il présente naturellement l'hypothèse de l'adhésion
    turque sous des couleurs apocalyptiques. Une histoire effroyable, une
    géographie rédhibitoire, une démographie affolante, les moeurs les
    plus brutales, une religion et des principes aux antipodes des nôtres
    : si le livre de Philippe de Villiers commence sur le registre de la
    comédie (la description hilarante d'une audience de l'auteur dans le
    bureau présidentiel du palais de l'Elysée), le ton tourne promptement
    au réquisitoire. La documentation de Philippe de Villiers est
    sérieuse (encore que sélective), la démonstration galope, entraînant
    derrière elle un essaim d'idées reçues et de clichés historiques, la
    conclusion est sans appel : la Turquie est la mort de l'Europe, la
    Constitution fournissant en somme les soins palliatifs.

    Tout cela ne va pas sans contradictions flagrantes ni omissions
    volontaires : Philippe de Villiers dépeint la Turquie comme un péril
    effroyable pour suggérer ensuite benoîtement qu'elle devienne un «
    véritable arc de sympathie entre l'Europe et le monde arabo-islamique
    ». Il souligne longuement les persécutions contre les Kurdes, le
    barbare génocide arménien (et accuse faussement au passage l'Europe
    de l'avoir oublié), la quasi-disparition des minorités chrétiennes
    turques en oubliant de préciser qu'aujourd'hui toutes ces minorités
    souhaitent ardemment une entrée dans l'Union qui serait leur
    meilleure protection. Villiers a du talent et une vocation de
    duelliste. Ses démonstrations ressemblent furieusement aux harangues
    cocardières des veilles de conflit.

    1. « Les turqueries du grand Mamamouchi. Adresse à Jacques Chirac »,
    de Philippe de Villiers (Albin Michel, 204 pages, 14,50 e).


    © le point 20/01/05 - N°1688 - Page 33 - 479 mots
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