Tweet
L'Humanité, France
27 janvier 2005
Quelque chose ne fonctionne pas
Par Antoine Zalçberg,
élève de troisième, collège-lycée
Jacques-Decour, Paris.
Pour la troisième année, nous sommes, de la sixième à la terminale,
plusieurs dizaines à avoir travaillé ces derniers mois sur la Shoah
et les crimes contre l'humanité. Ce jeudi 27 janvier et demain, ce
travail est présenté à tous à travers des expositions, des
conférences, des pièces de thétre et un concert. Plusieurs de mes
arrière-grands-parents sont morts en déportation, ont combattu les
nazis. C'est par mes grands-parents et leurs souvenirs que je peux
perpétuer cette mémoire : pour ceux qui sont morts massacrés dans les
camps des nazis, c'est comme le berceau d'une résurrection
permanente. Spontanément très impliqué dans la démarche proposée par
nos professeurs, j'ai souhaité connaître la façon dont mes camarades
de classe la ressentaient. La majorité de ceux et celles qui m'ont
répondu trouvent ces journées utiles pour la commémoration de ce
massacre, pour qu'il ne se reproduise jamais. D'autres n'ont pas
caché leurs interrogations : « Commémorer la Shoah, oui. Mais
pourquoi pas d'autres massacres comme celui des Arméniens, le
génocide rwandais, les épurations ethniques dans les Balkans ? » Ou
encore : « C'est bien la journée de la Shoah, mais les pauvres
enfants qui travaillent en Inde, ceux qui souffrent du sida, ils
n'ont pas de journée pour eux. Des réponses m'ont franchement choqué
: « Ça ne change pas la vie, on s'en fiche ! »
Bien sûr, le mal est fait et on ne ressuscitera pas les morts. Cette
résignation est le plus sûr moyen de laisser faire. La question est
que ne se reproduise pas un tel drame. Je pense que cela est plus
fragile qu'on l'imagine : ne nous paraît-il pas incompréhensible
qu'il y eut un Hitler bénéficiant de l'assentiment de tout un peuple
? Il ne faut donc pas tourner la page, mais la lire, la comprendre.
N'est-on pas déjà en plein dans le sujet avec cette autre réflexion
lancée par un de mes camarades : « Certaines personnes, sous une
forme d'hypocrisie, font semblant de s'intéresser à cet événement
pour donner une image meilleure d'eux-mêmes. » Les indifférents qui
se rallient à la pensée commune.
Le génocide juif a de particulier une organisation très pointue afin
d'exterminer des millions de personnes. Au niveau de l'humanité tout
entière, jamais un tel crime n'avait été organisé, programmé, exécuté
au nom d'une idéologie de haine totale. Je ne comprends pas certaines
des réactions entendues. Quand notre professeur nous parle de la
guerre de 1939-1945, il évoque le drame subi par le peuple juif, mais
aussi le sort des Tziganes, des homosexuels, des handicapés, il nous
parle des résistants. Quand les professeurs traitent de l'histoire
des XIXe et XXe siècles, ils nous font réfléchir aussi sur la traite
des Noirs, l'extermination des Arméniens, le massacre des Tutsis et
les massacres au Cambodge... D'ailleurs, le travail mené et présenté
aujourd'hui et demain dans notre établissement croise le sort fait
aux juifs par les nazis avec le génocide commis il y a dix ans au
Rwanda.
Alors, qu'est-ce qui ne marche pas ?
27 janvier 2005
Quelque chose ne fonctionne pas
Par Antoine Zalçberg,
élève de troisième, collège-lycée
Jacques-Decour, Paris.
Pour la troisième année, nous sommes, de la sixième à la terminale,
plusieurs dizaines à avoir travaillé ces derniers mois sur la Shoah
et les crimes contre l'humanité. Ce jeudi 27 janvier et demain, ce
travail est présenté à tous à travers des expositions, des
conférences, des pièces de thétre et un concert. Plusieurs de mes
arrière-grands-parents sont morts en déportation, ont combattu les
nazis. C'est par mes grands-parents et leurs souvenirs que je peux
perpétuer cette mémoire : pour ceux qui sont morts massacrés dans les
camps des nazis, c'est comme le berceau d'une résurrection
permanente. Spontanément très impliqué dans la démarche proposée par
nos professeurs, j'ai souhaité connaître la façon dont mes camarades
de classe la ressentaient. La majorité de ceux et celles qui m'ont
répondu trouvent ces journées utiles pour la commémoration de ce
massacre, pour qu'il ne se reproduise jamais. D'autres n'ont pas
caché leurs interrogations : « Commémorer la Shoah, oui. Mais
pourquoi pas d'autres massacres comme celui des Arméniens, le
génocide rwandais, les épurations ethniques dans les Balkans ? » Ou
encore : « C'est bien la journée de la Shoah, mais les pauvres
enfants qui travaillent en Inde, ceux qui souffrent du sida, ils
n'ont pas de journée pour eux. Des réponses m'ont franchement choqué
: « Ça ne change pas la vie, on s'en fiche ! »
Bien sûr, le mal est fait et on ne ressuscitera pas les morts. Cette
résignation est le plus sûr moyen de laisser faire. La question est
que ne se reproduise pas un tel drame. Je pense que cela est plus
fragile qu'on l'imagine : ne nous paraît-il pas incompréhensible
qu'il y eut un Hitler bénéficiant de l'assentiment de tout un peuple
? Il ne faut donc pas tourner la page, mais la lire, la comprendre.
N'est-on pas déjà en plein dans le sujet avec cette autre réflexion
lancée par un de mes camarades : « Certaines personnes, sous une
forme d'hypocrisie, font semblant de s'intéresser à cet événement
pour donner une image meilleure d'eux-mêmes. » Les indifférents qui
se rallient à la pensée commune.
Le génocide juif a de particulier une organisation très pointue afin
d'exterminer des millions de personnes. Au niveau de l'humanité tout
entière, jamais un tel crime n'avait été organisé, programmé, exécuté
au nom d'une idéologie de haine totale. Je ne comprends pas certaines
des réactions entendues. Quand notre professeur nous parle de la
guerre de 1939-1945, il évoque le drame subi par le peuple juif, mais
aussi le sort des Tziganes, des homosexuels, des handicapés, il nous
parle des résistants. Quand les professeurs traitent de l'histoire
des XIXe et XXe siècles, ils nous font réfléchir aussi sur la traite
des Noirs, l'extermination des Arméniens, le massacre des Tutsis et
les massacres au Cambodge... D'ailleurs, le travail mené et présenté
aujourd'hui et demain dans notre établissement croise le sort fait
aux juifs par les nazis avec le génocide commis il y a dix ans au
Rwanda.
Alors, qu'est-ce qui ne marche pas ?