Agence France Presse
26 mai 2005 jeudi 10:48 AM GMT
Ankara critiqué pour avoir empêché une conférence sur la question
arménienne (PAPIER D'ANGLE)
Par Sibel UTKU-BILA
ANKARA 26 mai 2005
Le gouvernement turc a suscité de nombreuses critiques en empêchant
la tenue d'une conférence qui devait questionner la position
officielle de la Turquie quant aux massacres d'Arméniens sous
l'empire ottoman, des diplomates européens évoquant un coup sérieux
au crédo réformateur d'Ankara.
Le prestigieuse université stambouliote de Bogazici, qui devait
accueillir cette rencontre inédite entre académiciens et
intellectuels turcs "critiques" de mercredi à vendredi, l'a repoussée
à une date non précisée après que le ministre de la Justice Cemil
Cicek eut accusé ses participants de "trahison".
M. Cicek a qualifié l'initiative de "coup de couteau dans le dos de
la nation turque" et a affirmé que les organisateurs s'exposaient à
des poursuites judiciaires.
Les massacres d'Arméniens survenus entre 1915 et 1917 en Anatolie,
l'un des épisodes les plus controversés de l'histoire ottomane, sont
rarement évoqués dans le système scolaire turc et cette conférence
aurait été la première en Turquie à jeter un regard critique sur la
position officielle quant à ces événements.
Plusieurs pays ont reconnu le caractère génocidaire de ces massacres
-une approche catégoriquement rejetée par Ankara-, l'Union européenne
enjoignant pour sa part la Turquie de faire face à son passé et
d'étendre la liberté d'expression.
"Les remarques du ministre de la Justice sont inacceptables. C'est
une approche autoritaire qui soulève des questions quant au processus
de réformes en Turquie", a déclaré à l'AFP, sous le couvert de
l'anonymat, un diplomate d'un pays membre de l'UE.
"Il s'agit maintenant d'un moment crucial. Nous espérons que le
gouvernement agisse pour rectifier les remarques de M. Cicek", a-t-il
poursuivi.
Estimant qu'il incombait à Ankara de prendre une décision, le
diplomate a précisé que "ne rien faire est aussi un choix, mais
certainement pas favorable aux perspectives turques d'adhésion à
l'UE".
Cet incident intervient après la répression brutale d'une
manifestation de femmes à Istanbul en mars, qui avait déjà suscité
l'indignation de Bruxelles alors que le projet d'intégration de la
Turquie dans le bloc européen soulève de fortes oppositions dans de
nombreux pays membres.
Le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, formé par
un parti issu de la mouvance islamiste, doit par ailleurs faire face
sur la scène intérieure à une montée des critiques l'accusant d'avoir
perdu ses ambitions réformatrices depuis qu'il a obtenu en décembre
une date pour le début de négociations d'adhésion avec l'UE, fixée au
3 octobre.
Un autre diplomate européen a déploré le report de la conférence, qui
"aurait reflété l'évolution en cours dans la société turque".
"Les Européens sont déçus (...) mais espèrent qu'elle sera finalement
organisée", a-t-il déclaré, soulignant qu'ils "continueront
d'insister sur le rôle important que la société civile doit jouer en
Turquie".
Les médias turcs n'ont pas été plus cléments avec M. Cicek, estimant
que son attitude portait atteinte à la liberté d'expression et
faisait le jeu de la campagne menée par les Arméniens en vue d'une
reconnaissance internationale du "génocide".
"Tolérance zéro pour la liberté", a asséné le quotidien libéral
Radikal en Une de son édition de jeudi, le journal Milliyet titrant
sur "Un coup porté à la démocratie".
"Quelle est en fait la trahison? Tenir une conférence visant à ouvrir
un débat en Turquie sur un problème turc débattu à peu près partout
dans le monde, ou qualifier de 'traîtres' des gens qui pensent
peut-être différemment à un moment où la Turquie livre une bataille
pour la démocratie (...)?", se demande l'éditorialiste Murat Celikkan
dans Radikal.
"Cemil Cicek doit démissionner" de son ministère ou être contraint à
la démission, conclut-il.
26 mai 2005 jeudi 10:48 AM GMT
Ankara critiqué pour avoir empêché une conférence sur la question
arménienne (PAPIER D'ANGLE)
Par Sibel UTKU-BILA
ANKARA 26 mai 2005
Le gouvernement turc a suscité de nombreuses critiques en empêchant
la tenue d'une conférence qui devait questionner la position
officielle de la Turquie quant aux massacres d'Arméniens sous
l'empire ottoman, des diplomates européens évoquant un coup sérieux
au crédo réformateur d'Ankara.
Le prestigieuse université stambouliote de Bogazici, qui devait
accueillir cette rencontre inédite entre académiciens et
intellectuels turcs "critiques" de mercredi à vendredi, l'a repoussée
à une date non précisée après que le ministre de la Justice Cemil
Cicek eut accusé ses participants de "trahison".
M. Cicek a qualifié l'initiative de "coup de couteau dans le dos de
la nation turque" et a affirmé que les organisateurs s'exposaient à
des poursuites judiciaires.
Les massacres d'Arméniens survenus entre 1915 et 1917 en Anatolie,
l'un des épisodes les plus controversés de l'histoire ottomane, sont
rarement évoqués dans le système scolaire turc et cette conférence
aurait été la première en Turquie à jeter un regard critique sur la
position officielle quant à ces événements.
Plusieurs pays ont reconnu le caractère génocidaire de ces massacres
-une approche catégoriquement rejetée par Ankara-, l'Union européenne
enjoignant pour sa part la Turquie de faire face à son passé et
d'étendre la liberté d'expression.
"Les remarques du ministre de la Justice sont inacceptables. C'est
une approche autoritaire qui soulève des questions quant au processus
de réformes en Turquie", a déclaré à l'AFP, sous le couvert de
l'anonymat, un diplomate d'un pays membre de l'UE.
"Il s'agit maintenant d'un moment crucial. Nous espérons que le
gouvernement agisse pour rectifier les remarques de M. Cicek", a-t-il
poursuivi.
Estimant qu'il incombait à Ankara de prendre une décision, le
diplomate a précisé que "ne rien faire est aussi un choix, mais
certainement pas favorable aux perspectives turques d'adhésion à
l'UE".
Cet incident intervient après la répression brutale d'une
manifestation de femmes à Istanbul en mars, qui avait déjà suscité
l'indignation de Bruxelles alors que le projet d'intégration de la
Turquie dans le bloc européen soulève de fortes oppositions dans de
nombreux pays membres.
Le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, formé par
un parti issu de la mouvance islamiste, doit par ailleurs faire face
sur la scène intérieure à une montée des critiques l'accusant d'avoir
perdu ses ambitions réformatrices depuis qu'il a obtenu en décembre
une date pour le début de négociations d'adhésion avec l'UE, fixée au
3 octobre.
Un autre diplomate européen a déploré le report de la conférence, qui
"aurait reflété l'évolution en cours dans la société turque".
"Les Européens sont déçus (...) mais espèrent qu'elle sera finalement
organisée", a-t-il déclaré, soulignant qu'ils "continueront
d'insister sur le rôle important que la société civile doit jouer en
Turquie".
Les médias turcs n'ont pas été plus cléments avec M. Cicek, estimant
que son attitude portait atteinte à la liberté d'expression et
faisait le jeu de la campagne menée par les Arméniens en vue d'une
reconnaissance internationale du "génocide".
"Tolérance zéro pour la liberté", a asséné le quotidien libéral
Radikal en Une de son édition de jeudi, le journal Milliyet titrant
sur "Un coup porté à la démocratie".
"Quelle est en fait la trahison? Tenir une conférence visant à ouvrir
un débat en Turquie sur un problème turc débattu à peu près partout
dans le monde, ou qualifier de 'traîtres' des gens qui pensent
peut-être différemment à un moment où la Turquie livre une bataille
pour la démocratie (...)?", se demande l'éditorialiste Murat Celikkan
dans Radikal.
"Cemil Cicek doit démissionner" de son ministère ou être contraint à
la démission, conclut-il.