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La Turquie sur la touche?

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  • La Turquie sur la touche?

    L'Humanité, France
    30 septembre 2005

    La Turquie sur la touche?

    Blocage contre le lancement du processus d'adhésion d'Ankara *
    Congrès travailliste surréaliste * Toute l'Allemagne regarde Dresde

    par Hassane Zerrouky

    Adhésion. Les négociations entre la Turquie et l'UE, qui débutent le
    3 octobre, sont compromises par l'Autriche, qui place sur un même
    plan Ankara et Zagreb - la Croatie s'étant fait recaler par Bruxelles
    pour avoir refusé de livrer un criminel de guerre à La Haye.


    L'adhésion de la Turquie à l'UE ressemble à s'y méprendre à une
    course d'obstacles. En décidant, hier, de bloquer l'adoption du
    mandat de négociation pour les pourparlers d'adhésion avec la
    Turquie, l'Autriche fait peser un doute sur l'ouverture des
    négociations qui doivent débuter lundi 3 octobre. Vienne entend que
    ce mandat formule explicitement une alternative à l'adhésion sous
    forme d'un partenariat privilégié, alors qu'elle sait par avance
    qu'une telle proposition est inacceptable par Ankara : Abdullah Gül,
    le chef de la diplomatie turque, a déjà averti qu'au cas où tout
    autre objectif figurerait dans le mandat, il ne ferait pas le
    déplacement à Bruxelles.
    En fait, le bras de fer autrichien s'inscrit dans un étrange chantage
    aux relents ethnico-religieux les moins affriolants puisqu'il s'agit
    de contraindre les autres membres de l'UE à mettre sur un même plan
    l'ouverture des négociations
    avec la Turquie (« musulmane ») et avec la Croatie (« chrétienne »).
    « Si nous faisons confiance à la Turquie pour faire plus de progrès,
    nous devrions aussi faire confiance à la Croatie [...] et ne pas
    laisser éternellement ce pays dans la salle d'attente », a estimé le
    chancelier autrichien Wolfgang Schüssel, par ailleurs toujours allié
    au pouvoir avec le parti d'extrême droite de Jörg Haider - dans
    l'indifférence désormais générale des autres capitales européennes.
    Il se trouve que les négociations d'adhésions avec Zagreb ont été
    reportées par l'UE en raison du refus des autorités croates de
    coopérer dans la capture du général Ante Gotovina, inculpé de crimes
    de guerre dans le conflit qui a ravagé l'ex-Yougoslavie au début des
    années quatre-vingt-dix. Sur ce sujet, la procureure générale du
    Tribunal pénal international pour la Yougoslavie (TPIY), Carla Del
    Ponte, qui se trouve à Zagreb depuis jeudi, doit faire un rapport aux
    Vingt-Cinq sur les mesures prises par la Croatie pour retrouver
    l'ancien général Ante Gotovina.
    Au blocage de dernière minute de l'Autriche s'ajoute la décision
    prise par les ministres des Affaires étrangères européens, le 21
    septembre, faisant de la reconnaissance de Chy- pre par la Turquie un
    « élément nécessaire » à son entrée dans l'UE. Le 29 juillet, en
    signant le protocole étendant l'accord d'union douanière aux nouveaux
    États membre de l'UE, Ankara avait cru bon y ajouter en annexe une
    déclaration stipulant que son geste ne signifiait pas une
    reconnaissance de Chypre. Cette position avait soulevé la colère de
    Nicosie, qui avait menacé d'user de son droit de veto à l'ouverture
    des négociations d'adhésion. Pour l'heure, faute d'accord sur le
    document-cadre fixant les principes directeurs des négociations
    d'adhésion, les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Cinq sont
    convenus de se
    retrouver dimanche soir dans la capitale luxembourgeoise pour tenter
    de trouver une solution. Auparavant, le Parlement européen a adopté
    une résolution demandant à Ankara, comme préalable à l'accession, non
    seulement la reconnaissance de Chypre mais aussi celle du « génocide
    arménien », après avoir refusé de se prononcer sur l'extension du
    protocole étendant l'accord d'union douanière aux nouveaux États
    membres. Même si la position adoptée par le Parlement sur ces deux
    points n'a aucune valeur contraignante, elle est indicative de l'état
    d'esprit qui prévaut parmi les eurodéputés sur l'éventuelle adhésion
    de la Turquie.
    S'estimant dans son bon droit, la Turquie fait savoir que les
    préalables à l'ouverture des négociations d'adhésion remettent en
    question les décisions du Conseil européen de Bruxelles en décembre
    2004, que le chancelier autrichien avait acceptées. Ce Conseil, qui
    avait fixé la date du 3 octobre, n'avait pas posé la reconnaissance
    de Chypre comme préalable à l'ouverture des pourparlers d'adhésion.
    Ankara fait observer également que cette question ne figure pas dans
    les critères d'adhésion fixés par le Conseil européen de Copenhague
    de juin 1993.
    Loin des instrumentalisations aux relents racistes, le seul critère
    de fond dans ce débat autour de l'adhésion de la Turquie devrait
    être, comme l'a fait observer hier Francis Wurtz au nom du groupe
    GUE-GVN, celui des « conditions réunies pour engager, comme prévu,
    les négociations avec ce pays le 3 octobre », à savoir «
    l'application effective de standards démocratiques comme du respect
    des droits civiques et des droits humains » en ce qui concerne les
    Kurdes, la question arménienne et la reconnaissance de Chypre. Si
    d'indéniables progrès ont été réalisés sur la question des droits de
    l'homme, Ankara en a encore à faire sur le problème kurde, les
    autorités turques cultivant toujours l'ambiguïté autour d'une «
    solution militaire ».
    Ce qui apparaît certain dans ce bras de fer euro-turc, c'est que
    l'armée, ex-colonne vertébrale du pouvoir, et les nationalistes, qui
    font montre de peu d'enthousiasme à l'idée d'une adhésion de la
    Turquie à l'UE, seront les premiers à tirer leur épingle du jeu en
    cas d'échec des pourparlers avec Bruxelles. En effet, la mise en
    oeuvre de l'adhésion à l'UE ne pouvait que se traduire assez
    rapidement par l'accélération d'un processus observé ces derniers
    mois, qui tend à réduire le rôle de l'armée dans la vie publique.
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