PHILIPPE VIDELIER : "LE NEGATIONNISME D'ETAT PERDURE EN TURQUIE"
Propos recueillis par Cecilia Gabizon
Le Figaro
25 avril 2006
LE FIGARO. - Certains Franco-Turcs s'opposent a ce memorial en niant
l'existence du genocide... Philippe VIDELIER. - Ils ne font que
refleter le negationnisme de l'Etat turc, qui perdure.
En 2005, la faculte de medecine d'Istanbul a demande le rapatriement
des restes de Behaeddine Shakir, l'ideologue du genocide, pour
lui faire des obsèques officielles ! Tandis que le ministère de
l'Environnement turc vient de debaptiser certains animaux sauvages,
Ovis Armeniana et Capreolus Armenus. Leur "armenite" contreviendrait
a la securite de l'Etat. Comment expliquer ce blocage, plus de 90 ans
après les faits ? Ataturc, le fondateur de la Republique turque, s'est
entoure de militaires impliques dans le genocide. Son nationalisme n'a
pas renie le turkisme, cette ideologie de l'epuration ethnique. De
plus, la Turquie a toujours redoute l'eclatement et se mefie de ses
minorites. A l'heure actuelle, elle reprime les Kurdes. Et entretient
une pression diplomatique constante pour dissimuler la question
armenienne. Longtemps, le Quay d'Orsay s'est d'ailleurs oppose a la
reconnaissance du genocide. Maintenant, la Turquie mène campagne au
Parlement europeen. La Turquie est prete a reconnaître des massacres,
mais pas de genocide... C'est choquant.
Les depeches diplomatiques de l'epoque, les temoignages des
observateurs etrangers et ceux des rescapes armeniens decrivent
les etapes de l'extermination. Le triumvirat au pouvoir avait forme
une organisation speciale et recrute des repris de justice, en leur
donnant le droit de pillage et de mort. Ils ont d'abord arrete et tue
les intellectuels et les notables, le 24 avril 1915, puis massacre
les Armeniens presents dans l'armee, dans les villages et deporte les
femmes et les enfants. Près de 1,5 million de personnes sont mortes.
N'est-ce pas un genocide ? Le Parlement francais a reconnu le genocide
armenien en 2001. Est-ce son rôle de dire l'histoire ? Les historiens
doivent etablir l'histoire. Mais la societe, par ses representants,
doit apporter sa parole sur les crimes contre l'humanite. Ce n'est
pas de l'ingerence, c'est un acte de civilisation.
--Boundary_(ID_qqL+RRYUU3Ufgj9tu3w3 Ow)--
Propos recueillis par Cecilia Gabizon
Le Figaro
25 avril 2006
LE FIGARO. - Certains Franco-Turcs s'opposent a ce memorial en niant
l'existence du genocide... Philippe VIDELIER. - Ils ne font que
refleter le negationnisme de l'Etat turc, qui perdure.
En 2005, la faculte de medecine d'Istanbul a demande le rapatriement
des restes de Behaeddine Shakir, l'ideologue du genocide, pour
lui faire des obsèques officielles ! Tandis que le ministère de
l'Environnement turc vient de debaptiser certains animaux sauvages,
Ovis Armeniana et Capreolus Armenus. Leur "armenite" contreviendrait
a la securite de l'Etat. Comment expliquer ce blocage, plus de 90 ans
après les faits ? Ataturc, le fondateur de la Republique turque, s'est
entoure de militaires impliques dans le genocide. Son nationalisme n'a
pas renie le turkisme, cette ideologie de l'epuration ethnique. De
plus, la Turquie a toujours redoute l'eclatement et se mefie de ses
minorites. A l'heure actuelle, elle reprime les Kurdes. Et entretient
une pression diplomatique constante pour dissimuler la question
armenienne. Longtemps, le Quay d'Orsay s'est d'ailleurs oppose a la
reconnaissance du genocide. Maintenant, la Turquie mène campagne au
Parlement europeen. La Turquie est prete a reconnaître des massacres,
mais pas de genocide... C'est choquant.
Les depeches diplomatiques de l'epoque, les temoignages des
observateurs etrangers et ceux des rescapes armeniens decrivent
les etapes de l'extermination. Le triumvirat au pouvoir avait forme
une organisation speciale et recrute des repris de justice, en leur
donnant le droit de pillage et de mort. Ils ont d'abord arrete et tue
les intellectuels et les notables, le 24 avril 1915, puis massacre
les Armeniens presents dans l'armee, dans les villages et deporte les
femmes et les enfants. Près de 1,5 million de personnes sont mortes.
N'est-ce pas un genocide ? Le Parlement francais a reconnu le genocide
armenien en 2001. Est-ce son rôle de dire l'histoire ? Les historiens
doivent etablir l'histoire. Mais la societe, par ses representants,
doit apporter sa parole sur les crimes contre l'humanite. Ce n'est
pas de l'ingerence, c'est un acte de civilisation.
--Boundary_(ID_qqL+RRYUU3Ufgj9tu3w3 Ow)--