LES ESCARPINS NOIRS DE COLETTE
Monique Cabourg
La Nouvelle Republique du Centre Ouest, France
Edition LOIR ET CHER
04 decembre 2006 lundi
Vos objets ont une histoire
Sur la commode de la chambre de Colette Lemaire, trône une ravissante
paire d'escarpins noirs. Dans son pavillon de la rue Arrachart,
elle nous conte avec beaucoup d'emotion leur histoire, liee a celle
de Nenesse, l'Armenien.
TEXTE-ARTICLE:
" Il s'appelait Joanesse Moudjoukian, il etait armenien. En 1917, il
a alors 11 ans, tous les habitants de son village sont massacres par
l'armee turque. Il a la vie sauve en se cachant dans une armoire. Il
est interne, comme tous les orphelins par les Americains, dans
un camp. En 1920, il debarque a Marseille, avec nombre de ses
compatriotes, pour servir de main-d'oeuvre, la France manquant de
bras. Il est mene a Blois pour une sorte de marche aux esclaves qui
se deroule place de la Republique. Mon grand-père maternel, Armand
Fesneau, agriculteur a Saint-Sulpice, le choisit, touche par sa
jeunesse, sa fragilite. " De ce jour, Joanesse devient Nenesse pour la
famille Fesneau et l'entourage. Très adroit, il travaille aux champs,
mais realise aussi toutes sortes d'objets pour ses patrons auxquels
il voue un amour devotion.
" Quand ma mère se marie, c'est mon père, Jacques Lemaire, qui dirige
l'exploitation. Il est plus dur a la tâche, alors les rapports avec
Nenesse sont parfois tendus. Nenesse s'en va, puis revient, toujours
fidèle a ma famille. Mobilise en 1939 par l'armee francaise, il rentre
chez nous a la fin de la guerre. " Colette a alors 13 ans. Elle
se souvient avec emotion de ce petit homme brun, rieur, hâbleur,
reveur et surtout, sans rancune. " Il part pour Paris retrouver la
communaute armenienne, et apprend le metier de cordonnier. Il nous
rend ensuite visite de temps en temps.
A chaque rencontre, nous le trouvons de plus en plus fatigue, sans
doute malade. En 1958, il nous offre a ma mère et a moi, chacune une
paire d'escarpins confectionnes de ses mains. Il revient encore une
fois un an après, très affaibli. Il nous confie alors qu'il n'est pas
sûr de revenir. Et voila. On ne l'a jamais revu. Il est sans doute
mort dans la misère, et enterre dans une fosse commune. " Nenesse
aurait eu cent ans cette annee. Il vit toujours dans le coeur de
Colette. Et a travers les ravissants escarpins noirs.
--Boundary_(ID_FzOWsdqIKUPs3TDfUDOJrg)--
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Monique Cabourg
La Nouvelle Republique du Centre Ouest, France
Edition LOIR ET CHER
04 decembre 2006 lundi
Vos objets ont une histoire
Sur la commode de la chambre de Colette Lemaire, trône une ravissante
paire d'escarpins noirs. Dans son pavillon de la rue Arrachart,
elle nous conte avec beaucoup d'emotion leur histoire, liee a celle
de Nenesse, l'Armenien.
TEXTE-ARTICLE:
" Il s'appelait Joanesse Moudjoukian, il etait armenien. En 1917, il
a alors 11 ans, tous les habitants de son village sont massacres par
l'armee turque. Il a la vie sauve en se cachant dans une armoire. Il
est interne, comme tous les orphelins par les Americains, dans
un camp. En 1920, il debarque a Marseille, avec nombre de ses
compatriotes, pour servir de main-d'oeuvre, la France manquant de
bras. Il est mene a Blois pour une sorte de marche aux esclaves qui
se deroule place de la Republique. Mon grand-père maternel, Armand
Fesneau, agriculteur a Saint-Sulpice, le choisit, touche par sa
jeunesse, sa fragilite. " De ce jour, Joanesse devient Nenesse pour la
famille Fesneau et l'entourage. Très adroit, il travaille aux champs,
mais realise aussi toutes sortes d'objets pour ses patrons auxquels
il voue un amour devotion.
" Quand ma mère se marie, c'est mon père, Jacques Lemaire, qui dirige
l'exploitation. Il est plus dur a la tâche, alors les rapports avec
Nenesse sont parfois tendus. Nenesse s'en va, puis revient, toujours
fidèle a ma famille. Mobilise en 1939 par l'armee francaise, il rentre
chez nous a la fin de la guerre. " Colette a alors 13 ans. Elle
se souvient avec emotion de ce petit homme brun, rieur, hâbleur,
reveur et surtout, sans rancune. " Il part pour Paris retrouver la
communaute armenienne, et apprend le metier de cordonnier. Il nous
rend ensuite visite de temps en temps.
A chaque rencontre, nous le trouvons de plus en plus fatigue, sans
doute malade. En 1958, il nous offre a ma mère et a moi, chacune une
paire d'escarpins confectionnes de ses mains. Il revient encore une
fois un an après, très affaibli. Il nous confie alors qu'il n'est pas
sûr de revenir. Et voila. On ne l'a jamais revu. Il est sans doute
mort dans la misère, et enterre dans une fosse commune. " Nenesse
aurait eu cent ans cette annee. Il vit toujours dans le coeur de
Colette. Et a travers les ravissants escarpins noirs.
--Boundary_(ID_FzOWsdqIKUPs3TDfUDOJrg)--
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress