UN PONT PHOTOGRAPHIQUE ENTRE TURCS ET ARMENIENS
par Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)
Le Monde, France
21 decembre 2006 jeudi
L eur projet s'intitule " Merhabarev ", contraction de merhaba et
de barev, qui signifient bonjour en turc et en armenien. Ils sont
dix photographes - cinq Turcs et cinq Armeniens - reunis autour d'un
objectif : porter un regard pacifie sur les relations entre les deux
pays et tenter de depasser les prejuges, toujours ancres a Istanbul
et a Erevan. " Nous voulons creer des ponts entre nos nations et nos
cultures ", expliquent-ils.
Au printemps, les cinq Turcs sont partis arpenter la petite capitale
armenienne pendant une semaine. Leurs cinq alter ego caucasiens ont
ensuite ecume Istanbul. Le resultat : 18 000 cliches en noir et blanc
des deux villes, de leurs habitants, de leur vie quotidienne... Pour
finalement en selectionner 130. Presente fin octobre en Armenie, leur
travail est expose du 4 au 23 decembre dans une galerie d'Istanbul
connue pour ses choix audacieux. Au meme endroit, il y a quelques
mois, une exposition sur les emeutes antigrecques de 1955 avait rendu
furieux des militants ultra-nationalistes turcs qui avaient saccage
une partie des oeuvres.
L'initiative, cette fois encore, n'est pas passee inapercue. La Turquie
fulmine contre la France, dont les deputes ont vote, le 12 octobre,
une loi penalisant la negation du genocide de 1915. Ankara refuse
toujours de reconnaître ces massacres.
" Des decisions politiques ne peuvent pas resoudre un problème comme
celui des relations entre la Turquie et l'Armenie. La photographie
est une autre methode d'approche, explique Ozcan Yurdalan, membre de
l'agence stambouliote Nar Photos. Cette exposition est un miroir où
nous nous regardons a travers le regard des autres. " Dans les medias
turcs comme armeniens, l'initiative " Merhabarev ", soutenue par la
fondation allemande Heinrich-Boll, est accueillie très favorablement.
" Il est très important de connaître nos pays autrement que par la
propagande televisee ", souligne Ruben Mangasaryan, qui dirige le
departement photographique de l'Institut des medias du Caucase,
a Erevan. Au cours de leurs sept jours sur le terrain turc, les
cinq d'Erevan ont photographie des sujets heteroclites : derviches
tourneurs, bidonvilles d'Ayazma, une banlieue delabree d'Istanbul,
portraits d'Ataturk qui ornent les boutiques et les bureaux, ou des
ceremonies de circoncision... " Nous avons vu comment les gens vivent,
en passant beaucoup de temps dans les rues, a discuter, raconte Karen
Mirzoyan. Et nous avons plein de choses en commun. "
C'est la meme recherche du point commun qui a guide les reporters turcs
a travers leurs rencontres armeniennes. " Nous avons vu a quel point
ils etaient semblables a nous, constate Kerem Uzel. Le the ou le cafe
qu'on partage, l'hospitalite... Nos cultures sont très proches. "
A Erevan, ils ont retrouve des images familières, en parcourant
les marches ou les coulisses d'un theâtre. " Le plus gros problème,
c'est que les gens des deux pays ne se connaissent pas bien. Certains
de mes amis armeniens ne veulent pas entendre parler des Turcs ",
lâche Karen Mirzoyan. Ses grands-parents ont fui les massacres en
1915 a Van, aujourd'hui situee dans l'est de la Turquie.
Lui veut inviter a la reconciliation.
--Boundary_(ID_PbW3iqxpn2AvyOpu01 o3Kg)--
par Guillaume Perrier (Istanbul, correspondance)
Le Monde, France
21 decembre 2006 jeudi
L eur projet s'intitule " Merhabarev ", contraction de merhaba et
de barev, qui signifient bonjour en turc et en armenien. Ils sont
dix photographes - cinq Turcs et cinq Armeniens - reunis autour d'un
objectif : porter un regard pacifie sur les relations entre les deux
pays et tenter de depasser les prejuges, toujours ancres a Istanbul
et a Erevan. " Nous voulons creer des ponts entre nos nations et nos
cultures ", expliquent-ils.
Au printemps, les cinq Turcs sont partis arpenter la petite capitale
armenienne pendant une semaine. Leurs cinq alter ego caucasiens ont
ensuite ecume Istanbul. Le resultat : 18 000 cliches en noir et blanc
des deux villes, de leurs habitants, de leur vie quotidienne... Pour
finalement en selectionner 130. Presente fin octobre en Armenie, leur
travail est expose du 4 au 23 decembre dans une galerie d'Istanbul
connue pour ses choix audacieux. Au meme endroit, il y a quelques
mois, une exposition sur les emeutes antigrecques de 1955 avait rendu
furieux des militants ultra-nationalistes turcs qui avaient saccage
une partie des oeuvres.
L'initiative, cette fois encore, n'est pas passee inapercue. La Turquie
fulmine contre la France, dont les deputes ont vote, le 12 octobre,
une loi penalisant la negation du genocide de 1915. Ankara refuse
toujours de reconnaître ces massacres.
" Des decisions politiques ne peuvent pas resoudre un problème comme
celui des relations entre la Turquie et l'Armenie. La photographie
est une autre methode d'approche, explique Ozcan Yurdalan, membre de
l'agence stambouliote Nar Photos. Cette exposition est un miroir où
nous nous regardons a travers le regard des autres. " Dans les medias
turcs comme armeniens, l'initiative " Merhabarev ", soutenue par la
fondation allemande Heinrich-Boll, est accueillie très favorablement.
" Il est très important de connaître nos pays autrement que par la
propagande televisee ", souligne Ruben Mangasaryan, qui dirige le
departement photographique de l'Institut des medias du Caucase,
a Erevan. Au cours de leurs sept jours sur le terrain turc, les
cinq d'Erevan ont photographie des sujets heteroclites : derviches
tourneurs, bidonvilles d'Ayazma, une banlieue delabree d'Istanbul,
portraits d'Ataturk qui ornent les boutiques et les bureaux, ou des
ceremonies de circoncision... " Nous avons vu comment les gens vivent,
en passant beaucoup de temps dans les rues, a discuter, raconte Karen
Mirzoyan. Et nous avons plein de choses en commun. "
C'est la meme recherche du point commun qui a guide les reporters turcs
a travers leurs rencontres armeniennes. " Nous avons vu a quel point
ils etaient semblables a nous, constate Kerem Uzel. Le the ou le cafe
qu'on partage, l'hospitalite... Nos cultures sont très proches. "
A Erevan, ils ont retrouve des images familières, en parcourant
les marches ou les coulisses d'un theâtre. " Le plus gros problème,
c'est que les gens des deux pays ne se connaissent pas bien. Certains
de mes amis armeniens ne veulent pas entendre parler des Turcs ",
lâche Karen Mirzoyan. Ses grands-parents ont fui les massacres en
1915 a Van, aujourd'hui situee dans l'est de la Turquie.
Lui veut inviter a la reconciliation.
--Boundary_(ID_PbW3iqxpn2AvyOpu01 o3Kg)--