Le Figaro, France
02 juin 2006
Aliev : «L'Arménie ne peut rivaliser avec l'Azerbaïdjan»
Propos recueillis par Pierre Rousselin
LE FIGARO. - Que peut faire l'Azerbaïdjan pour aider l'Europe à
diversifier ses approvisionnements en gaz ? Ilham ALIEV. - Lorsque
nous l'avons lancé, en 1996, notre programme gazier ne visait que les
marchés de la Turquie et de la Géorgie.
Nous n'avions pas prévu la demande européenne de diversification de
ses approvisionnements. Nous n'avions jamais considéré l'Europe comme
un marché pour nous. Il va falloir étudier la nouvelle situation et
adapter nos investissements pour pouvoir fournir du gaz à l'Europe.
Techniquement, cela sera possible dès septembre prochain grce au
nouveau gazoduc vers la Turquie, mais en termes de volume ce n'est
pas suffisant. Vous venez de participer à un sommet du GUAM aux côtés
des dirigeants d'Ukraine, de Géorgie et de Moldavie. Vous sentez-vous
sur la même longueur d'onde que vos partenaires dans cette
organisation parfois présentée comme un front antirusse ? Nous étions
un membre fondateur du GUAM en 1997 et nous n'avons jamais considéré
qu'il s'agissait d'une organisation qui s'oppose à qui que ce soit.
Nous n'avons pas pour politique de nous en prendre à nos voisins. Il
nous semble d'autant plus important de participer au GUAM que
l'Azerbaïdjan est le seul pays membre qui dispose d'un énorme
potentiel énergétique. Nous nous trouvons au carrefour de l'Europe et
de l'Asie, ce qui fait qu'aucun projet de transport dans cette région
n'est possible sans nous. Êtes-vous inquiet des risques de conflit
entre les Etats-Unis et votre voisin iranien à propos de son
programme nucléaire ? Oui. Une déstabilisation aura un impact sur
toute la région. Pour nous, il ne s'agit pas d'un spectacle lointain
que l'on peut regarder à la télévision ou arrêter de regarder quand
on le souhaite. Nous considérons que les désaccords doivent être
résolus de façon pacifique par la diplomatie et dans un esprit de
bonne volonté. Compte tenu de ses liens militaires avec les
États-Unis, quelle serait l'attitude de l'Azerbaïdjan en cas de
conflit militaire avec l'Iran ? Nous sommes très satisfaits de nos
relations avec les États-Unis dans le domaine militaire comme dans
les autres domaines. Quant à l'Iran, l'Azerbaïdjan n'appuiera pas
d'actions militaires contre ce pays. Cela est compris à Washington.
Voyez-vous un espoir de règlement pour le Haut-Karabakh, ce
territoire azerbaïdjanais contrôlé par des séparatistes arméniens ?
Le Haut-Karabakh est un territoire qui appartient à l'Azerbaïdjan.
Cela est reconnu par l'ONU et l'ensemble de la communauté
internationale à l'exception de l'Arménie. L'intégrité territoriale
de l'Azerbaïdjan doit être restaurée, les forces d'occupation
arméniennes doivent se retirer et les millions d'Azerbaïdjanais qui
ont subi l'épuration ethnique doivent pouvoir revenir. L'Azerbaïdjan
est à la veille d'un énorme développement économique tandis que
l'Arménie, qui s'est isolée de tous les projets de développement
régionaux, ne pourra supporter la concurrence et souffrira de la
pauvreté. L'Arménie doit comprendre que sa politique d'occupation ne
la mène nulle part. Certains prêtent l'intention à votre pays de
profiter de ses recettes pétrolières pour se réarmer afin d'imposer à
l'Arménie un règlement du conflit du Haut-Karabakh. Notre budget
militaire est en expansion et nous allons moderniser notre armée. Il
est hors de question que l'Arménie puisse nous égaler. Le
Haut-Karabakh étant notre problème numéro un, nous allons
certainement moderniser nos capacités militaires. Mais je veux
ajouter que cela ne doit pas susciter de craintes chez nos voisins.
Aucune option ne peut être exclue mais nous sommes un peuple
pacifique et nous voulons vivre en paix avec nos voisins. Seulement,
nous n'accepterons jamais l'occupation. Votre élection en 2003 et les
législatives de novembre dernier ont été entachées de fraude. Que
répondez-vous à ceux qui dénoncent les manquements à la démocratie en
Azerbaïdjan ? Le résultat de la présidentielle n'a pas été contesté.
J'ai recueilli 76% des voix et j'obtiendrais un résultat au moins
aussi bon aujourd'hui. L'opposition s'est discréditée. Quant aux
législatives, il y a eu des irrégularités dans 10% des
circonscriptions. Les responsables ont été sanctionnés et des
élections partielles ont été organisées. Certaines critiques sont
justifiées. Nous ne sommes pas parfaits. Notre indépendance ne date
que d'il y a quinze ans et nous vivons dans un système très différent
de celui de l'époque soviétique. D'autres critiques sont
inacceptables parce qu'elles sont injustes et intéressées. Chacun
comprend que la révolution n'a pas d'avenir en Azerbaïdjan parce que
la population n'y est pas favorable. Je vous assure que le niveau de
la démocratie chez nous n'a rien à envier aux pays voisins.
02 juin 2006
Aliev : «L'Arménie ne peut rivaliser avec l'Azerbaïdjan»
Propos recueillis par Pierre Rousselin
LE FIGARO. - Que peut faire l'Azerbaïdjan pour aider l'Europe à
diversifier ses approvisionnements en gaz ? Ilham ALIEV. - Lorsque
nous l'avons lancé, en 1996, notre programme gazier ne visait que les
marchés de la Turquie et de la Géorgie.
Nous n'avions pas prévu la demande européenne de diversification de
ses approvisionnements. Nous n'avions jamais considéré l'Europe comme
un marché pour nous. Il va falloir étudier la nouvelle situation et
adapter nos investissements pour pouvoir fournir du gaz à l'Europe.
Techniquement, cela sera possible dès septembre prochain grce au
nouveau gazoduc vers la Turquie, mais en termes de volume ce n'est
pas suffisant. Vous venez de participer à un sommet du GUAM aux côtés
des dirigeants d'Ukraine, de Géorgie et de Moldavie. Vous sentez-vous
sur la même longueur d'onde que vos partenaires dans cette
organisation parfois présentée comme un front antirusse ? Nous étions
un membre fondateur du GUAM en 1997 et nous n'avons jamais considéré
qu'il s'agissait d'une organisation qui s'oppose à qui que ce soit.
Nous n'avons pas pour politique de nous en prendre à nos voisins. Il
nous semble d'autant plus important de participer au GUAM que
l'Azerbaïdjan est le seul pays membre qui dispose d'un énorme
potentiel énergétique. Nous nous trouvons au carrefour de l'Europe et
de l'Asie, ce qui fait qu'aucun projet de transport dans cette région
n'est possible sans nous. Êtes-vous inquiet des risques de conflit
entre les Etats-Unis et votre voisin iranien à propos de son
programme nucléaire ? Oui. Une déstabilisation aura un impact sur
toute la région. Pour nous, il ne s'agit pas d'un spectacle lointain
que l'on peut regarder à la télévision ou arrêter de regarder quand
on le souhaite. Nous considérons que les désaccords doivent être
résolus de façon pacifique par la diplomatie et dans un esprit de
bonne volonté. Compte tenu de ses liens militaires avec les
États-Unis, quelle serait l'attitude de l'Azerbaïdjan en cas de
conflit militaire avec l'Iran ? Nous sommes très satisfaits de nos
relations avec les États-Unis dans le domaine militaire comme dans
les autres domaines. Quant à l'Iran, l'Azerbaïdjan n'appuiera pas
d'actions militaires contre ce pays. Cela est compris à Washington.
Voyez-vous un espoir de règlement pour le Haut-Karabakh, ce
territoire azerbaïdjanais contrôlé par des séparatistes arméniens ?
Le Haut-Karabakh est un territoire qui appartient à l'Azerbaïdjan.
Cela est reconnu par l'ONU et l'ensemble de la communauté
internationale à l'exception de l'Arménie. L'intégrité territoriale
de l'Azerbaïdjan doit être restaurée, les forces d'occupation
arméniennes doivent se retirer et les millions d'Azerbaïdjanais qui
ont subi l'épuration ethnique doivent pouvoir revenir. L'Azerbaïdjan
est à la veille d'un énorme développement économique tandis que
l'Arménie, qui s'est isolée de tous les projets de développement
régionaux, ne pourra supporter la concurrence et souffrira de la
pauvreté. L'Arménie doit comprendre que sa politique d'occupation ne
la mène nulle part. Certains prêtent l'intention à votre pays de
profiter de ses recettes pétrolières pour se réarmer afin d'imposer à
l'Arménie un règlement du conflit du Haut-Karabakh. Notre budget
militaire est en expansion et nous allons moderniser notre armée. Il
est hors de question que l'Arménie puisse nous égaler. Le
Haut-Karabakh étant notre problème numéro un, nous allons
certainement moderniser nos capacités militaires. Mais je veux
ajouter que cela ne doit pas susciter de craintes chez nos voisins.
Aucune option ne peut être exclue mais nous sommes un peuple
pacifique et nous voulons vivre en paix avec nos voisins. Seulement,
nous n'accepterons jamais l'occupation. Votre élection en 2003 et les
législatives de novembre dernier ont été entachées de fraude. Que
répondez-vous à ceux qui dénoncent les manquements à la démocratie en
Azerbaïdjan ? Le résultat de la présidentielle n'a pas été contesté.
J'ai recueilli 76% des voix et j'obtiendrais un résultat au moins
aussi bon aujourd'hui. L'opposition s'est discréditée. Quant aux
législatives, il y a eu des irrégularités dans 10% des
circonscriptions. Les responsables ont été sanctionnés et des
élections partielles ont été organisées. Certaines critiques sont
justifiées. Nous ne sommes pas parfaits. Notre indépendance ne date
que d'il y a quinze ans et nous vivons dans un système très différent
de celui de l'époque soviétique. D'autres critiques sont
inacceptables parce qu'elles sont injustes et intéressées. Chacun
comprend que la révolution n'a pas d'avenir en Azerbaïdjan parce que
la population n'y est pas favorable. Je vous assure que le niveau de
la démocratie chez nous n'a rien à envier aux pays voisins.