UN CHARME ORIENTAL
Marie-Noëlle Tranchant
Le Figaro, France
28 juin 2006
CINEMA. Un homme disparaît. Barsam, Marseillais d'origine armenienne
(Marcel Bluwal), après s'etre dispute avec sa fille Anna (Ariane
Ascaride), cardiologue, qui lui a appris sans menagements qu'il devait
se faire operer, ferme sa maison et s'en va. Inquiète, Anna part a sa
recherche, ce qui va la conduire en Armenie, berceau de sa famille,
où Barsam a choisi de retourner finir ses jours.
Elle, femme moderne, active, cartesienne, n'y est jamais allee,
n'a jamais appris la langue armenienne, ne s'est jamais soucie de
ce passe lointain. Accompagnee par Sarkis Arabian (Simon Abkarian),
qui se rend regulièrement de Marseille a Erevan, et qui met a sa
disposition sa voiture et son chauffeur, Anna plonge dans ce pays
inconnu. Avec elle on fait un voyage plein de charme. Son point de
vue d'etrangère ignorante, un peu peremptoire mais contrainte de
s'abandonner aux rencontres, aux impressions, aux saveurs, selon
un itineraire qu'elle ne maîtrise pas, permet a Robert Guediguian
de deployer toute la richesse de sa palette. Son sens chaleureux du
pittoresque, son trait naïf et narquois, sa fraîcheur de perception,
son goût de l'utopie et d'une sociologie lyrique, servent très
justement sa peinture de l'Armenie. Croisement d'une civilisation
orientale chretienne millenaire et d'un pays naissant, tout juste
sorti du "sovietisme", dans l'effervescence d'un liberalisme mafieux.
Guediguian evite le simplisme ideologique en immergeant Anna dans
la vie quotidienne. Et meme si les peripeties vers la fin sont un
peu chargees, meme si la fiction devient une sorte de repertoire des
figures sociales obligees, les personnages, affectueusement campes,
sont la pour donner de la chair et du sang a ce film qui celèbre
heureusement les noces de la tradition et de la modernite trouble
et bouillonnante, au pied du mythique Ararat. Le vieux chauffeur
delicatement ceremonieux, la jeune beaute brune, si fine au naturel,
qui se transforme par necessite en blonde trafiquee, les vieilles
grands-mères, les brigands d'occasion, forment un paysage humain
complexe, attachant et vivant. Sans nostalgie, mais plein de
generosite.
--Boundary_(ID_SIUzjhgc1mNaA3pyK+k Tzg)--
Marie-Noëlle Tranchant
Le Figaro, France
28 juin 2006
CINEMA. Un homme disparaît. Barsam, Marseillais d'origine armenienne
(Marcel Bluwal), après s'etre dispute avec sa fille Anna (Ariane
Ascaride), cardiologue, qui lui a appris sans menagements qu'il devait
se faire operer, ferme sa maison et s'en va. Inquiète, Anna part a sa
recherche, ce qui va la conduire en Armenie, berceau de sa famille,
où Barsam a choisi de retourner finir ses jours.
Elle, femme moderne, active, cartesienne, n'y est jamais allee,
n'a jamais appris la langue armenienne, ne s'est jamais soucie de
ce passe lointain. Accompagnee par Sarkis Arabian (Simon Abkarian),
qui se rend regulièrement de Marseille a Erevan, et qui met a sa
disposition sa voiture et son chauffeur, Anna plonge dans ce pays
inconnu. Avec elle on fait un voyage plein de charme. Son point de
vue d'etrangère ignorante, un peu peremptoire mais contrainte de
s'abandonner aux rencontres, aux impressions, aux saveurs, selon
un itineraire qu'elle ne maîtrise pas, permet a Robert Guediguian
de deployer toute la richesse de sa palette. Son sens chaleureux du
pittoresque, son trait naïf et narquois, sa fraîcheur de perception,
son goût de l'utopie et d'une sociologie lyrique, servent très
justement sa peinture de l'Armenie. Croisement d'une civilisation
orientale chretienne millenaire et d'un pays naissant, tout juste
sorti du "sovietisme", dans l'effervescence d'un liberalisme mafieux.
Guediguian evite le simplisme ideologique en immergeant Anna dans
la vie quotidienne. Et meme si les peripeties vers la fin sont un
peu chargees, meme si la fiction devient une sorte de repertoire des
figures sociales obligees, les personnages, affectueusement campes,
sont la pour donner de la chair et du sang a ce film qui celèbre
heureusement les noces de la tradition et de la modernite trouble
et bouillonnante, au pied du mythique Ararat. Le vieux chauffeur
delicatement ceremonieux, la jeune beaute brune, si fine au naturel,
qui se transforme par necessite en blonde trafiquee, les vieilles
grands-mères, les brigands d'occasion, forment un paysage humain
complexe, attachant et vivant. Sans nostalgie, mais plein de
generosite.
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