LA TURQUIE RAPPELLE SES AMBASSADEURS A PARIS ET OTTAWA
Sophie Shihab
Le Monde
10 mai 2006
Turquie Genocide Armenien
La question armenienne empoisonne de nouveau les relations de
la Turquie avec la France et le Canada. Ankara a annonce, lundi 8
mai, le rappel " pour consultations pour une courte duree " de ses
ambassadeurs a Paris et a Ottawa.
Depuis dix jours, Ankara mettait en garde contre la probable
adoption, le 18 mai au Parlement francais, d'une proposition de loi
penalisant tout deni du genocide armenien d'un an de prison et de
fortes amendes. Le ministre turc des affaires etrangères, Abdullah
Gul, avait d'abord interroge son homologue francais, fin avril,
pour savoir s'il serait embastille a sa prochaine entree en France.
La Turquie nie officiellement le " genocide " de 1915, meme si le
sujet n'est plus tabou. Le president du Parlement turc a rappele
a son propre homologue francais que " l'histoire doit etre laissee
aux historiens " et que la France, " qui joue un rôle eminent pour
etendre les droits de l'homme dans le monde ", ne devrait pas voter
une loi " limitant la liberte de pensee ". Enfin, le porte-parole de
la diplomatie turque a parle des " dommages irreparables " que son
adoption causerait aux relations franco-turques.
Ces mises en garde n'ayant produit aucun effet susceptible d'arreter
l'adoption de la loi, Ankara a rappele son ambassadeur. Au Canada,
le premier ministre, Stephen Harper, avait " consterne " Ankara en
disant qu'il partageait l'opinion de son Parlement qui, en 2005,
avait reconnu le genocide armenien.
Les deux ambassadeurs sont censes " regagner leurs postes a la fin
des consultations ". Mais les medias citent des diplomates turcs
selon lesquels " Ankara est decidee a frapper, s'il le faut, plus
fort qu'en 2001 ", quand fut votee, en France, la loi reconnaissant
le genocide. Des contrats avec Thomson, Alcatel et Bouygues furent
alors annules, de meme que des actions universitaires et culturelles.
Les importations de produits francais furent freinees, voire
bloquees. Certains taxis affichaient meme des pancartes : " pas de
clients francais ".
Cette fois-ci, l'image de la France est deja celle du pays " qui mène
l'opposition a l'entree en Europe " de la Turquie. Ses dirigeants,
entres en periode electorale dans un contexte de nationalisme
croissant, seront tentes par la rupture avec une France dont les
dirigeants sont " prets a tout pour gagner les voix de leurs 400
000 Armeniens ", comme le repètent les medias turcs. Murat Yetkin,
editorialiste de Radikal, semble isole en relevant le dommage que
s'inflige Ankara avec ses menaces d'embargo contre les pays, en nombre
croissant, qui reconnaissent le genocide.
--Boundary_(ID_zOF/vLqf/tTQw9RIEgWLvQ)- -
Sophie Shihab
Le Monde
10 mai 2006
Turquie Genocide Armenien
La question armenienne empoisonne de nouveau les relations de
la Turquie avec la France et le Canada. Ankara a annonce, lundi 8
mai, le rappel " pour consultations pour une courte duree " de ses
ambassadeurs a Paris et a Ottawa.
Depuis dix jours, Ankara mettait en garde contre la probable
adoption, le 18 mai au Parlement francais, d'une proposition de loi
penalisant tout deni du genocide armenien d'un an de prison et de
fortes amendes. Le ministre turc des affaires etrangères, Abdullah
Gul, avait d'abord interroge son homologue francais, fin avril,
pour savoir s'il serait embastille a sa prochaine entree en France.
La Turquie nie officiellement le " genocide " de 1915, meme si le
sujet n'est plus tabou. Le president du Parlement turc a rappele
a son propre homologue francais que " l'histoire doit etre laissee
aux historiens " et que la France, " qui joue un rôle eminent pour
etendre les droits de l'homme dans le monde ", ne devrait pas voter
une loi " limitant la liberte de pensee ". Enfin, le porte-parole de
la diplomatie turque a parle des " dommages irreparables " que son
adoption causerait aux relations franco-turques.
Ces mises en garde n'ayant produit aucun effet susceptible d'arreter
l'adoption de la loi, Ankara a rappele son ambassadeur. Au Canada,
le premier ministre, Stephen Harper, avait " consterne " Ankara en
disant qu'il partageait l'opinion de son Parlement qui, en 2005,
avait reconnu le genocide armenien.
Les deux ambassadeurs sont censes " regagner leurs postes a la fin
des consultations ". Mais les medias citent des diplomates turcs
selon lesquels " Ankara est decidee a frapper, s'il le faut, plus
fort qu'en 2001 ", quand fut votee, en France, la loi reconnaissant
le genocide. Des contrats avec Thomson, Alcatel et Bouygues furent
alors annules, de meme que des actions universitaires et culturelles.
Les importations de produits francais furent freinees, voire
bloquees. Certains taxis affichaient meme des pancartes : " pas de
clients francais ".
Cette fois-ci, l'image de la France est deja celle du pays " qui mène
l'opposition a l'entree en Europe " de la Turquie. Ses dirigeants,
entres en periode electorale dans un contexte de nationalisme
croissant, seront tentes par la rupture avec une France dont les
dirigeants sont " prets a tout pour gagner les voix de leurs 400
000 Armeniens ", comme le repètent les medias turcs. Murat Yetkin,
editorialiste de Radikal, semble isole en relevant le dommage que
s'inflige Ankara avec ses menaces d'embargo contre les pays, en nombre
croissant, qui reconnaissent le genocide.
--Boundary_(ID_zOF/vLqf/tTQw9RIEgWLvQ)- -