LES INTERETS FRANCAIS MENACES EN TURQUIE
Jeanne Lhoste
Le Figaro
10 mai 2006
LES INTERÊTS economiques francais se retrouvent otages d'un bras de fer
diplomatique engage par la Turquie contre Paris. Deux propositions de
loi qui visent a penaliser la negation du genocide armenien, examinees
a l'Assemblee nationale le 18 mai, ont en effet declenche la colère
d'Ankara. La Turquie multiplie les pressions pour tenter d'empecher ce
vote et contre-attaque sur tous les fronts : l'ambassadeur turc a Paris
a ete rappele en debut de semaine pour "consultations" et les menaces
de represailles contre les entreprises francaises en cas d'adoption
de ce texte sont clairement evoquees par les responsables politiques.
Hier après-midi, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a convoque
les representants de grandes entreprises francaises installees
dans le pays pour evoquer le problème. Le week-end dernier, Mehmet
Dulger, le president de la commission des affaires etrangères au
Parlement turc, a annonce qu'un boycott des produits francais etait
envisageable, de meme que la mise a l'ecart de la France dans les
procedures d'appels d'offres. Un appel au boycott des marchandises
francaises circule deja sur Internet et dans les ministères : Axa,
Danone, L'Oreal, Renault, Lafarge et toutes les marques presentes
en Turquie apparaissent sur cette liste rouge. Par ailleurs, les
medias turcs passent d'ores et deja en revue les appels d'offres les
plus sensibles dont les Francais pourraient etre evinces. Areva qui
convoite la construction de la première centrale nucleaire turque est
menace au premier chef . Un groupe canadien a deja ete exclu de la
liste des candidats, Ankara n'ayant pas apprecie les declarations du
premier ministre sur le genocide armenien. Ankara veut frapper fort
Face a la determination turque, le president de la chambre de commerce
franco-turque ne cache pas son inquietude pour les 250 entreprises
francaises deja implantees la-bas et pour les exportations vers la
Turquie. Elles ont atteint 4,7 milliards d'euros l'an dernier. "Les
echanges entre les deux pays subiraient des dommages irreparables",
estime Raphaël Esposito. Lundi, la chambre de commerce a meme adresse
une lettre ouverte a Jacques Chirac pour lui faire part du "prejudice
irremediable" que provoquerait la loi. Meme constat de la part du
directeur de Carrefour, Luc de Noirmont : "Les deputes francais ne
soupconnent pas a quel point le sujet est sensible en Turquie. Ils
sous-estiment totalement les repercussions de cette loi, irresponsable
sur le plan economique." En 2001, la loi votee par la France et qui
reconnaissait le genocide armenien avait deja penalise les entreprises
nationales : des contrats avec Thomson et Alcatel avaient ete annules
; les PME avaient subi de multiples tracasseries administratives,
de meme que Peugeot ou Danone. Et des entreprises turques avaient
stoppe leurs importations de France...
Mais la crise economique avait finalement fait passer ces mesures de
retorsion au second plan. Le contexte diffère totalement en 2006.
Enhardie par sa forte croissance, la Turquie est bien decidee a
frapper fort. n Lire aussi page 10.
--Boundary_(ID_6+S402B5w0dqOKEX9/4szw)--
Jeanne Lhoste
Le Figaro
10 mai 2006
LES INTERÊTS economiques francais se retrouvent otages d'un bras de fer
diplomatique engage par la Turquie contre Paris. Deux propositions de
loi qui visent a penaliser la negation du genocide armenien, examinees
a l'Assemblee nationale le 18 mai, ont en effet declenche la colère
d'Ankara. La Turquie multiplie les pressions pour tenter d'empecher ce
vote et contre-attaque sur tous les fronts : l'ambassadeur turc a Paris
a ete rappele en debut de semaine pour "consultations" et les menaces
de represailles contre les entreprises francaises en cas d'adoption
de ce texte sont clairement evoquees par les responsables politiques.
Hier après-midi, le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a convoque
les representants de grandes entreprises francaises installees
dans le pays pour evoquer le problème. Le week-end dernier, Mehmet
Dulger, le president de la commission des affaires etrangères au
Parlement turc, a annonce qu'un boycott des produits francais etait
envisageable, de meme que la mise a l'ecart de la France dans les
procedures d'appels d'offres. Un appel au boycott des marchandises
francaises circule deja sur Internet et dans les ministères : Axa,
Danone, L'Oreal, Renault, Lafarge et toutes les marques presentes
en Turquie apparaissent sur cette liste rouge. Par ailleurs, les
medias turcs passent d'ores et deja en revue les appels d'offres les
plus sensibles dont les Francais pourraient etre evinces. Areva qui
convoite la construction de la première centrale nucleaire turque est
menace au premier chef . Un groupe canadien a deja ete exclu de la
liste des candidats, Ankara n'ayant pas apprecie les declarations du
premier ministre sur le genocide armenien. Ankara veut frapper fort
Face a la determination turque, le president de la chambre de commerce
franco-turque ne cache pas son inquietude pour les 250 entreprises
francaises deja implantees la-bas et pour les exportations vers la
Turquie. Elles ont atteint 4,7 milliards d'euros l'an dernier. "Les
echanges entre les deux pays subiraient des dommages irreparables",
estime Raphaël Esposito. Lundi, la chambre de commerce a meme adresse
une lettre ouverte a Jacques Chirac pour lui faire part du "prejudice
irremediable" que provoquerait la loi. Meme constat de la part du
directeur de Carrefour, Luc de Noirmont : "Les deputes francais ne
soupconnent pas a quel point le sujet est sensible en Turquie. Ils
sous-estiment totalement les repercussions de cette loi, irresponsable
sur le plan economique." En 2001, la loi votee par la France et qui
reconnaissait le genocide armenien avait deja penalise les entreprises
nationales : des contrats avec Thomson et Alcatel avaient ete annules
; les PME avaient subi de multiples tracasseries administratives,
de meme que Peugeot ou Danone. Et des entreprises turques avaient
stoppe leurs importations de France...
Mais la crise economique avait finalement fait passer ces mesures de
retorsion au second plan. Le contexte diffère totalement en 2006.
Enhardie par sa forte croissance, la Turquie est bien decidee a
frapper fort. n Lire aussi page 10.
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