"GENOCIDE ARMENIEN": UN DEBAT QUI INQUIèTE LES MILIEUX D'AFFAIRES FRANCAIS
Claude Fouquet
Les Echos
19 mai 2006
Un simple sursis mais un bol d'air salutaire pour les milieux
d'affaires. En decidant hier de reporter a l'automne l'examen de
la proposition de loi socialiste visant a penaliser la negation du
"genocide armenien" de 1915, l'Assemblee nationale n'a fait que gagner
du temps. Et laisse Ankara sur sa faim: "Notre attente est que le
renvoi de la proposition de loi devant l'Assemblee nationale francaise
lors de sa prochaine session soit abandonne", a ainsi indique dans
un communique publie hier le ministère turc des Affaires etrangères.
Côte francais, c'est plutôt le soulagement. Car les milieux d'affaires,
tout en multipliant ces dernières semaines les contacts avec leurs
homologues turcs, prenaient très au serieux les menaces de retombees
economiques exprimees notamment par le Premier ministre Recep
Tayyip Erdogan. Ainsi, selon nos informations, c'est dans l'attente
de l'examen de la proposition de loi que la Turquie fait traîner
sa reponse concernant l'appel d'offres pour le projet de tunnel
ferroviaire - Marmarai - sous le Bosphore. "Un projet de quelque 815
millions d'euros pour lequel Alstom s'est avere etre le meilleur lors
de l'appel d'offres", expliquait hier aux "Echos" un proche du dossier.
A Bercy, où on fulmine en evoquant une proposition de loi qui risque de
mettre a mal les relations economiques entre les deux pays, on attend
de voir dans quel climat se deroulera la visite, toujours a l'ordre
du jour, que Christine Lagarde, ministre du Commerce exterieur, doit
effectuer a la mi-juin. Il sera alors possible d'evaluer le risque
reel de voir se fermer la porte du 5e debouche commercial francais
hors Union europeenne (avec 4,7 milliards d'euros d'exportations).
Des appels turcs au boycott
Car, meme s'ils ont sans doute la main un peu lourde, les
services de Bercy ont fait leurs comptes: les contrats en cours
de negociation representent 14 milliards d'euros. Sur ce total, "4
milliards concernent le domaine militaire avec notamment la fourniture
d'helicoptères et 10 milliards sont des contrats civils". Parmi eux, il
y a notamment deux projets concernant la traversee du Bosphore: outre
le projet Marmarai, celui d'un 3e pont sur le Bosphore qui interesse
Bouygues et Vinci, des opportunites de ventes d'Airbus et des espoirs
pour Areva suite a la volonte d'Ankara de relancer son nucleaire civil.
Sur le sol turc, l'inquietude des entreprises francaises est reelle.
Et ce d'autant plus que, comme le rappelle l'un d'eux, "l'image de
la France est degradee depuis le vote concernant l'adhesion de la
Turquie a l'Europe". Alstom, Accor ou Danone auraient ainsi tire la
sonnette d'alarme auprès de leurs interlocuteurs turcs et francais
suite a differents appels turcs au boycott de produits francais.
L'un de ces appels, diffuse sur Internet, a meme suscite une certaine
inquietude a l'ambassade de France a Ankara. Donnant la liste des 37
marques francaises diffusees en Turquie, ce site met a la disposition
des internautes un modèle de lettre a adresser aux deputes francais
et les coordonnees mail de ces derniers. Preuve, selon un diplomate,
qu'il ne s'agit pas d'un travail d'amateur.
La proposition de loi
Completer la loi de 2001: le texte examine hier par les deputes vise a
completer par un volet penal la loi du 29 janvier 2001 par laquelle la
France reconnaît le "genocide armenien".Amende: il fait de la negation
du genocide un delit punissable d'un an d'emprisonnement et de 45.000
euros d'amende.Division: la question divise le Parlement au-dela
du clivage gauche-droite, certains elus UMP y etant par exemple
favorables, tandis que Jean-Marc Ayrault, president du groupe PS a
l'Assemblee, est oppose a cette proposition socialiste...
--Boundary_(ID_6jSmMpZCqWs6FOrCZ7uW 4w)--
Claude Fouquet
Les Echos
19 mai 2006
Un simple sursis mais un bol d'air salutaire pour les milieux
d'affaires. En decidant hier de reporter a l'automne l'examen de
la proposition de loi socialiste visant a penaliser la negation du
"genocide armenien" de 1915, l'Assemblee nationale n'a fait que gagner
du temps. Et laisse Ankara sur sa faim: "Notre attente est que le
renvoi de la proposition de loi devant l'Assemblee nationale francaise
lors de sa prochaine session soit abandonne", a ainsi indique dans
un communique publie hier le ministère turc des Affaires etrangères.
Côte francais, c'est plutôt le soulagement. Car les milieux d'affaires,
tout en multipliant ces dernières semaines les contacts avec leurs
homologues turcs, prenaient très au serieux les menaces de retombees
economiques exprimees notamment par le Premier ministre Recep
Tayyip Erdogan. Ainsi, selon nos informations, c'est dans l'attente
de l'examen de la proposition de loi que la Turquie fait traîner
sa reponse concernant l'appel d'offres pour le projet de tunnel
ferroviaire - Marmarai - sous le Bosphore. "Un projet de quelque 815
millions d'euros pour lequel Alstom s'est avere etre le meilleur lors
de l'appel d'offres", expliquait hier aux "Echos" un proche du dossier.
A Bercy, où on fulmine en evoquant une proposition de loi qui risque de
mettre a mal les relations economiques entre les deux pays, on attend
de voir dans quel climat se deroulera la visite, toujours a l'ordre
du jour, que Christine Lagarde, ministre du Commerce exterieur, doit
effectuer a la mi-juin. Il sera alors possible d'evaluer le risque
reel de voir se fermer la porte du 5e debouche commercial francais
hors Union europeenne (avec 4,7 milliards d'euros d'exportations).
Des appels turcs au boycott
Car, meme s'ils ont sans doute la main un peu lourde, les
services de Bercy ont fait leurs comptes: les contrats en cours
de negociation representent 14 milliards d'euros. Sur ce total, "4
milliards concernent le domaine militaire avec notamment la fourniture
d'helicoptères et 10 milliards sont des contrats civils". Parmi eux, il
y a notamment deux projets concernant la traversee du Bosphore: outre
le projet Marmarai, celui d'un 3e pont sur le Bosphore qui interesse
Bouygues et Vinci, des opportunites de ventes d'Airbus et des espoirs
pour Areva suite a la volonte d'Ankara de relancer son nucleaire civil.
Sur le sol turc, l'inquietude des entreprises francaises est reelle.
Et ce d'autant plus que, comme le rappelle l'un d'eux, "l'image de
la France est degradee depuis le vote concernant l'adhesion de la
Turquie a l'Europe". Alstom, Accor ou Danone auraient ainsi tire la
sonnette d'alarme auprès de leurs interlocuteurs turcs et francais
suite a differents appels turcs au boycott de produits francais.
L'un de ces appels, diffuse sur Internet, a meme suscite une certaine
inquietude a l'ambassade de France a Ankara. Donnant la liste des 37
marques francaises diffusees en Turquie, ce site met a la disposition
des internautes un modèle de lettre a adresser aux deputes francais
et les coordonnees mail de ces derniers. Preuve, selon un diplomate,
qu'il ne s'agit pas d'un travail d'amateur.
La proposition de loi
Completer la loi de 2001: le texte examine hier par les deputes vise a
completer par un volet penal la loi du 29 janvier 2001 par laquelle la
France reconnaît le "genocide armenien".Amende: il fait de la negation
du genocide un delit punissable d'un an d'emprisonnement et de 45.000
euros d'amende.Division: la question divise le Parlement au-dela
du clivage gauche-droite, certains elus UMP y etant par exemple
favorables, tandis que Jean-Marc Ayrault, president du groupe PS a
l'Assemblee, est oppose a cette proposition socialiste...
--Boundary_(ID_6jSmMpZCqWs6FOrCZ7uW 4w)--