CHIRAC POUSSE LA TURQUIE A ASSUMER SON PASSE
Philippe Goulliaud
Le Figaro, France
03 octobre 2006
"SOUVIENS-TOI". Ces mots inscrits par Jacques Chirac sur le livre
d'or du Memorial du genocide, a Erevan, donnent le sens de la visite
d'Etat, hautement symbolique, du president francais en Armenie :
regarder l'Histoire en face. Cette visite de trois jours, la première
d'un president francais et meme d'un chef d'Etat occidental dans cette
toute jeune Republique qui a accede a l'independance en 1991, etait
très attendue. Surtout de la part d'un homme qui, tout en cultivant
ses relations amicales avec l'Armenie, a toujours soutenu l'entree de
la Turquie dans l'Union europeenne. À Erevan, Chirac a donc accompli
les gestes qu'attendaient les Armeniens.
Accompagne de son homologue armenien Robert Kotcharian, le
president francais a visite le Memorial du genocide, sur la colline
du Fort-aux-Hirondelles qui domine la capitale. Comme le veut la
tradition, Jacques et Bernadette Chirac ont depose des oeillets devant
la flamme eternelle, avant de planter un arbre du souvenir.
Dans ce lieu symbolique de la tragedie du peuple armenien, le
footballeur Youri Djorkaeff s'est longuement recueilli, tandis que
le journaliste Daniel Bilalian etait submerge par l'emotion. Chirac
et Kotcharian ont ensuite inaugure la place de France, au coeur
d'Erevan. L'ancienne place de l'Opera etait, a la fin des annees 1980,
le haut lieu de la contestation au regime sovietique. Samedi soir, il
a assiste, place de la Republique, au grand concert du plus celèbre
Armenien, Charles Aznavour. Un travail de memoire À Erevan, Jacques
Chirac a surtout eu les mots qu'esperaient, sans toujours y croire,
les Armeniens, notamment ceux de France. Au cours d'une conference
de presse conjointe avec Robert Kotcharian, il a pose un principe :
"La France reconnaît le genocide armenien." Mais il est alle plus
loin. La Turquie doit-elle reconnaître le genocide pour pouvoir entrer
dans l'UE ? "Honnetement, je le crois", a-t-il dit.
"Tout pays se grandit en reconnaissant ses drames et ses erreurs."
Jacques Chirac a fait un parallèle avec l'Allemagne et la
reconciliation franco-allemande de l'après-guerre. "Peut-on dire que
l'Allemagne, qui a profondement reconnu la Shoah, a perdu son credit
? Elle s'est grandie", a-t-il affirme, appelant Ankara a faire un
travail de memoire similaire. "La Turquie serait bien inspiree, au
regard de son histoire, de sa tradition profonde et de sa culture,
qui est aussi une culture humaniste, d'en tirer les consequences."
Meme si l'entourage du president a fait valoir qu'il ne s'agissait pas
d'un changement de position de sa part, les Armeniens de France ont
immediatement salue ce "pas en avant". Très hostile a l'adhesion de la
Turquie, le sarkozyste Patrick Devedjian s'est rejoui de cette "avancee
considerable". "C'est un moment historique", a-t-il dit en soulignant
la portee symbolique des declarations de Jacques Chirac "a deux pas
de la frontière turque qui est fermee dans le but avoue d'asphyxier
l'Armenie". Jacques Chirac a toutefois decu certains membres de la
diaspora en condamnant par avance la proposition de loi socialiste
visant a penaliser la negation du genocide armenien. Cette proposition,
qui devrait etre examinee par les deputes le 12 octobre, "relève plus,
aujourd'hui, de la polemique que de la realite juridique", a-t-il
dit, en expliquant que l'arsenal legislatif existant permettait de
sanctionner le negationnisme. n Lire aussi pages 14, 15 et 34.
--Boundary_(ID_uvwP1HhBZiN5DcHJVCdyCg)--
Philippe Goulliaud
Le Figaro, France
03 octobre 2006
"SOUVIENS-TOI". Ces mots inscrits par Jacques Chirac sur le livre
d'or du Memorial du genocide, a Erevan, donnent le sens de la visite
d'Etat, hautement symbolique, du president francais en Armenie :
regarder l'Histoire en face. Cette visite de trois jours, la première
d'un president francais et meme d'un chef d'Etat occidental dans cette
toute jeune Republique qui a accede a l'independance en 1991, etait
très attendue. Surtout de la part d'un homme qui, tout en cultivant
ses relations amicales avec l'Armenie, a toujours soutenu l'entree de
la Turquie dans l'Union europeenne. À Erevan, Chirac a donc accompli
les gestes qu'attendaient les Armeniens.
Accompagne de son homologue armenien Robert Kotcharian, le
president francais a visite le Memorial du genocide, sur la colline
du Fort-aux-Hirondelles qui domine la capitale. Comme le veut la
tradition, Jacques et Bernadette Chirac ont depose des oeillets devant
la flamme eternelle, avant de planter un arbre du souvenir.
Dans ce lieu symbolique de la tragedie du peuple armenien, le
footballeur Youri Djorkaeff s'est longuement recueilli, tandis que
le journaliste Daniel Bilalian etait submerge par l'emotion. Chirac
et Kotcharian ont ensuite inaugure la place de France, au coeur
d'Erevan. L'ancienne place de l'Opera etait, a la fin des annees 1980,
le haut lieu de la contestation au regime sovietique. Samedi soir, il
a assiste, place de la Republique, au grand concert du plus celèbre
Armenien, Charles Aznavour. Un travail de memoire À Erevan, Jacques
Chirac a surtout eu les mots qu'esperaient, sans toujours y croire,
les Armeniens, notamment ceux de France. Au cours d'une conference
de presse conjointe avec Robert Kotcharian, il a pose un principe :
"La France reconnaît le genocide armenien." Mais il est alle plus
loin. La Turquie doit-elle reconnaître le genocide pour pouvoir entrer
dans l'UE ? "Honnetement, je le crois", a-t-il dit.
"Tout pays se grandit en reconnaissant ses drames et ses erreurs."
Jacques Chirac a fait un parallèle avec l'Allemagne et la
reconciliation franco-allemande de l'après-guerre. "Peut-on dire que
l'Allemagne, qui a profondement reconnu la Shoah, a perdu son credit
? Elle s'est grandie", a-t-il affirme, appelant Ankara a faire un
travail de memoire similaire. "La Turquie serait bien inspiree, au
regard de son histoire, de sa tradition profonde et de sa culture,
qui est aussi une culture humaniste, d'en tirer les consequences."
Meme si l'entourage du president a fait valoir qu'il ne s'agissait pas
d'un changement de position de sa part, les Armeniens de France ont
immediatement salue ce "pas en avant". Très hostile a l'adhesion de la
Turquie, le sarkozyste Patrick Devedjian s'est rejoui de cette "avancee
considerable". "C'est un moment historique", a-t-il dit en soulignant
la portee symbolique des declarations de Jacques Chirac "a deux pas
de la frontière turque qui est fermee dans le but avoue d'asphyxier
l'Armenie". Jacques Chirac a toutefois decu certains membres de la
diaspora en condamnant par avance la proposition de loi socialiste
visant a penaliser la negation du genocide armenien. Cette proposition,
qui devrait etre examinee par les deputes le 12 octobre, "relève plus,
aujourd'hui, de la polemique que de la realite juridique", a-t-il
dit, en expliquant que l'arsenal legislatif existant permettait de
sanctionner le negationnisme. n Lire aussi pages 14, 15 et 34.
--Boundary_(ID_uvwP1HhBZiN5DcHJVCdyCg)--