DES HISTORIENS VEULENT SAISIR JACQUES CHIRAC SI LE SENAT CONFIRME CETTE " PROVOCATION "
Jean-Baptiste de Montvalon
Le Monde
14 octobre 2006 samedi
LE TEXTE etait, a leurs yeux, " affligeant " ; son vote constitue
" une veritable provocation ". Reunis dans la soiree du jeudi 12
octobre, quelques heures après l'examen par l'Assemblee nationale de
la proposition de loi visant a sanctionner la negation du genocide
armenien, les membres de l'association Liberte pour l'histoire ont
redige un communique virulent.
Promettant, " si le Senat devait confirmer le vote de l'Assemblee
", de demander au president de la Republique de " saisir le Conseil
constitutionnel (...) pour qu'il annule " cette loi, ces historiens
- parmi lesquels Jean-Pierre Azema, Elisabeth Badinter, Marc Ferro,
Jacques Julliard, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Rene Remond,
Jean-Pierre Vernant - font part de leur vive inquietude.
Tout en exprimant leur " profond sentiment de solidarite " pour les "
victimes de l'histoire ", ils deplorent que la France soit " engagee
dans un processus accelere de lois etablissant des verites d'Etat sur
le passe ". " Un mouvement rapide d'appropriation de l'histoire par
des memoires particulières et de recul des libertes democratiques
" se poursuit, constatent-ils, " alors meme que le president de
la Republique a declare que "ce n'est pas au Parlement d'ecrire
l'histoire". "
" VERITES OFFICIELLES "
Liberte pour l'histoire revient sur l'autre affront de la journee :
le rejet d'un amendement UMP qui visait a exclure les " recherches
universitaires ou scientifiques " du champ d'application de la
loi. " L'Assemblee nationale vient d'ôter le masque : ce ne sont pas
d'eventuels "troubles a l'ordre public" qu'elle entend empecher par
ces lois, c'est bien la recherche universitaire et tous les enseignants
qu'elle veut, sous peine d'amende ou de prison, soumettre aux verites
officielles qu'elle edicte ", relèvent les historiens.
Soucieux que leur reaction ne soit pas percue comme corporatiste,
ils soulignent qu'ils " se trouvent en première ligne d'un combat qui
interesse tous les citoyens et met en cause la possibilite pour chacun
d'acceder a la connaissance et au libre examen ". " Ce sont bien les
libertes de pensee et d'expression qui sont menacees ", insistent-ils.
En decembre 2005, ces historiens avaient signe une petition reclamant
l'abrogation partielle de plusieurs lois " memorielles ", dont celle
sur la reconnaissance du genocide armenien. Si l'alinea de la loi sur
les rapatries consacrant le " rôle positif " de la colonisation a ete
par la suite abroge par decret, les historiens redoutent desormais
un engrenage.
Des dispositions similaires pourraient etre proposees au sujet
de l'esclavage, reconnu par la loi Taubira comme un " crime contre
l'humanite ". " Demain, ce sera le tour des Vendeens, et après-demain
des Albigeois ! ", s'exclame Pierre Nora, qui se dit " epouvante "
par cette " formidable regression ".
--Boundary_(ID_w0Hof95CIBiKnT2UKX8cdg)--
Jean-Baptiste de Montvalon
Le Monde
14 octobre 2006 samedi
LE TEXTE etait, a leurs yeux, " affligeant " ; son vote constitue
" une veritable provocation ". Reunis dans la soiree du jeudi 12
octobre, quelques heures après l'examen par l'Assemblee nationale de
la proposition de loi visant a sanctionner la negation du genocide
armenien, les membres de l'association Liberte pour l'histoire ont
redige un communique virulent.
Promettant, " si le Senat devait confirmer le vote de l'Assemblee
", de demander au president de la Republique de " saisir le Conseil
constitutionnel (...) pour qu'il annule " cette loi, ces historiens
- parmi lesquels Jean-Pierre Azema, Elisabeth Badinter, Marc Ferro,
Jacques Julliard, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Rene Remond,
Jean-Pierre Vernant - font part de leur vive inquietude.
Tout en exprimant leur " profond sentiment de solidarite " pour les "
victimes de l'histoire ", ils deplorent que la France soit " engagee
dans un processus accelere de lois etablissant des verites d'Etat sur
le passe ". " Un mouvement rapide d'appropriation de l'histoire par
des memoires particulières et de recul des libertes democratiques
" se poursuit, constatent-ils, " alors meme que le president de
la Republique a declare que "ce n'est pas au Parlement d'ecrire
l'histoire". "
" VERITES OFFICIELLES "
Liberte pour l'histoire revient sur l'autre affront de la journee :
le rejet d'un amendement UMP qui visait a exclure les " recherches
universitaires ou scientifiques " du champ d'application de la
loi. " L'Assemblee nationale vient d'ôter le masque : ce ne sont pas
d'eventuels "troubles a l'ordre public" qu'elle entend empecher par
ces lois, c'est bien la recherche universitaire et tous les enseignants
qu'elle veut, sous peine d'amende ou de prison, soumettre aux verites
officielles qu'elle edicte ", relèvent les historiens.
Soucieux que leur reaction ne soit pas percue comme corporatiste,
ils soulignent qu'ils " se trouvent en première ligne d'un combat qui
interesse tous les citoyens et met en cause la possibilite pour chacun
d'acceder a la connaissance et au libre examen ". " Ce sont bien les
libertes de pensee et d'expression qui sont menacees ", insistent-ils.
En decembre 2005, ces historiens avaient signe une petition reclamant
l'abrogation partielle de plusieurs lois " memorielles ", dont celle
sur la reconnaissance du genocide armenien. Si l'alinea de la loi sur
les rapatries consacrant le " rôle positif " de la colonisation a ete
par la suite abroge par decret, les historiens redoutent desormais
un engrenage.
Des dispositions similaires pourraient etre proposees au sujet
de l'esclavage, reconnu par la loi Taubira comme un " crime contre
l'humanite ". " Demain, ce sera le tour des Vendeens, et après-demain
des Albigeois ! ", s'exclame Pierre Nora, qui se dit " epouvante "
par cette " formidable regression ".
--Boundary_(ID_w0Hof95CIBiKnT2UKX8cdg)--