GENOCIDE ARMENIEN : LA TURQUIE BOYCOTTE AVEC MODERATION
Auteur: Semo Marc
Liberation , France
18 octobre 2006
Ankara condamne le projet de loi francais mais ne peut se permettre
d'ecarter les entreprises francaises.
Au-dela des effets de manche, les reactions turques restent très
contenues après le vote, jeudi en première lecture, par 106 deputes
francais, d'un projet de loi sanctionnant la negation du genocide
armenien de 1915-1917. "L'adoption de cette proposition de loi a porte
un coup sevère aux relations turco-francaises", a de nouveau mis en
garde, hier, le ministre des Affaires etrangères, Abdullah Gul, dans
un discours devant le Parlement, affirmant que si cette loi prenait
effet les liens bilateraux seraient "irreparablement endommages dans
les domaines economique, politique et de la securite".
La France est le cinquième fournisseur de la Turquie derrière
l'Allemagne, la Russie, l'Italie et la Chine, avec des echanges
s'elevant a 8,5 milliards d'euros. Les autorites turques se gardent
bien, neanmoins, d'appeler a un boycott des entreprises ou des
produits francais. Une telle initiative indisposerait Bruxelles qui,
dans cette crise, soutient Ankara, critiquant ouvertement le projet
de loi francais, juge "dangereux et contre-productif". C'est une
aubaine pour le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, issu du mouvement
islamiste epingle depuis des mois par les Vingt-Cinq pour sa mauvaise
volonte a continuer les reformes depuis l'ouverture des negociations
d'adhesion, en octobre 2005. Mais l'opposition sociale-democrate,
traditionnellement souverainiste, attaque le gouvernement sur la
"mollesse" de sa reaction. "Le gouvernement reste timide sur les
represailles", a ainsi estime Onur ÷ymen, vice-president du Parti
republicain du peuple.
Si les autorites gardent profil bas, des associations de consommateurs
ont neanmoins appele a boycotter les produits tricolores. Sans grand
effet. Il y a eu ainsi, pendant deux jours, un leger flechissement
de la frequentation de Carrefour, mais cela n'a pas dure. Un boycott
est d'autant plus difficile que nombre d'entreprises francaises ont
des partenaires turcs de premier plan, comme Renault associe avec
Oyak, le tout-puissant holding des fonds de pension... des forces
armees. Mais les entreprises craignent de subir des represailles
avec des difficultes dans toutes leurs demarches douanières et
administratives, sans parler de l'exclusion des appels d'offres
publics. Le francais Eurocopter est en lice avec trois autres firmes
etrangères pour la vente de 52 helicoptères militaires et civils. Un
autre gros contrat - celui de la construction de trois centrales
nucleaires pour un montant estime a 4 milliards d'euros - serait
aussi sur la sellette.
"La France a perdu sa position privilegiee en Turquie [...] a cause
de simples visees electoralistes", a martele hier Abdullah Gul,
estimant que le texte controverse etait incompatible avec les normes
de democratie de l'Union europeenne : "On nous demande, d'un côte,
d'elargir la liberte d'expression chez nous, mais, de l'autre côte, la
France adopte une proposition qui bafoue cette liberte." Les Europeens
exigent notamment l'abrogation de l'article 301 du nouveau code penal,
qui sanctionne les "insultes a la nation turque". C'est en reference
a ce texte que les associations nationalistes ont multiplie les
plaintes contre des intellectuels, dont l'ecrivain Orhan Pamuk, prix
Nobel de litterature, qui avait evoque dans une interview le genocide
armenien. Plusieurs editorialistes ont rappele que le gouvernement,
en supprimant maintenant cet article "liberticide", mettrait encore
un peu plus Paris en difficulte.
--Boundary_(ID_DUEbsXLlij6h72XMsSSFyw )--
Auteur: Semo Marc
Liberation , France
18 octobre 2006
Ankara condamne le projet de loi francais mais ne peut se permettre
d'ecarter les entreprises francaises.
Au-dela des effets de manche, les reactions turques restent très
contenues après le vote, jeudi en première lecture, par 106 deputes
francais, d'un projet de loi sanctionnant la negation du genocide
armenien de 1915-1917. "L'adoption de cette proposition de loi a porte
un coup sevère aux relations turco-francaises", a de nouveau mis en
garde, hier, le ministre des Affaires etrangères, Abdullah Gul, dans
un discours devant le Parlement, affirmant que si cette loi prenait
effet les liens bilateraux seraient "irreparablement endommages dans
les domaines economique, politique et de la securite".
La France est le cinquième fournisseur de la Turquie derrière
l'Allemagne, la Russie, l'Italie et la Chine, avec des echanges
s'elevant a 8,5 milliards d'euros. Les autorites turques se gardent
bien, neanmoins, d'appeler a un boycott des entreprises ou des
produits francais. Une telle initiative indisposerait Bruxelles qui,
dans cette crise, soutient Ankara, critiquant ouvertement le projet
de loi francais, juge "dangereux et contre-productif". C'est une
aubaine pour le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, issu du mouvement
islamiste epingle depuis des mois par les Vingt-Cinq pour sa mauvaise
volonte a continuer les reformes depuis l'ouverture des negociations
d'adhesion, en octobre 2005. Mais l'opposition sociale-democrate,
traditionnellement souverainiste, attaque le gouvernement sur la
"mollesse" de sa reaction. "Le gouvernement reste timide sur les
represailles", a ainsi estime Onur ÷ymen, vice-president du Parti
republicain du peuple.
Si les autorites gardent profil bas, des associations de consommateurs
ont neanmoins appele a boycotter les produits tricolores. Sans grand
effet. Il y a eu ainsi, pendant deux jours, un leger flechissement
de la frequentation de Carrefour, mais cela n'a pas dure. Un boycott
est d'autant plus difficile que nombre d'entreprises francaises ont
des partenaires turcs de premier plan, comme Renault associe avec
Oyak, le tout-puissant holding des fonds de pension... des forces
armees. Mais les entreprises craignent de subir des represailles
avec des difficultes dans toutes leurs demarches douanières et
administratives, sans parler de l'exclusion des appels d'offres
publics. Le francais Eurocopter est en lice avec trois autres firmes
etrangères pour la vente de 52 helicoptères militaires et civils. Un
autre gros contrat - celui de la construction de trois centrales
nucleaires pour un montant estime a 4 milliards d'euros - serait
aussi sur la sellette.
"La France a perdu sa position privilegiee en Turquie [...] a cause
de simples visees electoralistes", a martele hier Abdullah Gul,
estimant que le texte controverse etait incompatible avec les normes
de democratie de l'Union europeenne : "On nous demande, d'un côte,
d'elargir la liberte d'expression chez nous, mais, de l'autre côte, la
France adopte une proposition qui bafoue cette liberte." Les Europeens
exigent notamment l'abrogation de l'article 301 du nouveau code penal,
qui sanctionne les "insultes a la nation turque". C'est en reference
a ce texte que les associations nationalistes ont multiplie les
plaintes contre des intellectuels, dont l'ecrivain Orhan Pamuk, prix
Nobel de litterature, qui avait evoque dans une interview le genocide
armenien. Plusieurs editorialistes ont rappele que le gouvernement,
en supprimant maintenant cet article "liberticide", mettrait encore
un peu plus Paris en difficulte.
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