LES FRANCAIS SONT-ILS VRAIMENT ANTITURCS ?
Par Christophe De Roquefeuil
Agence France Presse
20 octobre 2006 vendredi 10:03 AM GMT
Les Francais n'ont pas envie de voir la Turquie dans l'Union
europeenne, mais font de bonnes affaires avec elle et, loin des
querelles politico-diplomatiques, vont par milliers y passer leurs
vacances.
Les debats sur le genocide des Armeniens et les polemiques sur
l'elargissement de l'UE ont largement ravive le sentiment que la
France etait radicalement "antiturque".
Mais cette image doit etre nuancee, soulignent des specialistes, qui
mettent avant tout en cause la responsabilite de la classe politique
francaise, accusee de fuir le debat ou de jouer sur les craintes
de l'opinion.
Mefiance envers un pays musulman, crainte d'une nouvelle vague
migratoire ou d'un affaiblissement de la France en Europe : "la
Turquie semble devenue un symbole de tout ce qui irrite les Francais",
relève Soli Ozel, conseiller international de Tusiad, l'organisation
patronale turque.
Toutefois, "ce n'est pas simplement la faute du peuple francais",
estime-t-il. "La peur existe aussi ailleurs. Mais par rapport aux
autres pays europeens, il semble qu'il n'y ait qu'en France que la
classe politique l'agite de cette facon", deplore M. Ozel.
Le president Jacques Chirac vient de plaider pour que la Turquie
reconnaisse le genocide des Armeniens avant d'entrer dans l'UE,
une prise de position suivie quelques jours plus tard, au grand dam
d'Ankara, par le vote en première lecture a l'Assemblee nationale
d'une proposition de loi socialiste visant a punir la negation de
ce genocide.
Le candidat favori de la droite a l'election presidentielle de 2007,
le ministre de l'Interieur Nicolas Sarkozy, hostile a l'adhesion,
en a fait un de ses thèmes de campagne, tandis que l'opposition
socialiste alterne declarations sceptiques et attentistes. L'extreme
droite reste visceralement hostile a l'entree de la Turquie dans l'UE.
Sylvie Goulard, du Centre d'etudes et de recherches internationales
(CERI/Sciences-po), souligne que, si le debat sur la Turquie tourne
souvent a l'aigre en France, c'est parce qu'il a ete largement occulte
avant l'ouverture des negociations d'adhesion, a l'automne 2005,
donnant aux Francais le sentiment d'etre floues.
"Les Francais ont moins un sentiment antiturc qu'un sentiment de
hargne sur la manière dont leurs dirigeants prennent des decisions
a Bruxelles sans les consulter", estime-t-elle.
Selon un sondage publie vendredi, 58% des Francais sont opposes a
l'elargissement de l'UE a la Turquie, contre 28% seulement qui y
sont favorables.
Ces chiffres sont toutefois loin de l'hostilite des Autrichiens (81%
d'opposition), des Allemands (69%) ou des Grecs (67%), selon des
etudes de l'institut Eurobaromètre publiees en juin.
Un autre sondage Eurobaromètre, realise au printemps dernier, fait
aussi apparaître une attitude francaise nuancee si la perspective
d'adhesion reste lointaine : un noyau dur de 38% reste resolument
hostile a la Turquie dans l'UE, mais une majorite (55%) n'exclut
pas une entree remise "a plus tard", "dans 10 a 15 ans" ou "dans
quelques annees".
Sur le plan economique, les affaires vont bon train. Les chefs
d'entreprise francais sont souvent les meilleurs avocats de la Turquie,
dont la France est le 5e fournisseur commercial avec 4,7 milliards
d'euros d'exportations.
Les touristes francais en Turquie sont quant a eux passes de 449.000
en 2000 a 701.000 en 2005, selon des chiffres officiels turcs. Si les
voyagistes ont enregistre un tassement en 2006, il semble surtout dû
a la crise de la grippe aviaire et aux craintes d'attentats.
"Il y a une vraie dissymetrie dans la perception de la relation
franco-turque", relève Dorothee Schmid, de l'Institut francais des
relations internationales (IFRI).
"Les Turcs sont extremement focalises sur ce qui se passe en France,
alors qu'en France on instrumentalise la Turquie pour des questions
de politique interieure", estime-t-elle.
--Boundary_(ID_aHTdFYfCXKX/XOke6Cb Bnw)--
Par Christophe De Roquefeuil
Agence France Presse
20 octobre 2006 vendredi 10:03 AM GMT
Les Francais n'ont pas envie de voir la Turquie dans l'Union
europeenne, mais font de bonnes affaires avec elle et, loin des
querelles politico-diplomatiques, vont par milliers y passer leurs
vacances.
Les debats sur le genocide des Armeniens et les polemiques sur
l'elargissement de l'UE ont largement ravive le sentiment que la
France etait radicalement "antiturque".
Mais cette image doit etre nuancee, soulignent des specialistes, qui
mettent avant tout en cause la responsabilite de la classe politique
francaise, accusee de fuir le debat ou de jouer sur les craintes
de l'opinion.
Mefiance envers un pays musulman, crainte d'une nouvelle vague
migratoire ou d'un affaiblissement de la France en Europe : "la
Turquie semble devenue un symbole de tout ce qui irrite les Francais",
relève Soli Ozel, conseiller international de Tusiad, l'organisation
patronale turque.
Toutefois, "ce n'est pas simplement la faute du peuple francais",
estime-t-il. "La peur existe aussi ailleurs. Mais par rapport aux
autres pays europeens, il semble qu'il n'y ait qu'en France que la
classe politique l'agite de cette facon", deplore M. Ozel.
Le president Jacques Chirac vient de plaider pour que la Turquie
reconnaisse le genocide des Armeniens avant d'entrer dans l'UE,
une prise de position suivie quelques jours plus tard, au grand dam
d'Ankara, par le vote en première lecture a l'Assemblee nationale
d'une proposition de loi socialiste visant a punir la negation de
ce genocide.
Le candidat favori de la droite a l'election presidentielle de 2007,
le ministre de l'Interieur Nicolas Sarkozy, hostile a l'adhesion,
en a fait un de ses thèmes de campagne, tandis que l'opposition
socialiste alterne declarations sceptiques et attentistes. L'extreme
droite reste visceralement hostile a l'entree de la Turquie dans l'UE.
Sylvie Goulard, du Centre d'etudes et de recherches internationales
(CERI/Sciences-po), souligne que, si le debat sur la Turquie tourne
souvent a l'aigre en France, c'est parce qu'il a ete largement occulte
avant l'ouverture des negociations d'adhesion, a l'automne 2005,
donnant aux Francais le sentiment d'etre floues.
"Les Francais ont moins un sentiment antiturc qu'un sentiment de
hargne sur la manière dont leurs dirigeants prennent des decisions
a Bruxelles sans les consulter", estime-t-elle.
Selon un sondage publie vendredi, 58% des Francais sont opposes a
l'elargissement de l'UE a la Turquie, contre 28% seulement qui y
sont favorables.
Ces chiffres sont toutefois loin de l'hostilite des Autrichiens (81%
d'opposition), des Allemands (69%) ou des Grecs (67%), selon des
etudes de l'institut Eurobaromètre publiees en juin.
Un autre sondage Eurobaromètre, realise au printemps dernier, fait
aussi apparaître une attitude francaise nuancee si la perspective
d'adhesion reste lointaine : un noyau dur de 38% reste resolument
hostile a la Turquie dans l'UE, mais une majorite (55%) n'exclut
pas une entree remise "a plus tard", "dans 10 a 15 ans" ou "dans
quelques annees".
Sur le plan economique, les affaires vont bon train. Les chefs
d'entreprise francais sont souvent les meilleurs avocats de la Turquie,
dont la France est le 5e fournisseur commercial avec 4,7 milliards
d'euros d'exportations.
Les touristes francais en Turquie sont quant a eux passes de 449.000
en 2000 a 701.000 en 2005, selon des chiffres officiels turcs. Si les
voyagistes ont enregistre un tassement en 2006, il semble surtout dû
a la crise de la grippe aviaire et aux craintes d'attentats.
"Il y a une vraie dissymetrie dans la perception de la relation
franco-turque", relève Dorothee Schmid, de l'Institut francais des
relations internationales (IFRI).
"Les Turcs sont extremement focalises sur ce qui se passe en France,
alors qu'en France on instrumentalise la Turquie pour des questions
de politique interieure", estime-t-elle.
--Boundary_(ID_aHTdFYfCXKX/XOke6Cb Bnw)--