ELIF SHAFAK, UNE APôTRE DU COSMOPOLITISME QUI DERANGE LES NATIONALISTES
Agence France Presse
19 septembre 2006 mardi 3:05 PM GMT
Au nom du cosmopolitisme et du droit de se reconnaître dans des
identites multiples, la romancière turque Elif Shafak s'est attaquee
a nombre de tabous de la societe turque, s'exposant a l'ire des
nationalistes a l'origine du procès devant s'ouvrir contre elle jeudi.
Non contente de depeindre dans ses romans des personnages deracines,
qui changent de nationalite comme de religion, voire de sexe
-une attitude deja suspecte aux yeux des defenseurs de l'identite
nationale-, la jeune femme s'en est prise a l'intouchable heritage
d'Ataturk, fondateur de la Turquie moderne.
Aux partisans de la revolution kemaliste, qui a accouche en 1923
d'une Republique turque laïque et resolument tournee vers l'Occident,
la femme de lettres reproche d'avoir rejete le passe multiculturel
de l'empire ottoman pour lui substituer une vision monolithique et
appauvrie de l'identite et de la culture turques.
Petite-fille de militaire et fille d'une diplomate, deux institutions
faisant figure de fiefs de l'elite laïque, Shafak s'est en outre
illustree en publiant des chroniques dans le quotidien islamiste
modere Zaman et en epousant un des ses anciens chroniqueurs.
Plus grave, l'intellectuelle, auteur a 35 ans de plusieurs best-sellers
et enseignante a l'universite d'Arizona (Etats-Unis), prône une
reflexion collective de la societe turque sur les massacres d'Armeniens
commis sous l'empire ottoman, que l'Etat turc se refuse a qualifier de
"genocide".
C'est pour les propos des personnages armeniens de son dernier roman,
"Baba ve Pic" ("Le Père et le Bâtard", 2006), que la romancière doit
comparaître jeudi pour "denigrement de l'identite turque", sur la
base d'une plainte d'une association de juristes nationalistes.
Le roman suit les peregrinations de quatre generations de femmes
entre les Etats-Unis et la Turquie pour raconter l'histoire d'une
famille armenienne et des descendants d'un de ses enfants, abandonne
en Turquie lors des massacres d'Armeniens de 1915-1917, qui s'est
converti a l'islam et a vecu comme un Turc.
Des peregrinations, Shafak en a connues aux côtes de sa mère diplomate,
de la France de sa naissance en 1971 a sa jeunesse en Espagne, en
passant par la Jordanie, qui ont instille en elle ses convictions
multi culturalistes.
"J'ai des racines, mais mes racines ne sont pas en un seul endroit
(...) Je suis connecte a differentes cultures, et c'est en partie la
raison pour laquelle je pense qu'il est possible d'etre multiculturel,
multilingue et multifoi", expliquait-elle a l'ete 2005 dans le New
Perspectives Quarterly.
La jeune femme a publie en 1998 son premier roman, Pinhan, racontant
l'histoire d'une mystique musulman hermaphrodite.
Ont suivi Sehrin Aynalari (Les Miroirs de la Ville), sur la vie
a Istanbul de juifs sepharades convertis, Mahrem (Confidentiel),
evoquant a travers les siècles la quete d'autonomie des femmes, et
Bit Palas (Le Palais du Pou) sur la degradation morale et physique
des habitants d'un immeuble stambouliote.
The Saint of incipient insanities (Le Saint des Insanites Naissantes),
ecrit en anglais et publie en 2004, raconte la quete sans fin
d'accomplissement d'une vingtaine d'amis, etrangers vivant aux
Etats-Unis.
--Boundary_(ID_nmhCewlIJPyHK7PwTX ioGw)--
Agence France Presse
19 septembre 2006 mardi 3:05 PM GMT
Au nom du cosmopolitisme et du droit de se reconnaître dans des
identites multiples, la romancière turque Elif Shafak s'est attaquee
a nombre de tabous de la societe turque, s'exposant a l'ire des
nationalistes a l'origine du procès devant s'ouvrir contre elle jeudi.
Non contente de depeindre dans ses romans des personnages deracines,
qui changent de nationalite comme de religion, voire de sexe
-une attitude deja suspecte aux yeux des defenseurs de l'identite
nationale-, la jeune femme s'en est prise a l'intouchable heritage
d'Ataturk, fondateur de la Turquie moderne.
Aux partisans de la revolution kemaliste, qui a accouche en 1923
d'une Republique turque laïque et resolument tournee vers l'Occident,
la femme de lettres reproche d'avoir rejete le passe multiculturel
de l'empire ottoman pour lui substituer une vision monolithique et
appauvrie de l'identite et de la culture turques.
Petite-fille de militaire et fille d'une diplomate, deux institutions
faisant figure de fiefs de l'elite laïque, Shafak s'est en outre
illustree en publiant des chroniques dans le quotidien islamiste
modere Zaman et en epousant un des ses anciens chroniqueurs.
Plus grave, l'intellectuelle, auteur a 35 ans de plusieurs best-sellers
et enseignante a l'universite d'Arizona (Etats-Unis), prône une
reflexion collective de la societe turque sur les massacres d'Armeniens
commis sous l'empire ottoman, que l'Etat turc se refuse a qualifier de
"genocide".
C'est pour les propos des personnages armeniens de son dernier roman,
"Baba ve Pic" ("Le Père et le Bâtard", 2006), que la romancière doit
comparaître jeudi pour "denigrement de l'identite turque", sur la
base d'une plainte d'une association de juristes nationalistes.
Le roman suit les peregrinations de quatre generations de femmes
entre les Etats-Unis et la Turquie pour raconter l'histoire d'une
famille armenienne et des descendants d'un de ses enfants, abandonne
en Turquie lors des massacres d'Armeniens de 1915-1917, qui s'est
converti a l'islam et a vecu comme un Turc.
Des peregrinations, Shafak en a connues aux côtes de sa mère diplomate,
de la France de sa naissance en 1971 a sa jeunesse en Espagne, en
passant par la Jordanie, qui ont instille en elle ses convictions
multi culturalistes.
"J'ai des racines, mais mes racines ne sont pas en un seul endroit
(...) Je suis connecte a differentes cultures, et c'est en partie la
raison pour laquelle je pense qu'il est possible d'etre multiculturel,
multilingue et multifoi", expliquait-elle a l'ete 2005 dans le New
Perspectives Quarterly.
La jeune femme a publie en 1998 son premier roman, Pinhan, racontant
l'histoire d'une mystique musulman hermaphrodite.
Ont suivi Sehrin Aynalari (Les Miroirs de la Ville), sur la vie
a Istanbul de juifs sepharades convertis, Mahrem (Confidentiel),
evoquant a travers les siècles la quete d'autonomie des femmes, et
Bit Palas (Le Palais du Pou) sur la degradation morale et physique
des habitants d'un immeuble stambouliote.
The Saint of incipient insanities (Le Saint des Insanites Naissantes),
ecrit en anglais et publie en 2004, raconte la quete sans fin
d'accomplissement d'une vingtaine d'amis, etrangers vivant aux
Etats-Unis.
--Boundary_(ID_nmhCewlIJPyHK7PwTX ioGw)--