Le Point, France
Lundi 11 août 200
Publié le 10/08/2008 à 12:54 - Modifié le 10/08/2008 à 12:57 Le Point.fr
Conflit en Ossétie du Sud : vers un affrontement est-ouest ?
AFP
George Bush ne devrait pas prendre le risque de défier la Russie alors
qu'il termine son mandat et que l'armée américaine est mobilisée sur
le thétre irakien @ AFP PHOTO/ Guang Niu/Pool
Imprimez Réagissez Classez Le déclenchement des hostilités en Ossétie
du Sud éveille des craintes d'un affrontement Est-Ouest dans la
poudrière du Caucase même si ni la Russie ni les Occidentaux ne
semblent avoir d'appétit pour une guerre en Géorgie, soulignent samedi
les analystes. Le conflit alarme les Etats-Unis et l'Europe -
notamment parce que la Géorgie est un débouché clef pour le pétrole de
la Caspienne - et plusieurs observateurs estiment que Tbilissi a
commis une erreur en provoquant son puissant voisin.
"Les Occidentaux sont à la fois divisés et préoccupés par autre
chose. Les Américains seront furieux s'il se confirme que des avions
russes ont bombardé une base où le Pentagone avait des conseillers
militaires", observe Edward Lucas, auteur de "La Nouvelle Guerre
froide". Mais George W. Bush, "un président en fin de règne ne va pas
risquer la Troisième guerre mondiale pour la Géorgie", alors qu'il
doit déjà faire face aux conflits irakiens et afghans, écrit-il dans
une tribune pour le Times samedi.
La réponse massive des forces russes à une tentative géorgienne de
reprendre le contrôle de l'Ossétie du Sud vendredi, avec des
bombardements bien au delà de la région séparatiste, a poussé le
président géorgien Mikhaïl Saakachvili à déclarer "l'état de
guerre". Ces affrontements dans un pays pro-occidental, candidat à
l'Otan et l'Union européenne, qui a largement bénéficié de l'aide
militaire américaine, menacent directement les intérêts
occidentaux. Et Tbilissi montre de son côté des signes favorables à
une internationalisation du conflit.
"Risque de contagion, d'engrenage"
Mais le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov conteste
l'état de guerre et affirme que la Russie cherche à rétablir le statu
quo dans la région disputée. Michael Denison, professeur associé au
centre de recherche en relations internationales Chatham House, juge
aussi qu'il est encore trop tôt pour parler de guerre ouverte. "Les
Russes ont pénétré sur le territoire géorgien et cela est très réel,
mais je ne pense pas que l'objectif des Russes soit de détruire
complètement les capacités militaires de la Géorgie. C'est une
démonstration côté russe visant à affaiblir les capacité des
Géorgiens", estime Michael Denison. "L'escalade militaire est
possible, mais je ne suis pas sûre qu'elle soit inévitable, parce que
personne n'y a vraiment intérêt.
La Russie n'a pas intérêt à une escalade tout simplement parce qu'il y
a un Caucase du Sud, mais il y a aussi un Caucase du Nord, avec un
risque de contagion, d'engrenage", souligne Laure Delcour, directrice
de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques
(Iris) à Paris. "Ni l'Union européenne ni les Etats-Unis n'ont envie
d'envoyer des forces dans la région", renchérit Michael Denison.
Un bras de fer entre les États-Unis et la Russie
Pourtant, souligne Christopher Langton, analyste de L'Institut
stratégique pour les recherches internationales (IISS), ce conflit est
autant "une affaire entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud, qu'entre les
Etats-Unis et la Russie". "La Russie est violemment opposée à ce que
la Géorgie devienne membre de l'Otan et les Etat-Unis sont allés à la
confrontation avec la Russie sur ce sujet", souligne-t-il. Et "si la
Géorgie tombe (sous l'influence russe), alors les espoirs européens
d'une indépendance énergétique de la Russie s'écrouleront", ajoute
Edward Lucas, soulignant que la Géorgie, par où passe l'oléoduc
Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), est l'unique voie pour acheminer le
pétrole de la Caspienne échappant au monopole des routes
d'exportations russes. Laure Delcour souligne aussi le risque d'un
embrasement du Caucase, qui compte d'autres conflits gelés comme
l'Abkhazie, autre région séparatiste de Géorgie, ou le Nagorny
Karabakh, région disputée entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Signe de l'inquiétude croissante de la communauté internationale, le
secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a appelé samedi soir à la fin
immédiate des hostilités entre la Géorgie et la Russie, et à un
règlement négocié du conflit. "Le secrétaire général croit que pour
que les négociations soient fructueuses, tous les contingents armés
qui ne sont pas autorisés à être sur place par les accords respectifs
sur l'OssétieduSud devraient quitter la zone de conflit", est-il écrit
dans un communiqué.
Tskhinvali "presque entièrement détruite"
Un calme précaire était revenu dimanche matin à Tskhinvali, capitale
de ce territoire séparatiste géorgien pro-russe, après des tirs
d'artillerie intenses qui ont duré toute la nuit, selon la
porte-parole du gouvernement rebelle. Les forces géorgiennes "ont tiré
méthodiquement sur Tskhinvali toute la nuit. Mais, pour l'instant, une
accalmie relative règne dans la ville", a dit cette responsable, Irina
Gagloïeva. Elle assure que les nouveaux tirs géorgiens ont fait près
de 20 morts et 150 blessés.
Tskhinvali "est presque entièrement détruite. Les habitants se
réfugient dans les sous-sols", a déclaré dimanche le gouvernement
rebelle sur son site internet. "Des produits alimentaires de première
nécessité nous manquent, il n'y a pas de gaz, ni d'électricité",
a-t-il indiqué, qualifiant la situation à Tskhinvali de "catastrophe
humanitaire". L'OssétieduSud avait affirmé plus tôt avoir repoussé une
attaque de chars géorgiens contre Tskhinvali et avoir abattu un
bombardier géorgien.
Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a pour sa part demandé
dimanche à une enquête sur les actes de "génocide" commis par les
forces géorgiennes en OssétieduSud, où la Géorgie a déclenché une
offensive militaire dans la nuit de jeudi à vendredi. Les témoignages
des réfugiés ossètes "dépassent le cadre de la compréhension des
actions militaires", a dit M. Poutine, au cours d'une rencontre avec
le président russe Dmitri Medvedev, qui a été retransmise en direct
par la chaîne russe Vesti 24. "A mon avis, ce sont déjà des éléments
d'une sorte de génocide contre le peuple ossète. Je crois qu'il serait
juste, que vous ordonniez au parquet militaire d'enquêter sur de tels
incidents, surtout parce que la majorité de la population ossète est
composée de citoyens russes", a déclaré M. Poutine au chef de
l'Etat. "Bien sûr, je donnerai un tel ordre", a répondu M. Medvedev,
tout en assurant que les responsables de ces actes seraient poursuivis
en justice.
Lire aussi :
Ossétie du Sud : des couloirs humanitaires pour évacuer les blessés
Lundi 11 août 200
Publié le 10/08/2008 à 12:54 - Modifié le 10/08/2008 à 12:57 Le Point.fr
Conflit en Ossétie du Sud : vers un affrontement est-ouest ?
AFP
George Bush ne devrait pas prendre le risque de défier la Russie alors
qu'il termine son mandat et que l'armée américaine est mobilisée sur
le thétre irakien @ AFP PHOTO/ Guang Niu/Pool
Imprimez Réagissez Classez Le déclenchement des hostilités en Ossétie
du Sud éveille des craintes d'un affrontement Est-Ouest dans la
poudrière du Caucase même si ni la Russie ni les Occidentaux ne
semblent avoir d'appétit pour une guerre en Géorgie, soulignent samedi
les analystes. Le conflit alarme les Etats-Unis et l'Europe -
notamment parce que la Géorgie est un débouché clef pour le pétrole de
la Caspienne - et plusieurs observateurs estiment que Tbilissi a
commis une erreur en provoquant son puissant voisin.
"Les Occidentaux sont à la fois divisés et préoccupés par autre
chose. Les Américains seront furieux s'il se confirme que des avions
russes ont bombardé une base où le Pentagone avait des conseillers
militaires", observe Edward Lucas, auteur de "La Nouvelle Guerre
froide". Mais George W. Bush, "un président en fin de règne ne va pas
risquer la Troisième guerre mondiale pour la Géorgie", alors qu'il
doit déjà faire face aux conflits irakiens et afghans, écrit-il dans
une tribune pour le Times samedi.
La réponse massive des forces russes à une tentative géorgienne de
reprendre le contrôle de l'Ossétie du Sud vendredi, avec des
bombardements bien au delà de la région séparatiste, a poussé le
président géorgien Mikhaïl Saakachvili à déclarer "l'état de
guerre". Ces affrontements dans un pays pro-occidental, candidat à
l'Otan et l'Union européenne, qui a largement bénéficié de l'aide
militaire américaine, menacent directement les intérêts
occidentaux. Et Tbilissi montre de son côté des signes favorables à
une internationalisation du conflit.
"Risque de contagion, d'engrenage"
Mais le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov conteste
l'état de guerre et affirme que la Russie cherche à rétablir le statu
quo dans la région disputée. Michael Denison, professeur associé au
centre de recherche en relations internationales Chatham House, juge
aussi qu'il est encore trop tôt pour parler de guerre ouverte. "Les
Russes ont pénétré sur le territoire géorgien et cela est très réel,
mais je ne pense pas que l'objectif des Russes soit de détruire
complètement les capacités militaires de la Géorgie. C'est une
démonstration côté russe visant à affaiblir les capacité des
Géorgiens", estime Michael Denison. "L'escalade militaire est
possible, mais je ne suis pas sûre qu'elle soit inévitable, parce que
personne n'y a vraiment intérêt.
La Russie n'a pas intérêt à une escalade tout simplement parce qu'il y
a un Caucase du Sud, mais il y a aussi un Caucase du Nord, avec un
risque de contagion, d'engrenage", souligne Laure Delcour, directrice
de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques
(Iris) à Paris. "Ni l'Union européenne ni les Etats-Unis n'ont envie
d'envoyer des forces dans la région", renchérit Michael Denison.
Un bras de fer entre les États-Unis et la Russie
Pourtant, souligne Christopher Langton, analyste de L'Institut
stratégique pour les recherches internationales (IISS), ce conflit est
autant "une affaire entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud, qu'entre les
Etats-Unis et la Russie". "La Russie est violemment opposée à ce que
la Géorgie devienne membre de l'Otan et les Etat-Unis sont allés à la
confrontation avec la Russie sur ce sujet", souligne-t-il. Et "si la
Géorgie tombe (sous l'influence russe), alors les espoirs européens
d'une indépendance énergétique de la Russie s'écrouleront", ajoute
Edward Lucas, soulignant que la Géorgie, par où passe l'oléoduc
Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), est l'unique voie pour acheminer le
pétrole de la Caspienne échappant au monopole des routes
d'exportations russes. Laure Delcour souligne aussi le risque d'un
embrasement du Caucase, qui compte d'autres conflits gelés comme
l'Abkhazie, autre région séparatiste de Géorgie, ou le Nagorny
Karabakh, région disputée entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Signe de l'inquiétude croissante de la communauté internationale, le
secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a appelé samedi soir à la fin
immédiate des hostilités entre la Géorgie et la Russie, et à un
règlement négocié du conflit. "Le secrétaire général croit que pour
que les négociations soient fructueuses, tous les contingents armés
qui ne sont pas autorisés à être sur place par les accords respectifs
sur l'OssétieduSud devraient quitter la zone de conflit", est-il écrit
dans un communiqué.
Tskhinvali "presque entièrement détruite"
Un calme précaire était revenu dimanche matin à Tskhinvali, capitale
de ce territoire séparatiste géorgien pro-russe, après des tirs
d'artillerie intenses qui ont duré toute la nuit, selon la
porte-parole du gouvernement rebelle. Les forces géorgiennes "ont tiré
méthodiquement sur Tskhinvali toute la nuit. Mais, pour l'instant, une
accalmie relative règne dans la ville", a dit cette responsable, Irina
Gagloïeva. Elle assure que les nouveaux tirs géorgiens ont fait près
de 20 morts et 150 blessés.
Tskhinvali "est presque entièrement détruite. Les habitants se
réfugient dans les sous-sols", a déclaré dimanche le gouvernement
rebelle sur son site internet. "Des produits alimentaires de première
nécessité nous manquent, il n'y a pas de gaz, ni d'électricité",
a-t-il indiqué, qualifiant la situation à Tskhinvali de "catastrophe
humanitaire". L'OssétieduSud avait affirmé plus tôt avoir repoussé une
attaque de chars géorgiens contre Tskhinvali et avoir abattu un
bombardier géorgien.
Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a pour sa part demandé
dimanche à une enquête sur les actes de "génocide" commis par les
forces géorgiennes en OssétieduSud, où la Géorgie a déclenché une
offensive militaire dans la nuit de jeudi à vendredi. Les témoignages
des réfugiés ossètes "dépassent le cadre de la compréhension des
actions militaires", a dit M. Poutine, au cours d'une rencontre avec
le président russe Dmitri Medvedev, qui a été retransmise en direct
par la chaîne russe Vesti 24. "A mon avis, ce sont déjà des éléments
d'une sorte de génocide contre le peuple ossète. Je crois qu'il serait
juste, que vous ordonniez au parquet militaire d'enquêter sur de tels
incidents, surtout parce que la majorité de la population ossète est
composée de citoyens russes", a déclaré M. Poutine au chef de
l'Etat. "Bien sûr, je donnerai un tel ordre", a répondu M. Medvedev,
tout en assurant que les responsables de ces actes seraient poursuivis
en justice.
Lire aussi :
Ossétie du Sud : des couloirs humanitaires pour évacuer les blessés