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Dangereuse =?unknown?q?Instabilit=C3=A9_En?= Armnie

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  • Dangereuse =?unknown?q?Instabilit=C3=A9_En?= Armnie

    DANGEREUSE INSTABILITE EN ARENIE
    par Stéphane Barkarian

    Collectif Des DéMocrates ArméNiens D'Euro
    http://www.monde-diplomatique.fr/2008/04/GU EYRAS/15820
    mardi 12 aoÃ"t 200
    France

    La sanglante répression qui a endeuillé Erevan le 1er mars, a la
    suite de manifestations contestant les résultats de l'élection
    présidentielle, a créé une vive tension dans les relations entre
    l'Arménie et les Etats-Unis, qui envisageraient de Â" suspendre Â"
    une partie de leur aide économique. En revanche, M. Vladimir Poutine
    a chaleureusement félicité le nouveau président Serge Sarkissian et
    l'a recu a Moscou, le 24 mars, pour discuter de l'avenir des relations
    entre les deux pays.

    Par Jean GueyrasSelon les autorités arméniennes, sept civils et un
    officier de police ont été tués dans la nuit du 1er mars, a Erevan,
    et cent trente-trois personnes ont été blessées, dont près de
    la moitié seraient des policiers. Les manifestants protestaient
    contre les Â" fraudes Â" qui avaient accompagné l'élection
    présidentielle. Il est difficile de vérifier ces chiffres du
    fait de la censure qui a muselé la presse depuis l'instauration de
    l'état d'urgence (1). L'organisation humanitaire Human Rights Watch
    a relevé l'usage par la police d'armes meurtrières interdites par
    la loi internationale. Plus d'une centaine d'opposants ont été
    arrêtÃ&# xA9;s et risquent d'être jugés pour Â" usurpation du pouvoir
    et incitation a l'émeute Â".

    C'est donc dans un pays meurtri par la répression et bâillonné par
    la brutalité de vingt jours d'état d'urgence que M. Serge Sarkissian
    se retrouvera a la tête de l'Etat, le 9 avril. A peine élu (52,9 %
    des voix), il voit sa crédibilité fortement entamée, au point que
    sa consécration lors de l'élection présidentielle du 19 février
    ressemble a une victoire a la Pyrrhus.

    Directeur de l'influent quotidien d'Erevan Aravod, Aram Abrahamian
    estime que le nouveau chef de l'Etat a finalement été la victime de
    la duplicité de son prédécesseur, ami et néanmoins rival. Selon
    lui, Â" le recours a la violence contre les manifestants a été
    organisé par [M. Robert] Kotcharian et compromettra gravement la
    légitimité de Sarkissian Â". Tous deux sont pourtant très liés.

    M. Sarkissian est originaire du HautKarabakh, cette région autonome de
    l'Azerbaïdjan a majorité arménienne qui a conquis, les armes a la
    main, son Â" indépendance Â" au début des années 1990, complétant
    celle-ci par l'occupation d'une portion de territoire azerbaïdjanais.

    Arrivé en 1990 dans la Â" mère patrie Â", il a coiffé les
    ministères-clés de l'intérieur, de la sécurité nationale et, en
    2000, de la défense, avant d'accéder a la tête du gouvernement en
    avril 2007. Il doit, en grande partie, cette avalanche de promotions au
    président de la République Robert Kotcharian, également originaire
    du Haut-Karabakh, et dont il partage la vision.

    Les deux hommes furent d'ailleurs les principaux artisans de
    l'éviction, en 1998, de celui qui avait pourtant favorisé
    leur intégration dans l'élite dirigeante d'Erevan : le premier
    président de la République Levon Ter-Petrossian. Ce dernier fut
    en effet contraint a la démission pour avoir proposé une solution
    de compromis au problème du Haut-Karabakh jugée trop favorable a
    l'ennemi azeri (2).

    Par la suite, les deux compères ont été soupconnés d'avoir
    trempé dans le massacre du 27 octobre 1999. Ce jour-la, cinq
    hommes armés de fusils automatiques pénétraient dans l'enceinte
    de l'Assemblée nationale et tuaient huit personnes, dont les deux
    hommes forts de l'époque : le premier ministre Vazken Sarkissian,
    considéré comme un héros national du fait de son rôle dans la
    guerre du Haut-Karabakh, et le charismatique et populaire président
    du Parlement Karen Demirdjian (3).

    Indéniablement, les principaux bénéficiaires de ces assassinats
    furent le président Kotcharian - qui avait été relégué a un rôle
    purement honorifique par son premier ministre Vazken Sarkissian -
    ainsi que son ami Serge Sarkissian, alors ministre de la sécurité
    nationale. En toute logique, ce dernier aurait dÃ" être sanctionné
    pour négligence ou incompétence. Il n'en fut rien : il a même
    été promu a la défense.

    Une révolution de palais Le massacre du 27 octobre ne fut donc pas
    l'Å"uvre d'une bande de nationalistes extrémistes, comme on l'a
    prétendu, mais le fruit d'une révolution de palais qui ramena
    au pouvoir un président jusque-la réduit a l'inauguration des
    chrysanthèmes. Le procureur général Gagik Jahangirian (4), qui a
    essayé d'élargir l'enquête officielle pour savoir si les cinq tueurs
    avaient été manipulés, fut rapidement dessaisi de l'affaire. Et
    M. Aram Sarkissian, nommé premier ministre pour honorer la mémoire
    de son frère Vazken, fut destitué sans autre forme de procès. La
    voie était désormais grande ouverte pour la consolidation du régime
    de M. Kotcharian, avec le soutien de l'ambitieux Serge Sarkissian.

    Des signes de mésentente entre les deux alliés sont apparus, voici
    environ deux ans, quand il fut question de la succession du président
    Kotcharian. Selon la Constitution, ce dernier ne pouvait solliciter
    un troisième mandat. Toutefois, il souhaitait faire élire un homme a
    sa dévotion, dont il deviendrait le tout-puissant premier ministre -
    en somme, un arrangement équivalent a celui trouvé en Russie par
    M. Vladimir Poutine.

    Ce projet n'était pas du goÃ"t de M. Sarkissian, qui rêvait depuis
    fort longtemps de succéder a son complice a la présidence de la
    République. Pour s'imposer, chacun des deux rivaux s'est donné
    comme objectif de gagner la majorité a l'Assemblée nationale
    lors de l'élection législative de mai 2007. Le ministre de la
    défense Sarkissian, qui sera promu chef du gouvernement en mai
    2007, a effectué une OPA sur le Parti républicain : il y est
    entré comme simple membre avant d'en assumer la présidence et de
    le transformer en un redoutable outil électoral. Pour sa part, le
    président Kotcharian misait sur le soutien d'Arménie prospère,
    un parti fondé a sa demande en 2006 par son ami Gagik Tsarukian,
    un richissime et ubuesque oligarque, surnommé Â" Dodi Gago Â"
    (crapaud débile). Propriétaire d'une immense fortune, estimée par
    certains a 500 millions de dollars, et d'une quarantaine d'entreprises
    commerciales florissantes, M. Tsarukian était confiant dans la
    victoire de son poulain, estimant que tout pouvait s'acheter.

    Malgré les prébendes généreusement distribuées par l'oligarque,
    le Parti républicain remporta une écrasante victoire a l'élection
    législative du 12 mai, laissant loin derrière lui Arménie prospère,
    grâce a son nouveau président et au libre accès aux ressources
    administratives du gouvernement. En fait, ces élections ont servi de
    Â" primaires Â" a la présidentielle de février 2008, ne laissant
    au chef de l'Etat d'autre choix que de se résigner, en apparence
    du moins, au verdict des urnes. Du coup, les porte-parole officieux
    de la présidence et du gouvernement s'empressaient d'affirmer que
    M. Sarkissian était le Â" candidat favori Â" du président.

    Le raz-de-marée électoral du Parti républicain, qui occupe plus de
    la moitié des cent trente et un sièges de l'Assemblée nationale,
    ne s'explique pas uniquement par la fraude, devenue une constante
    des consultations électorales, mais également par la faillite
    politique d'une opposition paralysée par les ambitions personnelles
    de ses dirigeants, dont certains sont manipulés par les services
    du premier ministre. Rien donc ne semblait devoir troubler la marche
    soigneusement programmée de M. Sarkissian vers le sommet de l'Etat.

    La déclaration inattendue par laquelle, en septembre 2007, le
    premier président Levon Ter-Petrossian s'est porté candidat a pris
    au dépourvu les dirigeants du pays, qui avaient pratiquement oublié
    son existence. Au cours d'une traversée du désert de près de dix
    ans, il s'était soigneusement abstenu de toute activité politique,
    se consacrant entièrement a ses travaux universitaires.

    Sollicité a de multiples reprises par ses proches amis et
    collaborateurs, il indiquait qu'il prendrait une décision le moment
    venu, après avoir examiné minutieusement tous les aspects de la
    conjoncture. C'est a l'issue d'une tournée de plusieurs semaines
    a travers tout le pays qu'il a affirmé avoir pris la mesure de
    l'extrême impopularité du régime en place et de l'appui populaire a
    son retour politique. Il a donc décidé de se lancer dans la bataille
    de la présidentielle contre ceux qu'il qualifiera désormais de Â"
    bande criminelle au pouvoir Â" et de Â" régime mafieux Â".

    Boycotté par l'ensemble des médias totalement contrôlés par le
    pouvoir, il a multiplié les réunions publiques pour critiquer le
    régime et exposer ses idées. Pour lui, le plus grand crime commis
    par l'équipe au gouvernement est de n'avoir rien fait depuis dix
    ans pour résoudre le problème du Haut-Karabakh, un règlement sans
    lequel l'Arménie ne peut se développer normalement. Rappelant ses
    propos de naguère sur la nécessité d'une solution de compromis,
    qui avaient provoqué sa disgrâce, il montre qu'un tel arrangement est
    désormais plus difficile, voire impossible, Â" l'Azerbaïdjan étant
    de moins en moins disposée a consentir des concessions, a cause de
    ses réserves pétrolières actuellement en plein développement Â".

    Surnommé par la presse gouvernementale Â" Levon effendi Â" pour avoir
    adopté, selon elle, une orientation pro-turque, il a pris position sur
    le problème, délicat entre tous, du génocide arménien, perpétré
    en 1915 sous l'Empire ottoman. Â" Contrairement a Robert Kotcharian,
    a-t-il soutenu, je pense qu'il est inopportun de faire de ce problème
    la pierre angulaire de la politique étrangère de l'Arménie. Â"
    Et d'ajouter que Â" la Turquie devra reconnaître tôt ou tard le
    génocide arménien, mais ceci ne sera possible que dans un climat
    de relations normales et de bon voisinage Â". Il est allé encore
    plus loin, déclarant que les Arméniens devraient se débarrasser de
    leurs vieux complexes consistant a se considérer comme des victimes
    constantes. Sinon, l'Arménie ne pourra pas devenir une nation moderne.

    Ses interventions publiques, répandues dans l'opinion grâce aux
    milliers de DVD distribués dans tout le pays et aux nombreuses vidéos
    diffusées sur YouTube, ont pris l'allure d'une véritable déclaration
    de guerre contre le tandem Kotcharian-Sarkissian. Evoquant le massacre
    du 27 octobre 1999, il a affirmé que Â" la pyramide monolithique du
    régime corrompu et criminel d'Arménie n'aurait pu exister sans la
    tragique disparition de Karen Demirdjian et de Vazken Sarkissian Â",
    et que l'une des tâches essentielles du nouveau président sera de
    rechercher les commanditaires de cette tragédie.

    L'Â" impitoyable pillage Â" des ressources Monsieur Ter-Petrossian,
    qui proclame tout haut ce que le peuple murmure tout bas, s'acharne
    surtout a dénoncer Â" la corruption qui gangrène la société a
    tous les échelons Â" et l'Â" impitoyable pillage Â" des richesses
    du pays par l'équipe au pouvoir et les oligarques, qui se sont
    réparti les secteurs les plus rentables de l'économie. Par la
    seule force de son discours, l'ancien président a réussi a créer,
    en l'espace de quelques mois, un courant d'opposition populaire,
    notamment au sein de la jeunesse. C'est ce qu'ont démontré les
    onze journées de manifestations massives de protestation pacifique
    contre le résultat de l'élection présidentielle qui ont précédé
    la répression sanglante du 1er mars.

    Le très influent procureur général Aghvan Hovsepian a d'ailleurs
    rendu un hommage involontaire au charisme de M. Ter-Petrossian,
    accusant ce dernier d'avoir Â" hypnotisé Â", au sens propre du
    terme, les foules, allant même jusqu'a le menacer d'un procès en
    sorcellerie...

    Face a la montée de la contestation populaire, il devenait
    impératif pour le pouvoir de remporter la victoire au premier tour de
    l'élection présidentielle pour éviter les aléas d'un second tour
    (5). Tout donc a été mis en Å"uvre pour multiplier les fraudes et
    les mesures d'intimidation. Contre toute attente, les observateurs de
    l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
    n'ont pas pu, ou pas voulu, constater l'étendue des irrégularités et
    ont estimé que les Â" quelques violations Â" observées ne pouvaient
    en aucun cas modifier le résultat de la consultation. Une formule
    ambiguÃ", utilisée inlassablement par l'OSCE après chaque élection
    des dix dernières années ; curieusement, cela ne l'empêche pas
    de prétendre qu'il ne faut rien faire qui puisse décourager les
    quelques progrès réalisés par l'Arménie dans la voie d'une
    démocratie électorale.

    Avec son nouveau président mal élu, l'Arménie risque de connaître
    une ère de troubles et d'instabilité. La Â" société civile qui
    ignore désormais la peur Â" que M. Ter-Petrossian s'est targué
    d'avoir créée dans le pays ne baissera pas facilement les bras. Reste
    a savoir si M. Sarkissian aura l'habileté et la sagesse d'établir
    un dialogue fructueux avec une nouvelle opposition qui s'annonce
    redoutable.

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