GEORGIE ET RUSSIE ECHAUFFENT LA GUERRE FROIDE
Benito Perez
Le Courrier
le Mardi 12 Aout 2008
Switzerland
La guerre a fait son retour aux confins de l'Europe. Depuis jeudi,
des combats meurtriers entre Géorgiens, Russes et Ossètes rappellent
au monde que, près de deux décennies après la chute de l'empire
soviétique, aucune solution politique durable n'a été trouvée aux
Républiques confettis de la poudrière eurasienne. Tchétchénie,
Ingouchie, Abkhazie, Haut-Karabakh, Transnistrie, Ossétie du Sud,
autant de provinces minoritaires, rebelles a leurs souverains
russes, géorgiens, azerbaïdjanais ou moldaves. Des conflits
ethnico-nationalistes hérités du passé et désormais figés pour
cause de néo-guerre froide. Jusqu'a ce qu'un impulsif dirigeant ne
choisisse a nouveau la pire des solutions, celle des armes...
Instinctivement, on aurait envie d'exprimer de la sympathie pour
la petite Georgie confrontée a l'ogre russe. Mais force est de
reconnaître que le président Mikheïl Saakachvili - mal conseillé
par les faucons de Washington - a bien allumé la mèche. Pour les
régimes autoritaires qui pullulent dans la zone, ces frontières
chaotiques représentent une aubaine lorsqu'il s'agit de mobiliser
les foules a coups de bravades nationalistes. Mis en difficulté
l'an dernier par son opposition, Saakachvili espérait enfiler a
nouveau le costume d'homme fort de la Nation, habit que le président
géorgien avait étrenné en 2004 quand, a peine élu, il avait repris
le contrôle de la République autonome d'Adjarie.
Mais, cette fois, c'est un autre Â"bleuÂ", Dmitri Medvedev, qui devrait
gagner ses galons. L'offensive géorgienne et le sang versé par quinze
soldats russes Â"de maintien de la paixÂ" et des centaines de civils
ossètes lui ont fourni un prétexte en or. La réplique impitoyable
du successeur de Poutine indique jusqu'où peuvent aller les Russes
quand il s'agit de défendre leurs Â"intérêts stratégiquesÂ"
dans une zone convoitée par l'OTAN. Cette réaffirmation de la
Pax Rusia devrait provisoirement décourager d'autres aventures
militaires dans la périphérie de l'ex-Union soviétique. Mais
elle éloigne aussi l'espoir d'une solution politique négociée,
dont la région aurait pourtant besoin. Enclavées, assiégées,
militarisÃ&# xA9;es, abandonnées aux potentats locaux, les Républiques
confettis eurasiennes demeureront otages d'intérêts géostratégiques
et d'opportunités politiques qui les dépassent, tant qu'elles ne
seront pas englobées dans un plan de paix qui concilierait, dans
un esprit de réciprocité et de co-souveraineté, le respect des
minorités, la neutralité militaire et les sensibilités nationales.
Malheureusement, l'initiative d'une telle résolution globale ne
viendra pas de l'Union européenne. En choisissant a nouveau de se
joindre au choeur anti-russe de Washington et Tbilissi, les Européens
ont confirmé leur inexistence politique et leur inféodation a
l'OTAN. Les gesticulations, hier, de Bernard Kouchner au côté de
Saakachvili sont d'autant plus pathétiques que - curieux paradoxe -
l'alignement sur les positions étasuniennes n'empêchera pas l'Union
européenne - dépendante du gaz naturel de Sibérie - d'éviter toute
pression sur Moscou visant a l'amener a la table des négociations...
--Boundary_(ID_v2tSP2R +HPlZ2Zy+bn7Ymw)--
Benito Perez
Le Courrier
le Mardi 12 Aout 2008
Switzerland
La guerre a fait son retour aux confins de l'Europe. Depuis jeudi,
des combats meurtriers entre Géorgiens, Russes et Ossètes rappellent
au monde que, près de deux décennies après la chute de l'empire
soviétique, aucune solution politique durable n'a été trouvée aux
Républiques confettis de la poudrière eurasienne. Tchétchénie,
Ingouchie, Abkhazie, Haut-Karabakh, Transnistrie, Ossétie du Sud,
autant de provinces minoritaires, rebelles a leurs souverains
russes, géorgiens, azerbaïdjanais ou moldaves. Des conflits
ethnico-nationalistes hérités du passé et désormais figés pour
cause de néo-guerre froide. Jusqu'a ce qu'un impulsif dirigeant ne
choisisse a nouveau la pire des solutions, celle des armes...
Instinctivement, on aurait envie d'exprimer de la sympathie pour
la petite Georgie confrontée a l'ogre russe. Mais force est de
reconnaître que le président Mikheïl Saakachvili - mal conseillé
par les faucons de Washington - a bien allumé la mèche. Pour les
régimes autoritaires qui pullulent dans la zone, ces frontières
chaotiques représentent une aubaine lorsqu'il s'agit de mobiliser
les foules a coups de bravades nationalistes. Mis en difficulté
l'an dernier par son opposition, Saakachvili espérait enfiler a
nouveau le costume d'homme fort de la Nation, habit que le président
géorgien avait étrenné en 2004 quand, a peine élu, il avait repris
le contrôle de la République autonome d'Adjarie.
Mais, cette fois, c'est un autre Â"bleuÂ", Dmitri Medvedev, qui devrait
gagner ses galons. L'offensive géorgienne et le sang versé par quinze
soldats russes Â"de maintien de la paixÂ" et des centaines de civils
ossètes lui ont fourni un prétexte en or. La réplique impitoyable
du successeur de Poutine indique jusqu'où peuvent aller les Russes
quand il s'agit de défendre leurs Â"intérêts stratégiquesÂ"
dans une zone convoitée par l'OTAN. Cette réaffirmation de la
Pax Rusia devrait provisoirement décourager d'autres aventures
militaires dans la périphérie de l'ex-Union soviétique. Mais
elle éloigne aussi l'espoir d'une solution politique négociée,
dont la région aurait pourtant besoin. Enclavées, assiégées,
militarisÃ&# xA9;es, abandonnées aux potentats locaux, les Républiques
confettis eurasiennes demeureront otages d'intérêts géostratégiques
et d'opportunités politiques qui les dépassent, tant qu'elles ne
seront pas englobées dans un plan de paix qui concilierait, dans
un esprit de réciprocité et de co-souveraineté, le respect des
minorités, la neutralité militaire et les sensibilités nationales.
Malheureusement, l'initiative d'une telle résolution globale ne
viendra pas de l'Union européenne. En choisissant a nouveau de se
joindre au choeur anti-russe de Washington et Tbilissi, les Européens
ont confirmé leur inexistence politique et leur inféodation a
l'OTAN. Les gesticulations, hier, de Bernard Kouchner au côté de
Saakachvili sont d'autant plus pathétiques que - curieux paradoxe -
l'alignement sur les positions étasuniennes n'empêchera pas l'Union
européenne - dépendante du gaz naturel de Sibérie - d'éviter toute
pression sur Moscou visant a l'amener a la table des négociations...
--Boundary_(ID_v2tSP2R +HPlZ2Zy+bn7Ymw)--