Le Monde, France
31 août 2008 dimanche
Russie Tensions aux marches de l'empire
Depuis l'effondrement de l'URSS, la question des nationalités a
ressurgi entre les nouveaux Etats-nations et des minorités tentées de
s'émanciper. Décryptage des crises actuelles et potentielles
La dissolution de l'URSS en 1991 a laissé des " conflits gelés " aux
confins de l'Europe : l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud en Géorgie, la
Transnistrie en Moldavie, le Haut-Karabakh entre l'Arménie et
l'Azerbaïdjan. Après des affrontements armés, ces territoires ont
unilatéralement proclamé leur indépendance. Entités non reconnues par
la communauté internationale, ces confettis de l'ancien empire
soviétique sont les fruits des découpages opérés par Staline.
Transnistrie
Située dans la partie orientale de la Moldavie, la Transnistrie (4 163
km2, 533 000 habitants) a fait sécession depuis l'indépendance de la
Moldavie en 1991. Elle a autoproclamé la sienne en 1992. La 14e armée
russe y a " défendu la minorité russophone " les armes à la
main. Quinze cents de ses soldats y sont encore stationnés.
En 2003, la Russie a proposé à la Moldavie un plan de règlement. Le
texte prévoyait la création d'une fédération " asymétrique " : la
Transnistrie aurait eu un droit de veto sur les affaires
moldaves. Moscou proposait de retirer ses troupes en 2012 ou 2020,
contrairement à l'engagement, réitéré au sommet de l'Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Istanbul en 1999,
d'évacuer ses militaires. Le plan a été repoussé par le président
moldave, Vladimir Voronine.
En février 2008, Moscou a présenté un nouveau plan. La région rebelle
regagnerait le giron de la Moldavie ; et cette dernière s'engagerait à
ne pas rejoindre l'OTAN.
Abkhazie
Située sur les bords de la mer Noire et frontalière de la Russie,
l'Abkhazie a proclamé son indépendance en 1992. Sous l'URSS, c'était
une république autonome de la Géorgie. Les Abkhazes représentaient 17
% de la population, les Géorgiens 44 %, Russes, Arméniens, peuples du
nord du Caucase 39 %. En 1991, le président Zviad Gamsakhourdia,
nationaliste, veut abolir le statut d'autonomie. C'est la
guerre. L'armée géorgienne brûle l'institut de la langue abkhaze et sa
bibliothèque à Soukhoumi.
Le conflit (4 000 morts côté abkhaze, 13 000 côté géorgien) se solde,
en 1993, par la victoire des Abkhazes, grce au soutien russe. Quelque
250 000 Géorgiens sont chassés, de nombreux cas d'épuration ethnique
sont constatés. Le cessez-le-feu signé en 1994 autorise la Russie à
maintenir sur place un " contingent de la paix ". Le territoire (8 600
km2) compte 230 000 habitants, dont 90 % sont détenteurs de passeports
russes. Les Abkhazes ont participé aux élections russes (législatives
en décembre 2007, présidentielle en mars 2008). Le 26 août, le
président russe, Dmitri Medvedev, a signé un décret reconnaissant
l'indépendance de l'Abkhazie.
Ossétie du Sud
Cette région séparatiste de Géorgie (3 900 km2, 60 000 habitants),
frontalière de la Russie, a proclamé son indépendance en 1992 après un
conflit armé (2 000 à 3 000 morts entre 1990 et 1992) avec Tbilissi,
déterminé à abolir le statut d'autonomie de la province. Les accords
signés en 1992 prévoient la présence d'une force " du maintien de la
paix ", composée de quelque 500 Russes, Ossètes et Géorgiens. Quelque
25 000 Géorgiens vivaient en Ossétie du Sud avant le conflit actuel.
Entre 2001 et 2008, 90 % des Ossètes du Sud ont reçu des passeports
russes. La population a pris part aux élections russes. Comme pour
l'Abkhazie, le 26 août, le président Medvedev a reconnu son
indépendance. A terme, les Sud-Ossètes souhaitent leur rattachement à
l'Ossétie du Nord.
Haut-Karabakh
Rattaché à l'Azerbaïdjan soviétique en 1921 par Staline, le
Haut-Karabakh (4 400 km2) a réclamé sa réunification à l'Arménie dès
1988. En 1991, les Arméniens de la province (142 000 habitants, dont
40 000 Azéris) ont proclamé par référendum la " République du
Haut-Karabakh ". Le conflit a dégénéré en guerre entre l'Arménie et
l'Azerbaïdjan (35 000 morts et près de 2 millions de réfugiés, en
majorité des Azéris). En mai 1994, un cessez-le-feu a été signé sous
l'égide de la Russie et de l'OSCE. Périodiquement des accrochages ont
lieu entre Arméniens et Azerbaïdjanais. Les séparatistes arméniens
occupent, depuis, sept régions de l'Azerbaïdjan. Le conflit n'est pas
réglé malgré les efforts du groupe de Minsk (Etats-Unis, Russie,
France) de l'OSCE. La province, dotée d'une Constitution, d'un
président, d'un gouvernement, compte une force militaire de 15 000
hommes, soutenue par l'Arménie.
31 août 2008 dimanche
Russie Tensions aux marches de l'empire
Depuis l'effondrement de l'URSS, la question des nationalités a
ressurgi entre les nouveaux Etats-nations et des minorités tentées de
s'émanciper. Décryptage des crises actuelles et potentielles
La dissolution de l'URSS en 1991 a laissé des " conflits gelés " aux
confins de l'Europe : l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud en Géorgie, la
Transnistrie en Moldavie, le Haut-Karabakh entre l'Arménie et
l'Azerbaïdjan. Après des affrontements armés, ces territoires ont
unilatéralement proclamé leur indépendance. Entités non reconnues par
la communauté internationale, ces confettis de l'ancien empire
soviétique sont les fruits des découpages opérés par Staline.
Transnistrie
Située dans la partie orientale de la Moldavie, la Transnistrie (4 163
km2, 533 000 habitants) a fait sécession depuis l'indépendance de la
Moldavie en 1991. Elle a autoproclamé la sienne en 1992. La 14e armée
russe y a " défendu la minorité russophone " les armes à la
main. Quinze cents de ses soldats y sont encore stationnés.
En 2003, la Russie a proposé à la Moldavie un plan de règlement. Le
texte prévoyait la création d'une fédération " asymétrique " : la
Transnistrie aurait eu un droit de veto sur les affaires
moldaves. Moscou proposait de retirer ses troupes en 2012 ou 2020,
contrairement à l'engagement, réitéré au sommet de l'Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Istanbul en 1999,
d'évacuer ses militaires. Le plan a été repoussé par le président
moldave, Vladimir Voronine.
En février 2008, Moscou a présenté un nouveau plan. La région rebelle
regagnerait le giron de la Moldavie ; et cette dernière s'engagerait à
ne pas rejoindre l'OTAN.
Abkhazie
Située sur les bords de la mer Noire et frontalière de la Russie,
l'Abkhazie a proclamé son indépendance en 1992. Sous l'URSS, c'était
une république autonome de la Géorgie. Les Abkhazes représentaient 17
% de la population, les Géorgiens 44 %, Russes, Arméniens, peuples du
nord du Caucase 39 %. En 1991, le président Zviad Gamsakhourdia,
nationaliste, veut abolir le statut d'autonomie. C'est la
guerre. L'armée géorgienne brûle l'institut de la langue abkhaze et sa
bibliothèque à Soukhoumi.
Le conflit (4 000 morts côté abkhaze, 13 000 côté géorgien) se solde,
en 1993, par la victoire des Abkhazes, grce au soutien russe. Quelque
250 000 Géorgiens sont chassés, de nombreux cas d'épuration ethnique
sont constatés. Le cessez-le-feu signé en 1994 autorise la Russie à
maintenir sur place un " contingent de la paix ". Le territoire (8 600
km2) compte 230 000 habitants, dont 90 % sont détenteurs de passeports
russes. Les Abkhazes ont participé aux élections russes (législatives
en décembre 2007, présidentielle en mars 2008). Le 26 août, le
président russe, Dmitri Medvedev, a signé un décret reconnaissant
l'indépendance de l'Abkhazie.
Ossétie du Sud
Cette région séparatiste de Géorgie (3 900 km2, 60 000 habitants),
frontalière de la Russie, a proclamé son indépendance en 1992 après un
conflit armé (2 000 à 3 000 morts entre 1990 et 1992) avec Tbilissi,
déterminé à abolir le statut d'autonomie de la province. Les accords
signés en 1992 prévoient la présence d'une force " du maintien de la
paix ", composée de quelque 500 Russes, Ossètes et Géorgiens. Quelque
25 000 Géorgiens vivaient en Ossétie du Sud avant le conflit actuel.
Entre 2001 et 2008, 90 % des Ossètes du Sud ont reçu des passeports
russes. La population a pris part aux élections russes. Comme pour
l'Abkhazie, le 26 août, le président Medvedev a reconnu son
indépendance. A terme, les Sud-Ossètes souhaitent leur rattachement à
l'Ossétie du Nord.
Haut-Karabakh
Rattaché à l'Azerbaïdjan soviétique en 1921 par Staline, le
Haut-Karabakh (4 400 km2) a réclamé sa réunification à l'Arménie dès
1988. En 1991, les Arméniens de la province (142 000 habitants, dont
40 000 Azéris) ont proclamé par référendum la " République du
Haut-Karabakh ". Le conflit a dégénéré en guerre entre l'Arménie et
l'Azerbaïdjan (35 000 morts et près de 2 millions de réfugiés, en
majorité des Azéris). En mai 1994, un cessez-le-feu a été signé sous
l'égide de la Russie et de l'OSCE. Périodiquement des accrochages ont
lieu entre Arméniens et Azerbaïdjanais. Les séparatistes arméniens
occupent, depuis, sept régions de l'Azerbaïdjan. Le conflit n'est pas
réglé malgré les efforts du groupe de Minsk (Etats-Unis, Russie,
France) de l'OSCE. La province, dotée d'une Constitution, d'un
président, d'un gouvernement, compte une force militaire de 15 000
hommes, soutenue par l'Arménie.